Confinement
Pendant le confinement, début 2020, j'ai rêvé d'une magnifique plage. J'étais là avec une classe d'une vingtaine d'élèves à peine plus jeunes que moi, des lycéens peut-être.
Je me suis sentie triste d'un coup, sans savoir pourquoi. C'était la fin du printemps ou le début de l'été, il faisait beau. Les femmes portaient des shorts, les hommes des chemises à manches courtes. Ils voulaient aller se baigner. Je leur ai dit que c'était impossible, à cause du confinement, et c'est là que j'ai compris que je rêvais.
Je marchais le long de la plage avec deux filles. Les autres, face à l'évidence de leur non-existence, s'étaient évaporés. La grande fille à la capeline, bien en chair et avec les cheveux très longs, a fini par partir aussi. Ne restait plus qu'une fille rachitique à la peau très foncée, qui portait un débardeur rouge et un pantalon en toile. Elle était petite et avait l'air aussi fragile qu'un oiseau. Je me souviens des tresses minuscules qui recouvraient sa tête. Elles étaient si fines qu'on aurait pu passer des heures à les compter.
Nous nous sommes éloignées de la plage pour arriver en ville, sur du béton craquelé par le sel et le vent. À chaque pas, les semelles de nos chaussures faisaient craquer de minuscules grains de sable.
Elle m'a demandé, d'une voix très douce, comment la vie se passait dans le vrai monde. Si nous ne nous ennuyions pas trop. Si l'extérieur ne nous manquait pas. Elle avait de la chance, elle, d'être sur une jolie plage, de pouvoir se baigner dans la mer, alors que nous étions enfermés. Elle avait de la chance, surtout, d'être insouciante, alors que nous avions peur de la mort.
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