Le son strident de la sonnerie de la maison retentit, forçant Akim à émerger du sommeil. Le petit garçon se leva péniblement. Son escapade nocturne l’avait privé de plusieurs précieuses heures de sommeil, aussi ses paupières étaient encore lourdes et ses muscles réclamaient du sommeil.

Il se dépêcha d’enfiler la tenue de sport de la maison, un simple survêtement noir, et sortit de sa chambre en vitesse. Aujourd’hui était un jour où il valait mieux éviter d’être en retard ; c’était l’examen de fin de septième année.

En effet, dans la maison tous les enfants étaient formés dès 4 ans pour pouvoir mettre à mort facilement n’importe quelle cible au nom de la communauté. Bien entendu, former une génération entièrement performante nécessite des sacrifices. C’est ce à quoi servait l’examen de septième année.

Les meilleurs étaient sélectionnés pour poursuivre leur formation à la maison et devenir âme noire, voir traqueurs pour les plus performants et les médiocres devenaient des oubliés. À la maison, ni Akim ni qui que ce soit ne savaient ce que devenaient les oubliés, et le petit garçon s’en fichait éperdument ; ils n’étaient qu’un poids pour la communauté.

Il dut courir dans les étroits couloirs aux murs blancs qui tiraient sur le gris. D’autres enfants plus jeunes ou plus âgés que lui sortaient de leurs chambres, alignées en une rangée de portes dans les corridors. Tous n’avaient pas un examen, mais ils lui cédaient le passage, conscients de l’importance de ce jour aux yeux d’un septième année. Le petit blond s’arrêta devant une massive porte boisée. La salle d’examen se trouvait derrière. Fukume s’y trouvait certainement depuis longtemps, elle n’aurait pas pu attendre la sonnerie pour sortir de sa chambre.

Le petit garçon prit une grande inspiration et poussa les battants, un léger sourire aux lèvres. Sa première constatation en entrant fût que, comme il l’avait prévu, la fillette aux cheveux noirs était là. Du haut de ses 7 ans, elle n’en abordait pas moins une expression déterminée qui contrastait avec son jeune âge.

C’était cette facette de sa personnalité qui attirait Akim. Elle était sûre d’elle, tout lui semblait possible. Elle avait appris au petit garçon que rien n’est irréalisable si on y croît assez, et le lui prouvait en se surpassant sans arrêt.

Il alla s’asseoir à ses côtés, un sourire espiègle aux lèvres.

C’était la première fois qu’il entrait dans la salle d’examen, et il pouvait dire sans difficulté que c’était la plus grande salle qui lui était accessible. L’endroit était organisé autour d’un ring de combat d’au moins dix mètres par dix mètres, recouvert de sable synthétique. Tout autour se dressaient plusieurs rangées de gradins en bois. Plus en hauteur, en verre se trouvait la loge privée de la tête noire.

La tête noire était le fondateur de la communauté, et c’était sans doute celui qui aurait une voix décisive sur le sort des septièmes années.

Akim poussa un soupir. Il était quasiment certain d’être qualifié en tant qu’âme noire. Il était loin de figurer en bas du classement, même si il ne comptait pas parmi les meilleurs. Le petit garçon se tourna vers Fukume. Elle ne s’était pas décrispée depuis le début, mais ce n’était pas la peur de ne pas être sélectionnée qui la préoccupait. Non, c’était la fin de l’examen qui occupait ses pensées. En effet, pour offrir un peu de spectacle, les deux premiers de la liste s’affrontaient. Or, depuis toujours Fukume figurait en tête, en parfaite égalité avec Ânko.

Jamais l’une des deux ne l’a emporté sur l’autre. En absolument tout, les fillettes partageaient la première place au classement. Et Fukume enrageait. Elle n’aspirait qu’à une chose : être incontestablement la meilleure. Mais Ânko était là pour l’en empêcher.

Remporter ce combat devant la tête noire lui permettrai de prendre la tête du classement sans problème.

Akim se tourna vers Fukume.

— Pas trop à cran ? Fit-il espiègle.

— Du tout, répondit la fillette d’un ton dur.

Le petit blond éclata de rire, son visage disait tout l’inverse.

— Je vais prendre ça pour un non.

— Rhaaa….

Il sourit. Ce n’était pas un examen qui allait la rendre plus aimable.

— Bon courage en tout cas, finit-il par dire.

Pour toute réponse, la fillette hocha la tête et se décala de quelques sièges. Plus pour la forme que pour fuir sa présence, Akim le savait. Ils se connaissaient depuis leur cinquième année, il avait toujours été attiré par la fillette au cheveux sombres. Il se mettaient souvent ensemble lors des entraînements. Il avait beaucoup à apprendre d’elle, et ils se soutenaient l’un l’autre. En général en tout cas. Quand elle était à cran, Fukume n’était pas d’une grande aide. Elle était même complètement désagréable.

Un homme de taille moyenne s’avança sur le ring. Il portait de petites lunettes et avait le crâne rasé. Ce serait sûrement l’arbitre pour l’examen. Le silence se fit, les enfants étaient attentifs au moindre mouvement.

Il se racla la gorge, et commença à parler à travers son micro, propageant ses paroles dans toute la salle à présent remplie:

— L’examen de septième année vas commencer dans quelques instants. Les élèves viendront s’affronter tour à tour sur ce ring lors de duels. Toute absence ou retard sera éliminatoire.

Akim frémit. C’était son premier examen, et l’ambiance était pesante.

— Je vais à présent laisser place au premier combat, poursuivit l’arbitre, qui opposera Haydée Hedgedog à Moon Wingsliz.

Akim connaissait vaguement Haydée, c’était une fille discrète et plutôt gentille. Le nom de Moon en revanche ne lui disait rien, mais il comprit rapidement qu’il s’agissait du petit brun aux ailes de chauve souris qui s’avançait vers le ring.

C’était la première fois que le petit garçon voyais un enfant de la maison avec une capacités aussi visible. Les enfants de la maison subissent tous une greffe ou autre opération avant leur arrivée au pensionnat, chacun avait donc une capacité bien à lui. C’est pourquoi certains camarades d’Akim étaient morts avant d’avoir atteint leur cinq ans : leur corps ne pouvait tout simplement pas supporter le don offert par la communauté. Il avait eu un ami dans ce cas, mais ses souvenirs à son sujet étaient flous. Il ne parvenait même pas à se rappeler son nom.

Cependant, la plupart des greffes étaient plus discrètes, celle de Moon était tellement visible qu’il en perdait l’avantage de la surprise.

L’arbitre lâcha le foulard, indiquant ainsi le début du duel.

Akim soupira. Regarder les duels des autres enfants l’intéressai peu. Il sortit son MP3 jusqu’ici enfoui dans la poche de son survêtement. C’était risqué, il n’osait pas penser à ce qui lui arriverait s’il se faisait prendre avec l’objet, mais l’attention générale était portée sur les combats. Personne ne prendrait le temps de remarquer qu’un pensionnaire faisait une entorse au règlement.

Le petit blond brancha ses écouteurs et ferma les yeux pour profiter de la musique. C’était exactement ce qu’il lui fallait. Il était à présent détendu, fin prêt.

Il jeta un œil à Fukume, toujours assise quelques sièges plus loin. La fillette fixait Ânko, les poings serrés, dévisageant chaque détail de son visage, de sa chevelure rousse à ses yeux d’obsidienne en passant par son nez fin et allongé et ses tâches de rousseurs vagabondes.

Akim souffla. Elle avait bien besoin de se détendre elle aussi.

Le petit garçon s’approcha d’elle d’un pas hésitant et pris place à ses côtés. Elle lui lança un regard de reproche qu’il ignora sans mal. Il lui tendis un écouteur.

— Tu devrais essayer, ça calmera tes nerfs.

Fukume le toisa.

— Tu devrais pas amener ça ici. Si tu te fais prendre…

Elle laissa sa phrase en suspens. C’était sa façon à elle de montrer son inquiétude.

— Et toi, tu devrais éviter les escapades nocturnes, fit le petit blond amusé, si tu te fais prendre…

— Tu m’as suivie, constata-t-elle d’un ton indifférent.

La fillette haussa les épaules et mis les écouteurs dans ses oreilles.

- Merci, souffla-t-elle.

Akim sourit de plus belle et lança un de ses sons préférés : «Undefeated » de Skillet.

Son amie ferma les yeux, se laissant emporter par les sonorités rauques dans ses oreilles, et les traits de son visage se détendirent enfin. Le petit garçon resta quelques instants à l’observer. La fillette était la seule à savoir pour son MP3, mais il lui faisait confiance. Contrairement à Ânko, elle ne trouvais aucun intérêt à perdre son temps à dénoncer tous les manquements au règlement.

La voix de l’arbitre fit sursauter Akim lorsque l’homme à lunettes prononça son nom. C’était son tour.

— Je te confie mon MP3, annonça t’il à l’intention de Fukume, doutant que le fillette ne puisse l’entendre.

Il s’avança silencieusement sur le ring, toisant son adversaire du regard. C’était Frank. La victoire était tout à fait envisageable, il figurait au dessus de lui au classement. Il espérait tout de même que le stress n’aurait pas le meilleur de lui. Il devait faire mieux que gagner s’il espérait se faire remarquer parla tête noire.

Posée sur le ring, l’arme que le petit blond avait l’habitude d’utiliser l’attendais. C’était une courte lame dentelée à poignée en cuir. Akim s’en saisis. Frank quand à lui avait l’habitude de se servir d’un longue épée à lame fine et légère. Comme pour Akim, l’arme du garçon brun l’attendais au sol. Il la pris immédiatement et se mis en garde. Le combat allait commencer. Akim se dépêcha de faire descendre la température de son corps à vitesse grand V. Une fine couche de glace commençait à se former à la surface de sa peau, s’épaississant à vue d’œil. C’était sa capacité : il contrôlait la température de son corps.

L’arbitre lâcha le foulard et le combat commença. D’un même mouvement, les adversaires se précipitèrent l’un vers l’autre. Lames et glace s’entrechoquèrent dans des claquements désagréables. Ils se mouvaient avec l’agilité propre aux enfants de la maison. Frank lança une fente contre le petit blond, qui bloqua sa lame d’un geste vif de son avant bras son avant bras. Le glace vola en éclat mais la lame n’atteint pas la peau d’Akim. Frank vacilla en arrière à cause de l’impact. Le petit blond profita de la perte d’équilibre de son adversaire à cause de son attaque trop précipitée pour le faire tomber avec une balayette, puis se jeta sur le garçon brun pour pouvoir placer sa lame contre sa gorge, remportant ainsi la victoire, mais Frank bloqua son mouvement.

C’était le moment d’impressionner la tête noire, qui regardait sûrement depuis sa loge, avec un petit tour de passe passe. Il se tenait au dessus de son adversaire, qui avait lâché son épée pour lui tenir les deux mains. Il leva son pied droit, prenant appui sur ses bras toujours entravés par le garçon brun, et attrapa son arme avec ses orteils avant de la poser sur la gorge de Frank. Il avait gagné.

C’était soit un peu facile. De toute façon, la capacité de Frank était d’avoir les os creux. Pas très spectaculaire. Il était juste un poids plume, ce qui lui permettait soit une agilité et une aisance supérieure à la moyenne, mais le rendait en contre partie de constitution fragile, et facile à déséquilibrer.

L’arbitre siffla et les adversaires se relevèrent. Akim ne se fit pas prier pour regagner son siège, aux côtés de Fukume. La fillette lui tendis son MP3. Il la gratifia d’un sourire et récupéra son bien.

— Pas mal non ? Fit il, plus pour lui même.

— Non. S'il avait été assez intelligent pour te donner un coup de pieds dans les parties il aurait gagné. Tu as baissé ta garde. Fait attention, personne ne s’y laissera prendre une nouvelle fois.

Akim soupira.

— Je parlais de la musique andouille, rit il.

— Oh…

Ça y est, elle était vexée.

Soudain, la voix de l’arbitre retentit, plus fort qu’à l’accoutumée.

— Enfin, le combat suivant opposera les deux têtes de liste : Fukume et Ânko !

L’intéressée se leva, déterminée.