La charge sonnera bien assez tôt
— Est-ce aujourd’hui que je vais mourir ? Vais-je beaucoup souffrir, subir mille tourments, ou au contraire, traverser le grand voile sans même m’en rendre compte ? Entendrai-je le chant de nos ancêtres, lorsque je serai transpercé, broyé, ou bien tranché ? Ma chair nourrira-t-elle les shekts ou les korbos ? Cela dit, peut-être que je ne mourrai pas. Peut-être que je reverrai bientôt ma bien-aimée citée de Civronno, triomphante et fière de ses soldats. La foule se pressera le long de ses rues pour nous regarder défiler, les yeux pleins de larmes et de reconnaissance. Mais serai-je alors bien portant ? Serai-je en train de rire à gorge déployée, saluant les hommes, embrassant les femmes, ou bien serai-je à peine capable de respirer, mon armure enfoncée dans la poitrine ?
— Tu parles trop pour ton bien, Tom-ba.
— Tu ne te poses jamais ces questions ?
— La guerre, c’est se tenir prêt face à la mort, et faire le nécessaire pour la contrarier, répond Guntasir, le regard fixé sur l’étendue en contrebas, noire d’ennemis.
— C’est un résumé convenable, murmure Tom-ba, davantage pour lui-même que pour son ami. Dans tous les cas, je déteste attendre.
— La charge sonnera bien assez tôt. D’ici là, profite du jour qui se lève. En silence, ajoute Guntasir, souriant sous son chapeau.
Annotations