Piqué au vif
Les entomologistes sont formels. Cette branche de la zoologie dont l'objet est l'étude des insectes est un enjeu primordial. Avec près de 1,3 million d'espèces décrites et existantes actuellement, elles constituent la plus grande part de la biodiversité animale.
Pas de discrimination dans ce maxi-microcosme. Que ce soit pour combler le déficit protéique des humains ou pour ouvrir d’autres voies à la médecine du futur, la recherche s’intensifie et les chercheurs, dans la solitude de leurs laboratoires dissèquent et lamellisent tout ou parties de ces petites bêtes, dans l’espoir d’en extirper LA molécule miracle qui sauvera le monde.
Dans ce cercle très restreint, au sein du CNRS, Émile ne vivait que pour son microscope. Un jour, il en était sûr, ce serait la gloire. Sa découverte serait médiatisée sur toute la planète. Évidemment, cela ne se ferait pas sans échecs et déconvenues divers. Mais sa résilience était telle que se relever serait un réflexe. Il se répétait comme un mantra, la maxime de La Fontaine : « cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ».
Des années passèrent… des décennies… Emile blanchit sous le harnais… ses manipulations devinrent moins précises. Son enthousiasme déclinait. Afin de lui permettre d’attendre tranquillement la retraite, il fut affecté à la lutte biologique contre les moustiques. Après les avoir minutieusement séparés, il fut chargé de la stérilisation des femelles, dont on sait qu’elles seules piquent, et partant, véhiculent toutes sortes de maladies dommageables.
C’est à ce moment qu’instinctivement informées de ce dessein exterminatoire, elles se liguèrent dans un harcèlement vibrionnant permanent, qui finit par avoir raison des dernières poussières de sa vocation.
Il n’aurait jamais le Nobel.
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