Chapitre XVII
La journée commence fort. Alice est parti tôt ce matin. Je ne l’ai même pas entendue se lever ni même se préparer. Peut-être n’a t ‘elle pas osé me donner un bisou de peur de me réveiller et sans bisou, mon esprit est chagrin.
Camille me nargue.
- Approche ! Si tu veux, moi je t’en donne un tout de suite.
- Grrrr ! Camille tu es insupportable.
- Je te rassure quand même gros bêta. Avant de partir, dans l'entrebâillement de la porte, elle a déposé un baiser d’amour sur ses doigts qui s'est évanoui dans la chambre. Et je te garantis qu’il ne m’était pas destiné. Elle est aux anges ton amoureuse. Toi tu dors comme une marmotte. Tu ne vois rien. On dirait qu’elle marche sur un nuage. Un nuage d’amour. Je réfléchissais cette nuit en vous voyant faire toutes les galipettes du monde. Outre le fait que toutes proportions gardées vous êtes un peu salace tous les deux, quand je vous vois courir, rire, crier, geindre, couiner je me dis qu’il n’y a peut-être pas de mal à se faire du bien. Dis-moi Olivier, tu ne pourrais pas me trouver un petit copain ?
- Et tu ferais quoi d’un copain Camille ?
- Ben la même chose que vous deux gros nigaud. Un Apollon, ça me plairait bien., en marbre blanc et … bien gaulé, ça va de soi.
- Ben voyons.
- Toi, tu passes bien ton temps à mater son p’tit cul, moi je pourrai mater son… enfin tu me comprends. Alors, c’est oui ?
- Je vais regarder Camille. Mais je ne te promets rien.
Dans la cuisine, c’est la tuile. Plus de café. Décidément, ce n’est pas mon jour. Après la douche, direction le parking. Je monte dans ma voiture. Un tract au format A4 est coincé sous l’essuie-glace. Encore une de ces pubs, pensais-je un peu irrité. Je sors. Je retire le papier et je jette un regard machinal avant de le destiner à la corbeille. Au dos de la feuille, il y a un grand cœur avec en dessous deux lèvres magnifiques qui égrainent des tonnes de bisous. Je souris. Ma chérie est vraiment merveilleuse. Je suis touché par ce dessin d’une sincérité déconcertante. Elle est douée ma petite amazone. Elle est douée pour tout. L’amour, les baisers, le dessin, les étoiles, l’équitation, …
La journée, au départ plutôt morose, vient subitement de prendre un autre tournant.
- °° -
Marion et Sarah ont sélectionné trois candidatures, deux femmes et un homme, pour remplacer Jean. Les entretiens sont prévus lundi après-midi. Elles ont de même fixé les rendez-vous pour constituer l’équipe rémoise. Je recevrai les postulants avec Jean lors de notre déplacement sur Reims.
Sarah m’apporte les dossiers. Elle porte une robe rose moulante très courte.
- Tu me trouves comment ?
- Magnifique comme d’habitude mais c’est une tenue de plage peut-être un peu trop voyante pour le travail, non ?
- Ah bon ! Marion m’a dit la même chose ce matin.
- Ce matin ? Elle n'est pas encore arrivée !
- Oui, je ne t’ai pas dit. J’emménage chez Marion ce week-end. C’est elle qui me l’a proposé. Je suis super contente. Samedi, on organise une petite fête chez elle, enfin chez nous. Il y aura plein de monde. Tu viendras ?
- Impossible Sarah. Ce week-end, je ne suis pas disponible.
- Mince. On se faisait une joie avec Marion et on avait même prévu un bain de minuit à trois, une fois que tous les convives seraient partis.
- Désolé les filles. Il faudra vous passer de moi cette fois ci.
- Marion va être déçue. Elle t’apprécie beaucoup.
- Je sais. Euh ! Sarah ?
- Oui ?
- Un string noir avec une robe rose, ce n’est pas du meilleur effet.
- Tu regardes ma culotte toi maintenant ?
- Quand tu t’assieds, sauf à être aveugle, miro ou bigleux, on ne voit que ça. L’avantage au moins, c’est que je suis sûr qu’il y en a une.
- Bon, tu veux que j’aille me changer. C’est cela ?
- Pour maintenant, tu feras ça à la pause méridienne.
- Ok, Ok. Je vais bouder dans mon bureau. Ça t’apprendra dit-elle avec un grand sourire.
A peine Sarah a-t’elle tourné les talons que Jean déboule.
- Tu as vu sa tenue à cette …
- Jean !!!
- Désolé. Ça m’agace. Si ça ce n’est pas de l’incitation au viol.
- Elle va se changer ce midi.
- Ah ! Tu me rassures. On a la même vision des choses alors.
- Tant que tu es là, lundi je vais recevoir la personne qui te remplacera. Je compte sur toi pour que tu la briefes sur ce que tu as fait et là où tu en es.
- D'accord, pas de problème Olivier. Tu peux me faire confiance.
- Merci Jean.
L’après-midi Sarah vient me voir.
- C’est mieux comme ça ? J’ai gardé juste le string noir n’en déplaise à Monsieur.
Je souris. Elle porte un jean moulant, entaillé à plusieurs endroits mais du meilleur effet.
- Effectivement. Et bizarrement, tu es presque encore plus sensuelle qu’avec ta tenue près du corps.
- Oui, c’est vrai. Avec ma robe, les mecs me voient comme une moins que rien. Je le lis dans leurs yeux. Avec le jean, ils me trouvent désirable. C’est surprenant ce qu’un petit bout de tissu peut changer le regard. Bon allez, j’arrête de bouder. De toute façon, tu avais raison, une tenue de plage pour le boulot, ce n’est pas des plus adaptées. Je te remercie de me l’avoir fait remarquer.
-°°-
Dix-sept heures, je quitte mon bureau. Je m’arrête au supermarché du coin acheter du café. J’en profite aussi pour compléter le frigidaire de quelques produits en rupture de stock. On fera un ravitaillement généralisé avec Alice demain matin, avant de prendre la route. Je suis content d’accompagner Alice pour sa dernière compétition de la saison et … les mots résonnent dans ma tête. Je réalise que dans le scénario noir, cela pourrait être effectivement sa dernière compétition. Je sais qu’elle doit y penser elle aussi et j’admire son courage, sa force intérieure. Lorsqu’elle est heureuse, elle semble faire abstraction de ce destin hasardeux. Peut-être d’ailleurs n’est-ce qu’une façade, qu’une apparence qu’elle se donnerait pour ne pas m’inquiéter, pour tenir mentalement elle aussi, pour ne pas s’effondrer, pour garder la tête haute malgré le cyclone intérieur qui immanquablement doit la tourmenter. Je me demande dans sa situation, quel comportement j’adopterais en sachant que dans trois jours qui suivent, le verdict va tomber. Psychologiquement ça doit être terrible et je ne suis pas certain d’avoir son courage.
J’évacue ces idées monstrueuses qui naissent de petit rien dès qu’il s’agit d’évoquer le lendemain.
Ah oui, j’en étais au van qu’il faudra atteler à sa voiture, aller chercher « Voie-Lactée » au centre équestre et prendre la route sans plus tarder. Pour moi, tout cela relève de l’inconnu. J’ai quelques difficultés à imaginer ma petite chérie seule, réaliser toutes ces opérations. Mais visiblement, elle est habituée. Elle est sereine et de facto moi aussi. Un sacré petit bout de femme quand même mon amoureuse.
-°°-
Pour mon dernier cours, j’arrive au centre équestre avec un quart d’heure d’avance sur l’horaire prévu. Il fait beau. Il fait encore bien chaud pour un mois de septembre. Julie prépare les chevaux en prévision de la balade sur la plage. Je la regarde s’affairer. Elle est dynamique, sérieuse, enjouée aussi. Elle ne m’a pas vu. Elle se parle à elle-même. Elle fait les questions et les réponses. Je ne comprends pas ce qu’elle dit mais visiblement, c’est plutôt drôle.
- Hello Julie.
Julie sursaute, prise en flagrant délit.
- Bonjour Olivier. Tu m’as fait peur. Je ne t’ai pas entendu arriver.
- Tu causes toute seule toi maintenant lui dis-je avec un grand sourire ironique.
- Pas du tout. Tu te fais des idées. Je parle à mes chevaux. Qu’est-ce que tu crois ? je n’ai pas encore l’âge de radoter moi !
Ses yeux bleus sont posés sur mon regard. Elle sourit. Elle est belle, le teint mat avec sa mèche rebelle qui est de retour. Je souris moi aussi.
- Tu as de la chance. Alice vient juste de partir. Tiens ! vu que tu es là, tu vas m’aider.
C’est elle qui donne les ordres et moi j’exécute. Dans ce sens-là, je ne suis pas trop habitué. Je sens aussi qu’elle souligne le trait avec humour. Elle me montre la pose du tapis de selle, la selle, le sanglage puis la mise en place du filet. Nos corps se frôlent. Nos visages sont parfois si près qu’il suffirait d’un rien…
Conscient du danger, je fais attention à mes moindres gestes. Elle aussi est en pleine retenue. Elle est troublée. Elle parle pour se donner bonne conscience. Elle rit au-delà du naturel. Elle est fébrile. Ses doigts tremblent légèrement pour régler le filet. Je prétexte une envie pressante pour prendre un peu de distance, pour souffler discrètement aussi devant l’adversité. C’est sûr, elle ne me laisse pas indifférent et elle le sait pertinemment. J’en suis convaincu. Mais mon cœur est pour Alice, rien que pour Alice.
C’est d’ailleurs surprenant. En plein désert sentimental, on a tendance à y rester un bon moment avant de rencontrer une âme charitable qui s’intéresse à vous et dès qu'on en trouve une enfin, c'est une foule d'opportunités qui se précipitent subitement au portillon. C’est bien souvent comme ça. De mon côté, je sais que je n’ai plus l’embarras du choix puisque mon choix est déjà fait mais il doit y avoir quelque part dans le comportement humain un lien de cause à effet qui génère cette attraction surprenante : le vide attire le vide et le plein…
- Allez à cheval et que ça saute me dit Julie en enfourchant son canasson avec une velléité fantastique.
Je mets un peu plus de temps avant d’occuper la selle en position stable. En chemin, Julie m’explique les règles de circulation. La signalétique et les points d’attention sur le parcours. La plage ce n’est pas la porte à côté. Il faut longer la Canche le long de la route, sur la piste cyclable, traverser la rue qui mène au club nautique, passer par l’aire des camping-cars, emprunter la promenade des dunes avant de pouvoir descendre sur la plage. Et là, ce n’est ni plus ni moins qu’exceptionnel.
- Alors ?
- C’est magnifique, Julie.
Haut perché, la vue est imprenable. L’embouchure de la Canche est à perte de vue. Par-ci par-là, on trouve des bancs de sable chahutés par les marées précédentes. Le paysage change à chaque marée, après chaque tempête. Des phoques par dizaine viennent se chauffer au soleil. Des bateaux naviguent sur l’horizon. Je suis conquis par cette vue imprenable. Je n’ai qu’un seul regret, celui de ne pas vivre ce moment idyllique avec Alice. Les choses sont ainsi. Julie me regarde. Je devine dans ce regard une intensité particulière. Je sais qu’elle est amoureuse elle aussi.
- Tu as pris de quoi préserver tes bijoux de famille ? Me lance t’elle en riant.
- Oui, c’est bon ! J’ai pris mes précautions. On peut y aller.
- Alors au trot.
C’est parti. On trotte ensemble sur la plage, côte à côte. J’essaye de synchroniser les mouvements de mon corps à ceux de Julie.
- Ne t’occupe pas de moi. Tu dois sentir ton cheval. C’est avec lui qu’il faut te synchroniser. Tu verras, après ça ira tout seul. On essaye de passer au galop ? On va jusqu’à la mer. Ok ?
- Ok
Mon cheval a quelques difficultés à démarrer ou c’est moi qui n’arrive pas bien à lui donner les bonnes instructions mais il finit par partir. C’est compliqué à tout gérer ; le pied de départ, la vitesse. J’évite de me laisser entraîner mais j’avoue que mon canasson est plutôt lent et tout compte fait, cela me va très bien. Arrivé à la lisière de la mer, mon cheval ralentit et s’arrête.
- Très bien, on repart là où on était et on recommence.
Après trois essais, je finis par me sentir à l’aise même si la fatigue commence à se manifester.
- Tu te débrouilles bien. Je propose qu’on longe la mer en petites foulée. Tu me suis.
Julie passe devant et je lui emboîte le pas. J’avoue que la vue sur son fessier est très sympathique. On s’arrête à la lisière de la plage surveillée.
- On va marcher un peu.
On descend de nos montures et on prend le chemin du retour, à pieds. Julie parle de son enfance, de ce qu’elle aime, de ce qu’elle déteste. On discute, on rit. Je ne la voyais pas sous cet angle. Elle s’arrête. Elle me regarde, un regard inquisiteur, sérieux, profond et tendre en même temps.
- Si vous deviez vous séparer toi et Alice, je serais vraiment heureuse si tu pensais à moi.
Je m’attendais à quelque chose de ce style là mais je reste décontenancé devant autant d’aplomb.
- Promis Julie, j’y penserais mais je ne veux pas te donner de faux espoirs. Je suis trop bien avec Alice et je cherche plutôt à me stabiliser. Tu comprends ?
- Oui, je comprends. Je savais par avance que ma démarche était vouée à l’échec et j’avais juste envie que tu saches que tu me plais beaucoup.
- J’avais remarqué Julie. A défaut d’amour on pourrait être de vrais amis maintenant que j’ai appris à te connaître, à t’apprécier. J’aime bien ta compagnie, ton humour et aussi parfois ton sale caractère.
- Comment ça mon sale caractère ?
- Oui Mademoiselle, un sale caractère de jeune fille en mal d’autorité. Mais ça ne te va pas si mal. Viens, on va seller notre amitié.
Je lui dépose un bisou sur le front.
- A toi
- Si je chope le coronavirus, tu es un homme mort. Allez, baisse-toi un peu, tu es trop grand pour moi.
Je sens ses lèvres caresser mon front.
- Elle a de la chance Alice de t’avoir rencontré. Je l’aime bien comme fille.
- Ah ! Toi aussi ?
- T’es trop bête quand même. Allez mon ami, on se fait un petit galop pour rentrer, ça sera toujours mieux que d’entendre des conneries.
- °° -
- Bonjour mon amour. Tu rentres tard ? Je me faisais une joie de te retrouver ici en fin d’après-midi et pas de chance, personne.
- Bonjour ma puce. J’avais quelques affaires à régler et maintenant que c’est fait, je vais être un peu plus tranquille. J’en ai profité aussi pour acheter du café. Tu vas bien ma chérie ?
- Je suis allé m’entraîner cette après-midi. J’étais avec Johanna. On s’est amusées comme des folles. Ça me fait du bien plutôt que de ressasser ici toute seule. En plus, Julie était en forme. Elle a changé sa coupe de cheveux. Tu verras, elle est encore plus mignonne. Et interdiction de tourner autour, ce week-end et encore moins les autres jours.
- Même pas drôle ma chérie. C’est la seule personne que je connais alors j'en profiterai pour bavarder un peu. Je t’aime.
- Ouais, ouais ! je vois bien quand on se promène et qu’un petit jupon passe dans ton radar, tu n’as pas les yeux dans la poche. Tiens Johanna, tu la connais aussi elle ? Elle m’a parlé d’un mec cool, mignon, ça fait deux fois qu’il passe au magasin lui acheter des sous-vêtements pour sa chérie. Elle trouve ça très drôle. Je ne savais plus où me mettre lorsqu’elle m’a décrit les petites culottes. Ça va jaser dans les écuries quand elle va savoir que tu es mon petit ami.
- Ah effectivement. Mais je ne pouvais pas deviner et puis, c’est la rançon de la gloire ma puce. Il ne faudra plus t’étonner si dorénavant ton p’tit cul fera l’objet de toutes les convoitises et comme lorsque tu mets une culotte classique, on discerne le contour à travers ton pantalon, je te conseille de mettre un des strings que je t’ai offert. Avec un peu de chance, ça coupera court à tous les fantasmes.
- Ou ça va en alimenter d'autres... Et ça ne te gêne pas qu’on mate mes fesses ?
- Ben non. Pourquoi ? J'en profite aussi et tant que c’est avec les yeux, moi ça ne me pose pas de problème voire même que je suis plutôt fier que ma petite chérie ait un si joli petit cul.
- Ah les hommes ... incorrigibles.
- Je prends une douche et j’arrive m’occuper de ton cas.
- Dépêche-toi et reviens vite te faire pardonner pour me mettre dans l’embarras. Tu as cinq minutes chrono, pas une seconde de plus. Je t'aime.
De retour de la douche, Alice est assise sur le canapé. Elle s’est changée. Elle porte maintenant une robe blanche, courte qui rebondit sur ses fesses. Elle est délicieuse avec une sensualité évidente. Je ne me pose même pas la question. Je la regarde. Je la désire, voire même que je suis capable de la désirer sans même avoir besoin de la regarder.
- Mais tu n’es même pas habillé ?
- Avec cinq minutes chrono mon cœur, j’ai juste eu le temps de mettre mon slip.
- Mince, j’ai été trop généreuse. J’aurais dû te donner quatre minutes cinquante-huit.
- °°° -
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