En regagnant Fort William, ce mardi matin, Maureen réfléchissait à tout ce qu'ils avaient découvert à Edimbourg. Les compléments dans l'arbre généalogique, maintenant terminé, les données concernant l'établissement de Tobias et Eilidh à Fort William, la rencontre avec le professeur MacGuiness auquel elle s'était promis d'écrire à nouveau très vite en lui adressant une copie de l'arbre généalogique. Elle voulait aussi lui demander s'il pouvait les aider à retrouver l'acte de propriété originel des terres de Tobias. Elles avaient toujours été dans la famille depuis cette date, de même que la maison, même s'il leur manquait encore la date de sa construction, date qui ne serait peut-être pas facile à trouver. Elle imaginait aussi l'enthousiasme et l'émotion de Mummy quand ils lui feraient part de toutes leurs découvertes, de même aux enfants.

Mickaël conduisait tranquillement et ils en profitaient pour admirer le paysage défilant sous leurs yeux, d'autant que c'était une route qu'ils empruntaient rarement, puisque lorsqu'ils quittaient Fort William en direction de l'est, c'était plus généralement pour se rendre à Glasgow. Maureen repensa au récit qu'Héloïse avait fait de son arrivée en Ecosse, et se dit qu'elle avait très certainement traversé la région par des chemins semblables à cette route. Elle pouvait comprendre l'enthousiasme et l'admiration qui étaient les siens, car elle-même ressentait toujours une émotion très forte en voyant se dessiner les montagnes et les vallées, s'enchaînant les unes après les autres, de plus en plus hautes et de plus en plus profondes au fur et à mesure qu'ils progressaient vers l'ouest.

Quand Mickaël s'arrêta devant la maison, ils constatèrent que Mummy s'était installée au jardin. Il dit à Maureen :

- Elle crève d'impatience. Je suis certain qu'elle n'a pas décidé par hasard de se mettre au jardin.

- Il fait beau, elle a raison d'en profiter, fit Maureen.

- Oui, mais tu vas voir qu'elle va vouloir déjà tout savoir de notre périple...

Maureen lui sourit en retour et descendit de voiture. Ils y laissèrent leurs affaires, se dirigeant vers la vieille dame qui les attendait en souriant.

- Bonjour, les enfants.

- Bonjour, Mummy. Tu vas bien ? demanda Mickaël.

- Oui, oui.

- Bonjour, Mummy, dit Maureen. Tout s'est bien passé pour vous ?

- Aucun souci. Même si cela m'a fait bizarre de ne pas voir les petitous durant deux jours ! C'est étrange, une maison toute calme...

Mickaël sourit :

- Ne te soucie pas que, d'ici la fin d'après-midi, ça va chahuter à nouveau ! Vous n'allez pas manquer d'animation !

- Je vous ai préparé une grande salade... Je ne savais pas à quelle heure vous alliez arriver, alors, je me suis dit que si on ne la mangeait pas ce midi, elle serait encore bonne pour ce soir.

- Parfait. On a pris du pain en passant, dit Mickaël.

Puis il demanda :

- On mange dehors ou... ?

- Le vent est un peu frais, encore, dit Mummy.

Ils regagnèrent alors la maison et, alors que Maureen disposait les couverts sur la table de la salle à manger et que Mickaël préparait une sauce d'accompagnement, Mummy commença à poser ses premières questions :

- Alors, tu as vu ton grand-père, Mickaël ? Comment va-t-il ?

- Doucement. Sa convalescence est lente, mais il dit se sentir mieux qu'à sa sortie d'hôpital. Il commence à récupérer. Mais je ne l'ai pas trouvé très optimiste.

- Il était content de voir les photos de toute la famille, dit Maureen, et je prévois déjà de lui rendre visite avec les enfants au début de l'été.

- Comme cela, tu retrouveras un peu de calme à la maison, dit Mickaël en adressant un petit clin d'œil à sa grand-mère.

- Ma foi, je ne sais pas si ce sera calme... Tu serais capable de faire venir Sam pour que je puisse avoir de l'occupation !

- On sera en plein rush touristique, Mummy. Tu sais, on aura autre chose à faire que la bringue...

Maureen fit le service et Mummy continua :

- Et les recherches, alors ?

- On a trouvé, dit Mickaël avec un sourire malicieux. Et pas n'importe quoi.

Puis il se tourna vers Maureen et dit :

- Annonce la couleur à Mummy, ma douce. C'est toi qui as trouvé...

Maureen sourit doucement, pas étonnée de cette requête de la part de son mari :

- Nous avons pu faire le lien entre Walter, le grand-père de Donan, jusqu'auquel Ingrid et Henry avaient pu remonter, et Tobias, le second fils de Kyrian et Héloïse. C'était un peu compliqué à démêler au niveau de Walter, car il s'est marié deux fois, sa première femme ayant dû décéder très jeune, peut-être en couches, de ce que nous avons trouvé. Mais une fois débrouillée cette difficulté, nous avons pu plus aisément remonter jusqu'à Tobias. Je vais remettre toutes mes notes au propre, sur un dessin, ce sera plus facile à comprendre.

- Alors... soupira Mummy. Alors, cela veut bien dire...

- Que Kyrian et Héloïse sont nos ancêtres directs, oui, Mummy. Via Tobias, mais oui.

Mummy leva un peu la tête et son regard se posa sur les portraits, au-dessus du buffet. Mickaël et Maureen se tournèrent eux aussi, pour l'imiter. Puis Mickaël se leva et, s'approchant du meuble, il fixa un moment les deux dessins, passant tour à tour du portrait d'Héloïse à celui de Kyrian.

- Hé oui, ça fait bizarre de se le dire, mais... vous êtes mes aïeux. Je suis la dixième génération après vous... Et mes trois loustics, la onzième...

Une petite larme roula sur la joue de Mummy, larme qui n'échappa pas à Maureen, qui s'était retournée vers elle. Elle lui prit la main et dit :

- Mummy ?

- Ah, ça... C'est un peu émouvant... répondit la vieille dame en souriant. Mais racontez-moi tout, maintenant !

Maureen et Mickaël entreprirent alors un récit détaillé de leurs recherches et de leur entretien avec le professeur MacGuiness. Mais le temps filait et Mickaël devait rejoindre Sam au restaurant.

Après avoir vidé leur sac de voyage et rangé les affaires du déjeuner, Maureen s'installa à nouveau à la grande table, les documents rapportés devant elle. Elle compléta d'abord sommairement l'arbre généalogique avec les éléments qu'ils avaient trouvés à Edimbourg, puis écrivit un courriel au professeur MacGuiness pour lui faire part de leurs découvertes. Elle y joignit le fichier de l'arbre généalogique. Puis elle compléta le fichier des questions qu'elle se posait tout en discutant de ces différents points avec Mummy. Ensuite, seulement, elles reprirent un peu la traduction du journal, mais il ne leur restait pas beaucoup de temps avant que Maureen ne doive aller chercher les enfants à l'école.

**

- Alors, Micky ! Ca a donné quoi, votre petite escapade ? Me dis pas que Maureen est revenue avec un polichinelle dans le tiroir !

- Non, je ne pense pas, sourit Mickaël. Je crois que la descendance est suffisante avec trois...

- Mouais, je me méfie avec vous deux. Des fois, vous partez tout innocents, et neuf mois plus tard, les couches, les biberons...

- Tu peux parler... Bon, les loustics ont été sages ?

- Yep. Jenn les fait marcher à la baguette, tu sais bien, répondit Sam. Non, sérieux, ça s'est super bien passé. Ils ont été sages hier matin, ils ne m'ont pas réveillé en allant à l'école, c'était cool. Pour les récompenser, ils n'ont pas mangé à la cantine hier midi, mais avec nous. Bien que je ne sois pas certain que cela ait été une bonne idée... J'avais besoin d'une sieste après !

- C'est certain que cinq galoupiots, ça met de l'ambiance d'un coup...

- Ewan était le plus excité par votre absence.

- Ah bon ? Je n'aurais pas cru... dit Mickaël étonné, alors qu'il entamait la découpe des poissons que Sam avait récupérés au port au retour de la pêche.

- Oui, il n'arrêtait pas de parler d'Héloïse et de Kyrian. Je crois qu'il a hâte de savoir ce qu'il en est...

- Et bien, il ne va pas être déçu... sourit Mickaël.

- Lâche-moi le morceau, Micky... T'es un lointain descendant ?

- Oui. Dixième génération.

- Pas mal... J'en étais sûr... T'as toujours eu quelque chose d'un chef de clan !

Mickaël s'esclaffa en entendant la répartie de Sam.

- Et Maureen qui en était certaine aussi, mais pour d'autres raisons...

- Lesquelles ?

- La couleur de mes yeux.

Sam leva les yeux au plafond.

- Ca, ça ne m'étonne pas de ta princesse. Tu la regardes et elle se liquéfie.

- Je dirais que c'est plutôt plus souvent l'inverse... dit Mickaël d'un ton rêveur.

Ce qui fit que Sam leva encore plus les yeux au plafond, si tant était que cela lui fût possible...