"Elle était toute seule dans cette ruelle sombre."
Deux heures du matin. La fête continue de battre son plein. Tout le monde s’amuse, rigole, et boit. La musique, plutôt forte, doit déranger les voisins. Mais nous nous en moquons. Nous continuons. Je vais pour me servir un nouveau verre, lorsque Noah me le retire des mains.
« - Je pense qu’il vaut mieux que tu t’arrêtes là, Baptiste, si tu comptes rentrer chez toi à pied ! » me dit-il avec cet air protecteur qu’il adopte à chaque fois.
Je prends alors une moue attristée, et tente le tout pour le tout en essayant de faire semblant de pleurer.
« - Allez quoi, juste un dernier ! J’habite pas très loin de chez toi, je n’aurais pas de mal pour rentrer ! »
« - Mais moi je ne veux pas avoir ta mort sur la conscience. » lança-t-il avec un petit rire. « T’es déjà bien bourré, ce n’est pas que je veux te chasser, mais tu devrais rentrer chez toi. A moins que tu ne veuilles dormir sur le sol sale et tout collant ? »
« - Pfff, c’est bon j’ai compris, je vais partir, tout seul, dans le noir… Tu m’es redevable d’un verre de whisky coca, Noah ! Je suis bourré, mais t’inquiète pas que je n’oublierai pas ! » Lui dis-je en éclatant de rire.
« - C’est mieux pour toi va, tête de mule. Et t’oublies pas de m’envoyer un message quand tu seras chez toi surtout ! Sinon je vais devoir clôturer la soirée, et entamer des recherches plus poussées que le ferai le FBI pour te retrouver… »
« - Raconte pas n’importe quoi. Allez, à la prochaine ! »
Nous nous saluons, puis je sors. J’ai un petit hoquet de surprise lorsque je découvre que l’air à l’extérieur est extrêmement frais. J’aurais dû penser à prendre une veste… La courte distance séparant la maison de Noah et mon appartement m’a induite en erreur. Me voilà avec un simple gilet sur le dos, dehors, à deux heures et quart du matin durant un mois de décembre. Quel idiot ! En plus, je ne vois pas tout clair, ma vision se trouble par moment. Ça m’apprendra à boire autant... J’aurais peut-être dû rester dormir sur le sol finalement ? Un rire m’échappe. Je rigole à ma propre pensée, alors qu’il n’y a rien de drôle. Pourvu que personne ne me vois dans cet état…
Alcoolisé, le chemin entre sa maison et chez moi me parait être des dizaines de kilomètres. Et puis ce fichu air glacial n’arrange rien. Vivement que je sois chez moi, dans mon lit. En plus, un sale mal de tête commence à me prendre, la poisse. Trop de pensées se bousculent dans mon esprit, ce doit être pour ça. Ou alors c’est tout simplement l’alcool. Ou un mélange des deux ? D’un coup, je sens mon pied droit glisser sur quelque chose, et, un quart de seconde après, je me retrouve par terre.
« - Mais pourquoi tout est contre moi ! Je veux juste rentrer chez moi, et dormir jusque demain midi ! » Pestais-je en remarquant alors la petite plaque de verglas sur laquelle je venais de glisser.
Sans déconner, y a aucune plaque de verglas sur le reste du trottoir, et comme un idiot il fallait que je marche sur celle-là… Je me relève rapidement.
« - Qu’est-ce qu’il va m’arriver maintenant hein, puisqu’apparemment quelqu’un là-haut ne veut pas que je rentre chez moi rapidement ? » Dis-je en regardant le ciel couvert, le regard noir.
Après avoir prononcé ces paroles, un bruit attire mon attention. Ai-je rêvé ou ce bruit était-il réel ? Je me tais et décide de ne plus bouger, de ne plus respirer, de ne plus penser, juste de me concentrer sur ce qui m’entoure. Difficile, car l’alcool ne cesse de ramener diverses pensées à mon esprit. Enfin, j’entends à nouveau ce fameux bruit. On dirait des chuchotements. Je tends un peu plus l’oreille, essayant de trouver leur origine. Je tourne alors la tête. On dirait qu’ils viennent de cette ruelle. Waouh ça fou les jetons par ici ! D’ordinaire, je serais sûrement parti, presque en courant, trop apeuré. Mais là, l’alcool doit sûrement me faire pousser des ailes. Aller Baptiste, va voir ce qu’il y a par là-bas.
Je rentre alors dans cette ruelle sombre. Ma vision trouble n’arrange pas vraiment les choses. Je ne vois vraiment rien. Ça n’a pas intérêt à être quelque chose de dangereux, parce que je ne pourrais pas courir pour m’enfuir. Je ferme alors un instant les yeux, puis les rouvres. Je continue d’avancer, lorsque j’aperçois une silhouette assise contre le mur.
« - Qu’est-ce que… Que vais-je… C’est un cauchemar… »
Cette fois, j’entends les chuchotements plus clairement. Et je reconnais une voix féminine. Mais je capte qu’un mot sur deux. Mon dieu, il fallait que ça m’arrive alors que je suis dans un sale état !
« - Euh… bonsoir mademoiselle, est-ce que ça va ? » Dis-je d’une voix assez forte pour la prévenir de ma présence.
« - Que vais-je faire ? Je suis fichue… » Continue-t-elle de chuchoter.
Mais qu’est-ce qu’elle a ? Pourquoi elle fait comme si je n’étais pas là ? Alors j’essaie d’être sympa et elle me calcul pas ? Oh et puis je ne vois vraiment rien ! Je fouille alors mes poches, puis j’attrape mon téléphone. Heureusement que je ne l’ai pas trop utilisé durant la soirée, il me reste pas mal de batterie. J’allume alors la lampe torche, et éclaire la silhouette.
« - Ils vont me trouver revenir… Je dois aller le sauver… Pourquoi est-ce que j’ai fuis ? Je… »
J’ai un mouvement de recul lorsque je découvre enfin cette fameuse fille. Ses cheveux sont bruns, mais ébouriffés et tout emmêlés. Elle porte un tee-shirt blanc, et un jean bleu marine. Ses mains sont ensanglantées, et elle tient un couteau couvert de sang dans sa main droite. De même, ses habits sont tâchés, ainsi que son visage. Et lorsqu’elle daigne enfin tourner sa tête vers moi, son regard est rempli de panique et d’effroi. Je remarque également qu’elle suffoque, et qu’elle tremble beaucoup. Euh, je suis censé faire quoi là, j’appelle Noah ? Je commence à composer le numéro, lorsqu’elle se relève et se jette sur moi. Je manque de tomber à la renverse, et ma tête se met à tourner.
« - C’est pas de ma faute ! S’il vous plait, ce n’est pas de ma faute ! » Commence-t-elle à dire en hurlant.
« - Eh doucement ! »
Je la repousse gentiment, puis elle se met à exploser en sanglots. Ça fait beaucoup à comprendre, et je n’ai pas les idées claires… Je fais quoi ?
« - Qu’est-ce qui n’est pas de ta faute ? Et comment tu t’appelles ? »
« - Il faut m’aider ! S’il vous plait… »
Bon, je crois qu’elle n’est pas en état de discuter là. Et puis qu’est-ce qu’il fait froid ! Je veux juste dormir, laissez-moi retrouver mon lit… Je savais qu’il allait encore se passer quelque chose… Je ne peux pa s la laisser ici, dans le noir et le froid…
« - Je veux bien t’aider, mais pour ça il va falloir que tu me dises ce que tu as… Tu dois avoir froid ? Et puis je pense que tu as envie de te laver. Suis-moi, je n’habite pas loin, et je pourrai te prêter des vêtements chauds. » Je lance en lui tendant la main.
Etrangement, elle hoche la tête, et me tend sa main. Je sens alors le sang encore chaud sur sa peau. Dans quoi est-ce que je viens de me lancer ? Le trajet jusque chez moi se fait dans le silence, parfois rompu par des sanglots. Je me demande vraiment ce qu’il lui est arrivé, mais surtout ce qu’elle a fait. L’idée de ramener une éventuelle… Non, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, je ne dois pas me précipiter et me faire de fausses idées.
Nous arrivons enfin sur le pas de ma porte. Je cherche mes clefs, lorsque je sens qu’elle s’affaisse sur mon épaule. Elle n’est pas très lourde, mais sous l’effet de l’alcool je manque de tomber.
« - Eh, attention ! Je ne voudrais pas te faire tomber. » Je lance avec un petit sourire.
« - J’ai tué quelqu’un. » Dit-elle d’une petite voix, prête à exploser en larmes.
Un frisson parcourt l’ensemble de mon corps. Ce que je redoutais s’avérait vrai. Je ne savais pas vraiment quoi dire, ni quoi faire d’ailleurs.
« - Ce n’est pas ma faute, il faut me croire… Je n’avais pas d’autre choix… Au secours, c’est un véritable enfer, il faut que tu m’aides… » Hurle-t-elle de désespoir.
Je suis vraiment perdu. Elle semble sincère, mais comment je pourrais lui venir en aide ? Je secoue la tête afin de m’éclaircir les idées.
« - Calme-toi. Tu vas venir chez moi, tu vas aller te laver, et, ensuite, tu m’expliqueras ce qu’il s’est passé, d’accord ? »
Elle acquiesce. Je trouve enfin mes clefs, et ouvre ma porte. Mon mal de crâne s’accentue lorsque j’allume la lumière. Je l’amène jusqu’à la salle de bain, et lui donne un vieux tee-shirt ainsi qu’un vieux jogging. Puis je retourne dans la cuisine, afin de prendre un cachet. Malgré le son de l’eau qui coule, je peux l’entendre pleurer. Elle est vraiment bouleversée. Et moi, je ne sais pas quoi faire. Je dois envoyer un message à Noah pour lui dire que je suis bien rentré. Et puis, il pourra peut-être m’aider, il doit avoir les idées plus claires que moi. J’attrape alors mon téléphone que j’avais posé auparavant sur la table.
« A Noah : Je suis bien rentré. Mais j’ai un problème. Sur le chemin, je suis tombée sur une fille. Elle était toute seule dans une ruelle sombre, pleine de sang sur ses mains, ses vêtements. Elle était vraiment apeurée. Alors je l’ai ramenée chez moi pour qu’elle puisse se laver et qu’elle me raconte ce qu’il s’est passé. »
« De Noah : T’es rentré, c’est déjà ça ! Et elle t’a raconté alors ? »
« A Noah : Juste avant qu’on rentre dans mon appart, elle m’a dit qu’elle avait tué quelqu’un. Mais que ça n’était pas de sa faute. »
« De Noah : Mec, dans quelle histoire est-ce que tu t’es embarqué ! Tu veux que je vienne ? »
« A Noah : Non, je préfère qu’elle me raconte d’abord ce qu’il s’est passé. Je t’envoie un message après. »
Je regarde en direction de la salle de bain. L’eau ne coule plus, elle va donc bientôt me raconter ce qu’il s’est passé. Noah a raison. Dans qu’elle histoire me suis-je embarqué ?
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