[Nouvelles] Le convoi

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Le regard du vieil homme transperça celui du jeune garçon.

Aux confins du désert, là où la mort brille davantage que la vie, où la végétation éparse résiste tant bien que mal aux assauts du soleil, on aurait espéré trouver une oasis, un bosquet ou un troupeau à chasser.

Au lieu de ça, ils trouvèrent un vieil homme, assis sur un rocher, jouant d’un instrument à cordes inconnu au public inexistant qui l’applaudissait en silence.

Le chef de caravane avait bien entendu ordonné l’arrêt du convoi et entre tous, ce fut le chariot du jeune garçon qui fit halte devant la silhouette aux cheveux blancs.

L’homme se redressa non sans mal et sourit :

— Bonjour mon garçon ! Voilà une situation inespérée pour un vieillard comme moi. Y aurait-il, par une quelconque chance, une place pour moi sur l’un de vos chariots ? Vois-tu, je suis fourbu, éreinté et, pour tout dire, assoiffé aussi. Ce maudit reg est plus long que la barbe de Mythrécen.

Les lèvres craquelées de l’enfant restèrent scellées. Ces yeux.

Ces yeux l’hypnotisaient encore davantage que la monotone valse des cactus à travers son hublot de bois. Ces yeux bleu pâle, rayés de reliefs bruns au fond desquels crépitaient milles feu follet semblaient lui parler plus directement que la bouche de leur hôte.

— Mon garçon ?

La voix légèrement tremblante de l’ermite rappela sa conscience à l’ordre. Il cligna une, deux, trois fois des yeux afin de reprendre contenance puis sa voix cristalline vint contraster celle du vieil homme :

— D’où venez-vous ?

Les visages des curieux se penchaient par les meurtrières de leurs wagons, détaillant la scène de cent paires d’yeux inquisiteurs ; tandis que, arrivant du chariot de tête en soulevant un mince filet de poussière ocre, le chef de caravane se dirigeait vers l’incongru duo.

— Pas d’ici, c’est certain ! s’exclama le voyageur solitaire tout en passant une main dans son épaisse tignasse d’albâtre. Ha, j’aurais à cœur de te raconter mon histoire, mon garçon, mais je le ferais plus sereinement après une tasse d’eau et à l’ombre d’une roulotte. Haha, mais ce n’est pas à une jeune personne comme toi que je devrais demander ceci, n’est-ce pas ? Voyons ce qu’en pense le maître à bord.

Finalement arriva le caravanier. Un grand gaillard aux cheveux aussi noirs que sa barbe. D’une voix franche et avenante, il s’adressa à l’inconnu pérégrin :

— Bah mon vieux. En voilà un endroit pour s’égarer. Où est-ce que vous allez comme ça ?

— Peu m’importe la destination, vraiment. Je suis un vagabond, voyageur solitaire en manque de compagnie. Ironique pour quelqu’un perdu dans le désert, me direz-vous. Je sollicite votre hospitalité, où que ce voyage m’emmène.

Le vieillard sourit de plus belle, avant de se fendre d’un rire discret.

— Voyez-vous, à mon âge, on fait davantage attention au voyage qu’à la destination. J’ai déjà vécu tant de choses que je préfère les radoter que connaître d’autres aventures. C’est bien là l’ingratitude des années : on a tant à raconter, et si peu veulent écouter.

— Moi je veux vous écouter.

Le jeune garçon, lui, ne souriait pas. Son visage fermé trahissait un sérieux évident que Judicæ elle-même ne pourrait contester. Les yeux noirs du caravanier accompagnèrent ceux azurés du pérégrin vers la menue silhouette.

— Si vous voulez, vous pouvez venir me raconter vos histoires. Papa et maman le faisaient souvent avant de partir. Et ils me disaient que je savais bien écouter.

Les silences du désert reprirent leurs droits sur la scène.

Tout d’abord, le silence étrange du vent qui ne soulève aucun voile, mais fait rouler les virevoltants sur la poussière. C’est un silence désagréable puisqu’il bourdonne discrètement au fond de vos oreilles.

Heureusement, il est rapidement supplanté par le silence étouffé de la chaleur. Celui qui pénètre la terre, les pierres et les planches des roulottes. Il est bien plus agréable car il caresse vos joues d’une manière quasi maternelle.

Enfin vient le silence de celui qui écoute. Le meilleur de tous les silences.

Les deux hommes contemplèrent l’enfant et, chacun leur tour, lui sourirent.

— Et pourquoi pas ? déclara le caravanier. Si cela vous convient, mon vieux.

— Tout à fait. Tout à fait.

Le vagabond fit claquer sa langue contre son palais.

— Mais sans vouloir vous commander, puis-je caresser l’espoir d’avaler quelques gorgées d’eau, avant ?

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Commentaires & Discussions

Chapitre 2 : Les sculpteurs de floconsChapitre5 messages | 1 an
PrologueChapitre17 messages | 2 ans
Chapitre 1 : Vous venez d’où ?Chapitre10 messages | 3 ans
Interlude 1Chapitre4 messages | 3 ans

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