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« Woh ! Woh ! Woh ! Oh ! Oh ! Oh ! Non, non, non, non, non ! Non, non, non, non, NON ! Mais ça ne me va pas du tout, ça ! Mais alors pas du tout ! Qu’est-ce que c’est que cette putain de pichenette ! Qu’est-ce que c’est que cette foutue brise de merde qui s’est levée ? Déviant ce joli petit ongle ensanglanté vers le sol ! Tututute, je proteste ! JE, PROTESTE !

Protestons.

Corbeau, va.

Marchera pas, maîtresse.

CORBEEEAAAUUU ! Va. Va, petit corbeau.

Maîtresse. »

Et petit Corbeau va, s’en va, Corbeau fuse, droit devant, s’envole, libérateur, il obéit, sensass, il vole, fonce, gravite, haut dans le ciel, telle une étoile filante, grimpe, glisse, plane, descend, surfe les courants, fugace, parcourt les airs, ses ailes battent, battent, battent à tire-d'aile, Corbeau est effrayant de vivacité, de rapidité, exalté, il dévore le temps, transite, surpasse l'éphémère, englobe en un instant la durée d'une éternité, poussé par sa brise, par son souffle, par sa rage, à elle, par son effroi, son ras-le-bol, elle se déchaîne, insiste, s’anime, et lui, fusée lancée à plein régime n'a pas plus le temps de battre des ailes, effroyable, il les plie, se mue en un projectile élancé à un train d'enfer, incontrôlable, incommensurable, excessif, il survit, résiste, lutte, Corbeau est invincible, invisible, porté par sa puissance maintenant soulevée, incompréhensiblement libérée, tout ce qu’il lui reste, tout ce qu'elle peut projeter est propulsé, droit, droit vers, droit autour, droit sur lui. Pour lui, petit Corbeau.

Alors, petit Corbeau, maintenant s'en va, droit devant, fuse, libre, contrôlé, libre, esclave malmené, mais libre de participer à sa liberté, à elle.

Et finalement, Corbeau n'hésite pas, il ralentit, apparaît en un clin d' œil, là, il est là pour contribuer à la destinée.

Corbeau, d'un petit coup d'aile, d'un bref et presque insignifiant mouvement, influe et agit sur la trajectoire de petit Ongle.

Petit Ongle est reporté, vers la pierre retrouvée.

Soulagé, petit Ongle voltige, apaisé, il savoure à nouveau, virevolte et, enfin, en paix, enfin, aidé de ses alliés, arrive à atterrir sur cette pierre, sa pierre tant et si convoitée. Enfin. Enfin.

D'un petit ploc, sans le moindre rebond, petit Ongle, majestueux petit Ongle, heureux petit Ongle, se pose sur la fameuse pierre. Pile en son centre.

Alors en ce jour prochain, celui-ci, celui-là même, ce jour prochain de la prophétie, aujourd’hui donc. Sur cette pierre, une goutte ensanglantée, pile en son centre, volontairement projetée, offerte en sacrifice – tel un classique rituel païen au sens sans équivoque –, libératrice, s'épand sur la roche.

Corbeau s'est installé, il regarde, attend, attentif, guette, espère, il retient son souffle.

Elle, elle attend, se regarde, observe, surveille, ne peut que croire, n'arrive pas à ne pas croire, elle sait, elle sent, elle se veut confiante, elle pense savoir… Elle attend, patiemment, que quelque chose se produise. N’importe quoi. Un truc. Patiemment, pendant un temps, elle attend. Jusqu’à ce que :

« Ce n'est pas vrai... Que ne se passe-t-il pas ? Cet ongle a été jeté volontairement ! Vo-lon-tai-re-ment ! Il était destiné à se retrouver sur ma pierre, ma maudite pierre tombale ! Ma prison ! Il est ensanglanté… Ce sang suffit amplement à briser le sort ! JE DOIS SORTIR ! VOUS NE POUVEZ PLUS ME RETENIR ! VOUS N'EN AVEZ PAS LE DROIT ! »

Mais rien ne se produit, le charme semble insensible à ses accusations, réfutations, hauts cris de désespoirs.

Qu'est-ce, qu'est-ce qui ne s'est pas déroulé comme il se doit ? se demande à son tour Corbeau.

Son geste ailé a-t-il été vu comme une interférence, brisant le volontariat nécessaire ? Le sang gluant recouvrant petit Ongle est-il réellement insuffisant ? Le rituel, pour sa si puissante maîtresse, se doit-il d'être plus sanglant ? Que faudra-t-il… Est-ce seulement possible ? Peut-elle vraiment connaître à nouveau la liberté ?

Alors petit Corbeau doute, Corbeau craint, Corbeau se résigne à son tour, à mesure que sa maîtresse se terre dans un profond silence, présage d'une mort assumée, d'un définitif renoncement, d’une irrémédiable disparition.

Le destin, le dessein, les forces en œuvres, quelles qu'elles soient, les divins dieux, quels qu'ils soient, l'univers, l'obscur, le puissant, l’illuminé, le néant, la nature, le chaos, le hasard, tous ont parlé, ont œuvré, se sont décidés, ont tranché. Le rituel n'est pas abouti. Ça ne suffit pas. Elle reste emprisonnée !

Alors Maîtresse se meurt et Corbeau pleure. Les corbeaux pleurent et Maîtresse…

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