Chapitre 17
Lorsque les quelques rayons du soleil matinal vinrent doucement réveiller Victor, il comprit que la journée serait difficile. Il n’avait pas encore ouvert un oeil qu’il sentait déjà son crâne explosait à cause de la soirée d’hier.
Plus jamais… Plus jamais je ne bois comme ça.
En plus de ce mal de tête, il devait composer avec son estomac qui était aussi retourné que le jour de la tempête sur le Condor. Avec un effort qui lui semblait surhumain, il ouvrit finalement les yeux.
Oh bordel… J’ai l’impression d’avoir échoué une deuxième fois sur la plage…
Le mal de tête, l’estomac retourné, autant de choses qui le ramenaient quelques mois en arrière quand il avait échoué sur les côtes. À la différence qu’ici, il était dans son lit. Et en tournant la tête, il vit qu’il n’était pas seul. Louise était à ses côtés dormant paisiblement. Petit à petit, la soirée lui revint en mémoire. Ils avaient un peu bu et avaient fini ici. Non pas que ça avait déplu à Victor, mais il se demandait quelle serait la réaction de Louise à son réveil, après avoir décuvée.
Elle commença à bouger dans le lit. Il n’allait pas tarder à le savoir. Elle ouvrit les yeux, au moins aussi difficilement que Victor. Il était plutôt content de voir qu’il n’était pas le seul à avoir du mal.
« Hey… »
Sa voix était encore endormie et à mille lieues de sa voix si mélodieuse.
« Salut. »
La voix de Victor était cassée par la soirée de folie qu’ils avaient eue. Il avait vraiment trop crié dans ce bar. Un long silence s’installa alors que Louise commençait réellement à se réveiller. Elle se retournait encore et encore dans le lit en s’étirant.
C’est là que ça va être gênant…
Il s’attendait à un moment d’une grande gêne. Il voyait déjà le visage de Louise se décomposer en comprenant ce qu’il s’était passé. Et pourtant… Rien. Elle lui adressa juste un grand sourire, les cheveux en bataille et les yeux à moitié ouverts.
« Est-ce que ça va ? demanda-t-elle à Victor. Tu fais une drôle de tête.
— J’ai un peu envie de vomir.
— J’imagine que j’ai une sale tête, mais quand même. »
Victor lâcha un petit rire.
« J’ai juste trop bu, répondit-il. Rien avoir avec toi.
— Oh, tant mieux. Parce que sinon je vais finir par croire que c’est moi qui te fais vomir. Déjà que quand on s’est rencontré…
— Je venais de survivre à un naufrage ! »
Il passa sa main sur son ventre barbouillé en grimaçant. Il espérait juste que ça passerait le temps de manger un peu. Quant à Louise, elle commençait à jouer nerveusement avec la couette. Ses doigts créant un méli-mélo avec le tissu.
« Bon, reprit-elle d’une petite voix, je suppose qu’on doit parler de ce qui s’est passé hier soir.
— Ouai, on a un peu trop bu.
— Donc tu regrettes ? »
Est-ce qu’il y a une bonne réponse à ça ?
« Non, répondit-il finalement. Pas du tout. Mais… Je me demandais juste ce que tu pensais de tout ça. Si c’était pas juste l’alcool qui avait permis ça ou, si quelque part tu…
— Tu me plais Victor. »
Il sentait le rouge lui montait aux joues ce qui fit doucement sourire Louise :
« C’est juste que... C’est compliqué.
— Ouai, je sais. Le groupe, les combats et tout le reste. Je sais que c’est compliqué, soupira Victor. Tu ne veux pas qu’ils sachent, pas vrai ?
— Je ne pense pas que j’arriverai à supporter leurs remarques. Je les connais. Quand je vois déjà la dernière fois avec Pierre.
— Oui enfin c’est ta vie. Pas la leur. Il n’a pas le droit de te dire quoi faire.
— Je suis d’accord, mais dans les faits, c’est plus compliqué. Pierre est un peu… Il est comme un grand frère protecteur. Il ne se rend pas forcément compte de son habitude.
— Il est jaloux ? »
Louise éclata de rire :
« Pierre jaloux ? Non, je ne pense pas. Il n’a toujours eu d’yeux que pour Sybile. C’est une très longue histoire tous les deux. Digne d’un film de romance. Non. C’est juste que je sortais avec Connor avant et que… Je pense que Pierre n’arrive pas à tourner la page. Et je ne peux pas trop lui en vouloir. Il a perdu sa seule famille.
— Je comprends… Je serais muet comme une tombe.
— Je sais que c’est idiot… Je suis désolée. »
Victor leva les yeux au ciel. Oui, il trouvait ça idiot et en même temps, l’ambiance était tendue ces derniers temps. Il pouvait facilement comprendre que Louise ne veuille pas créer plus d’ennuis. Pour lui, ça n’allait pas changer grand-chose, ça lui importait peu que le groupe soit au courant ou non. À vraiment y réfléchir, il ne connaissait personne ici alors il n’avait aucun souci à se faire de ce côté-là…
Et bordel… Guillaume… Je l’avais oublié.
Guillaume était revenu dans ses souvenirs subitement. Victor était ami avec l’homme qui avait tué le fiancé de la femme qui se trouvait dans son lit. Plus il se disait ça, et plus il était sûr d’une chose.
Je suis dans la merde.
« Victor, tu es pâle, est-ce que tu es sûr que ça va ?
— Faut vraiment que je vomisse là. »
Il se leva en trombe du lit et se hâta pour aller à la salle de bains afin de vomir ce qui lui restait de la veille. Il resta un long moment-là dans la salle de bains à se repasser la situation dans tous les sens. Un jour ou l’autre, tout ceci allait lui retomber dessus, il en était sûr. Il ne pouvait pas cacher longtemps son passé.
Je devrais parler à Louise de ce que je sais sur Guillaume… Non, je ne peux pas faire ça.
Il ne pouvait pas parler de Guillaume, c’était impossible. Louise le prendrait mal. Elle lui en voudrait surement d’avoir caché cette information. Et puis, c’était peut-être mieux qu’elle ignore tout, pour qu’elle puisse avancer. Oui, c’était sans doute préférable comme ça. Il ne devait pas parler de Guillaume. Surtout pas.
Ne montre rien…
Au bout de plusieurs longues minutes, il sortit de la salle de bains. Il était toujours vaseux, et il le resterait sans doute toute la journée. Il fut surpris de voir que Louise était déjà habillée et s’était coiffé durant son absence. Lui était encore là en caleçon, l’air vaseux et pâle. Elle semblait déjà se remettre de l’alcool d’hier. Victor en était un peu jaloux.
« Tu pars ? demanda Victor.
— J’ai une répétition… ça va être bien avec mon mal de tête. »
Elle soupirait d’avance en pensant à la répétition. Victor avait l’intime conviction que Basile allait encore râler sur Louise.
Bon, ce coup-ci, il aura sans doute raison. Sacrée journée en perspective…
« Ne force pas trop, conseilla Victor, tu es assez fatiguée comme ça
— C’est gentil de t’inquiéter. »
Elle s’avança vers lui doucement, et déposa un baiser qui surprit Victor.
« Ça reste entre nous, OK ?
— Oui, répondit Victor, je ne dirais rien. Absolument rien.
— Bien. »
Elle ramassa le reste de ses affaires puis elle sortit de la chambre rapidement laissant Victor seul avec son mal de tête. Le jeune homme s’effondra sur le lit dans l’espoir de se reposer un peu plus. Il était épuisé. Non seulement par la soirée, mais aussi par tout ce qui gravitait autour de lui : Guillaume, Chamberlain, Elanor… Autant de choses que Victor gardait encore et encore pour lui. Par moment, il regrettait de ne pas être totalement amnésique. Il aurait aimé ne pas voir ses bribes de souvenirs qui lui gâchent son actuelle vie. Ou au moins, pouvoir en parler à Louise, juste un peu. Juste quelques mots.
Une guerre éclatera bientôt de toute façon. Que je le sache ou non, ça n’a pas d’importance. Elle aura lieu.
Et que fera-t-il une fois que ce sera le cas ? Il n’en avait aucune idée. Il n’avait jamais réfléchi à tout cela. Il aura fallu une gueule de bois pour se mettre à penser à tous les enjeux qui se déroulaient sous ses yeux. Malheureusement, cette gueule de bois ne lui fournissait que des questions, mais aucune réponse.
Je ne peux pas rester les bras croisés pendant que tout cela se joue. Si j’arrive à arrêter Chamberlain de mon côté, la guerre n’aura pas lui ? Peut-être.
Victor passa et repassa les éléments de ces derniers jours afin d’y voir plus clair. Lui et Guillaume avaient quitté l’empire, car ils savaient qu’une invasion allait avoir lieu. Et Guillaume voulait sauver sa région.
Louise…
C’était le nom qu’ils avaient vu sur le plan de Chamberlain. Oui, c’est bon, il s’en souvenait. Son nom était clairement visiblement. Il la cherchait. Et les récents événements venaient le confirmer. Son enlèvement, Chamberlain qui la surveille. Mais qu’est ce qu’il attend au juste ? Impossible de le savoir, pour l’instant du moins. Toutes ses questions avaient des réponses que détenait Chamberlain, Victor en était persuadé.
La sonnerie de son téléphone le tira de sa rêverie. Il jeta un coup d’œil bref à sa montre. Il n’avait pas vu l’heure passée à force de se poser des questions. Il se redressa et s’approcha de sa table de nuit pour décrocher le combiné. La voix de Louise résonna à travers.
« Victor ! Heureusement, tu es toujours à l’hôtel. »
Sa voix n’était pas comme d’habitude. Louise semblait paniquée et puis elle l’appelait rarement en journée.
« Est-ce que ça va ? demanda Victor.
— Non, répondit-elle. Le professeur Wright vient de m’appeler. Ma mère ne va vraiment pas bien.
— Je suis désolé.
— Non, c’est moi qui suis désolée. J’ai besoin de ton aide.
— Bien sûr ! Qu’est-ce que je dois faire ?
— Et bien, avec ce qu’on a gagné récemment avec les combats et les répétitions, j’ai les moyens de la faire changer de ville. Thorgard est bien trop pollué pour ses poumons. Mais j’ai besoin d’un méchanicus pour la transporter, elle et ses affaires. Je pensais que j’avais le temps d’organiser mieux ça, mais ça me prend au dépourvu.
— N’en dis pas plus. Dis-moi juste quand on part. »
Louise soupira de soulagement. Sa voix commençait déjà à être plus calme et posée.
« Je fais mes affaires et on se retrouve à la gare. Normalement, la ligne a été rétablie.
— Je t’attends là-bas. »
Victor raccrocha le combiné. Une bien mauvaise nouvelle que voilà. Il savait que l’état de Violena était fragile, mais à ce point. Dans la précipitation, il n’avait même pas demandé où ils devaient se rendre. Il le saurait sans doute une fois à la gare. La bonne nouvelle malgré tout, c’était qu’ils allaient quitter Neokorr, et que Chamberlain et ses hommes allaient leur laisser un peu de répit.
Ou bien, ils attendront qu’on quitte la ville pour nous tomber dessus…
Cette perspective ne rassura pas Victor, mais il ne devait rien laisser paraitre une fois à la gare, et prétendre que tout allait bien. Après tout, il était peut-être simplement tendu et inquiet pour rien. Il se devait de garder ses inquiétudes pour lui. Louise avait déjà assez à gérer.
Tout va bien se passer…
Il fit son sac et partit en vitesse rejoindre la gare.
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