Chapitre 3 (deuxième partie)

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La découverte des portraits d'Héloïse et de Kyrian avait rendu Maureen un peu fébrile et elle ne parvenait pas, ce soir-là, à s'endormir, malgré une journée bien remplie. Les enfants étaient rentrés tout excités de l'école, mais, fort heureusement pour elle, elle se trouvait à ce moment-là au restaurant, pour aider Mickaël, Sam et Shirley pour les préparatifs du soir. En début d'après-midi, alors que Mickaël était remonté à la maison pour une courte sieste, elle avait pris, seule, possession de la cuisine pour s'occuper de la vaisselle. Quand les deux hommes l'avaient rejointe, elle était en train de disposer les couverts sur les tables, pour faire gagner un peu de temps à Shirley. C'étaient donc Ingrid et Henry qui s'étaient occupés des enfants, déjà prêts à faire la fête durant quatre jours.

Maureen avait regagné la maison alors que le premier service au restaurant était déjà bien entamé et que sa présence n'était plus vraiment nécessaire. Même s'il était un peu tard, les enfants n'étaient pas encore couchés et même Erin qui, habituellement, lisait tranquillement dans son lit, était encore debout, attendant le retour de sa mère. Ingrid, Henry et Mummy avaient eu la présence d'esprit de ne pas montrer les portraits aux trois enfants, pour ne pas ajouter à leur excitation. Mais leur esprit était, pour l'heure, entièrement tourné vers les réjouissances qui s'annonçaient.

Il fallut à Maureen se fâcher, menacer de ne pas les laisser participer au défilé, pour obtenir enfin un semblant de calme. Elle s'offrit alors seulement de grignoter un petit morceau pendant qu'Henry veillait à l'étage à ce que les enfants ne se relèvent pas. Quand elle gagna sa chambre, le calme régnait enfin et les trois petits excités étaient endormis.

Quand Mickaël rentra, Maureen se réveilla en ayant le sentiment d'avoir très peu dormi, ce qui était sans doute le cas tant elle avait tourné et tourné dans le lit. Elle était habituée, pourtant, aux retours tardifs de Mickaël, puisqu'il en avait toujours été ainsi depuis qu'ils se connaissaient.

- Tu es réveillée ? murmura-t-il en s'approchant du lit.

- Oui, je crois que l'excitation des enfants m'a gagnée et je n'arrive pas à trouver le sommeil, soupira-t-elle. Et puis… nous avons fait une nouvelle découverte, ta mère et moi, et je tenais absolument à te la montrer…

- Hum, hum, sourit Mickaël avant d'ajouter : il a bon dos, le rassemblement… Mais montre-moi donc ce qu'il en est, tu m'as rendu très curieux !

Il s'assit sur le bord du lit alors que Maureen se relevait et s'approchait de la petite table en bois de leur chambre. C'était là qu'elle avait ramené les dessins, préférant les cacher à la curiosité éventuelle des enfants qui savaient bien qu'elle avait entreposé les cahiers d'Héloïse et les tartans dans la petite chambre.

- Regarde, dit-elle en tendant le portrait d'Héloïse à Mickaël.

Il n'avait allumé que la lampe de chevet et la lumière douce lui dévoila les traits finement dessinés d'Héloïse. Il ouvrit de grands yeux et murmura :

- Incroyable ! Un portrait... Elle est déjà une femme… plus une jeune fille, je veux dire…

- Si on se fie à la date du dessin, en effet, puisqu'il aurait été réalisé en 1760, or elle nous avait appris s'être mariée en 1734, à 18 ans. Elle a donc 44 ans.

- Il y a une date ? interrogea Mickaël, vraiment surpris.

- Oui, difficilement déchiffrable, mais oui. Ainsi qu'une signature, mais cela ne nous apprend pas grand-chose pour le moment. C'est signé E. MacLeod.

Mickaël prit le deuxième dessin que lui tendait Maureen, il hocha la tête en découvrant Kyrian.

- Un vrai Highlander, dit-il. Et un laird.

- Qu'est-ce qui te fait dire cela ? demanda Maureen qui était à l'affût du moindre indice.

- Il porte le tartan et un emblème sur l'épaule, même si c'est peu visible.

Maureen vit Mickaël froncer les sourcils.

- C'était dangereux.

- Comment cela ? s'étonna-t-elle.

- En 1760, la loi sur l'interdiction du port du tartan n'avait pas encore été abolie, expliqua-t-il. Ce ne sera fait que vingt-deux ans plus tard.

- C'était donc une forme de rébellion que de le porter à cette époque ? interrogea Maureen, vivement intéressée.

- Oui. C'était plus que transgressif : s'il avait été vu par un Anglais, Kyrian MacLeod aurait pu être exécuté.

- Non ? fit Maureen en ouvrant de grands yeux.

- Si. Ce n'était pas une époque très tendre, ma douce, dit Mickaël en hochant légèrement la tête. Les Anglais ont commis de nombreuses exactions…

- Alors... Pourquoi l'avoir représenté ainsi ? Car même ce dessin est subversif…

- Je le pense aussi. Mais cela ajoute à toute la majesté du personnage. Un peu comme on n'envisagerait pas de représenter un roi sans couronne.

Maureen agréa. Mickaël rapprocha un peu le dessin de la lampe, puis demanda :

- Allume la grande lampe, s'il te plaît.

Elle appuya sur l'interrupteur et revint s'asseoir à côté de lui.

- As-tu remarqué ? fit-il.

- Qu'aurais-je dû remarquer ?

- Le tartan qu'il porte. Le dessin est petit, les couleurs se mélangent un peu, mais… je crois bien qu'il s'agit du même tartan que celui que vous avez trouvé dans la malle.

- Je n'avais pas fait attention, dit Maureen. Le vêtement est sombre, sur le dessin.

- Le dessin est un peu piqué, aussi. Le papier n'était pas de la même qualité que celui des cahiers, fit remarquer Mickaël. Mais ça doit pouvoir être restauré. Il faudrait voir…

Maureen ne le laissa pas terminer sa phrase :

- Tu as raison, dit-elle. On dirait bien du rouge, par endroit, pour souligner les carreaux... Si ton hypothèse est vraie, alors ce tartan serait celui de son clan…

- Tu sais quoi ? Il y a une exposition de tartans et de costumes traditionnels, en marge du gathering. Tu devrais aller y faire un tour... suggéra-t-il.

- Bonne idée, dit Maureen. Mais les enfants sont à la maison désormais, et je te laisse imaginer l'ambiance…

- Tu me les envoies au restaurant, je les occuperai.

- Tu n'es pas sérieux ! s'exclama Maureen.

- Pas le moins du monde, rit-il légèrement. Mais propose donc à mon père de les emmener voir les démonstrations de jeux traditionnels. Le lancer de tronc les occupera suffisamment pour te laisser un peu de temps.

- Ton père va adorer l'idée…

- Il se mettrait en quatre pour faire plaisir à ses petits-enfants… sourit Mickaël. Mais il reste un dessin, non ?

- Oui.

Maureen lui tendit le paysage et Mickaël sourit :

- Les lieux ont peu changé… Je reconnais parfaitement l'endroit. C'est beau. C'est une nouvelle pièce du trésor, que vous avez trouvée là, maman et toi. Vous êtes vraiment de fines enquêtrices ! souligna-t-il avec admiration.

- Mais les remarques de vous tous nous aident aussi beaucoup à progresser… Tu as raison pour le tartan. J'en amènerai un à l'exposition, il y aura peut-être quelqu'un qui s'y connaît un peu et qui pourra me répondre. A moins qu'Héloïse nous en dise un peu plus dans son journal, mais, pour l'heure, nous n'avons pas le temps d'avancer, Mummy et moi.

- Dans quelques jours, vous aurez besoin de vous reposer de toute la fête. Cela vous fera du bien de rester tranquilles à la maison et de vous replonger dans cette histoire, dit Mickaël. Mummy ne fatigue pas trop ?

- Non, ça va. Elle a fait une petite sieste, tantôt, après ton départ et avant que les enfants ne reviennent de l'école. Heureusement que tes parents sont venus, sinon, je n'aurais pas pu la laisser seule avec eux.

- Tu sais, si ça se trouve, ils auraient été plus calmes qu'on ne l'imagine. Un jour, quand j'étais petit, Sam, Will et moi étions restés tous les trois avec Mémé Fine, car Mummy et pépé avaient eu une obligation. Il paraît qu'on avait été sage comme des images… et pourtant, nous n'étions pas plus âgés que nos trois loustics !

Maureen sourit. Elle aimait beaucoup quand Mickaël lui racontait une anecdote de son enfance et particulièrement quand il évoquait Donan, Finella et Steven. Elle avait l'impression qu'ils étaient encore un peu vivants. Toujours présents. Et d'autant plus que, désormais, elle, Mickaël et leurs enfants habitaient la maison où Steven était né, où Donan lui-même était né. Et au moins son père avant lui d'après ce qu'en avait dit une fois Mummy. Pour la génération précédente, elle n'était pas sûre…

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