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Ivan réinspira une grande bouffée d’air frais, repromena son doigt sur les symboles et se relança… presque :
– Euh, je reprends depuis le début ?
– Soyons fous, nous ne sommes plus à deux minutes.
« Oh bah bah bah bah…. Non, nous ne sommes certes plus à deux minutes. Trois milles ans et deux minutes… »
– Abrège, poursuis direct ! lui intima Ivana.
« Et deux minutes de regagner ! »
Écoutant alors sa dulcinée, Ivan enchaîna :
Nous, Corvus,
peuple des plaines infinies, des plus hautes montagnes enneigées,
peuple des lacs sans fond, des mers tempétueuses,
peuple suprême et…
– Supérieur ? hésita-t-il.
– Suprême et supérieur, oui, confirma Éléna.
– Euh, attendez, quelle différence faites-vous entre les deux ?
– Bah…
– Aucune. Je pense, sœurette, que ce peuple a, avait, une haute estime de lui-même. À mon sens "supérieur" ne sert qu'à amplifier "suprême".
– Le Corvus manque donc de modestie.
« Le Corvus a eu un appétit bien aiguisé, mal lui en a pris car, sans moi, SANS MOI, il a disparu. Crétins de Corvus ! Fils indignes ! »
… supérieur,
peuple craint et redouté,
peuple des ombres et des lumières,
inébranlable face aux éléments,
régnons sans partage sur la Terre.
– Oui, ça ne fait pas de doute, le Corvus se surestimait, constata Ivana.
– Un peu trop de mon point de vue, les traces historiques de ce peuple ne sont pourtant pas légion.
« Si je n’avais pas été trahie nous aurions régné sur le monde ! Avec moi les Corvus étaient d’une puissance inégalable, je les aurais amenés au firmament ! Le monde se serait prosterné à mes pieds ! Vous trembleriez, vous ramperiez, vous… misérables… vous ne perdez plus rien pour attendre. »
Reine sombre, Mère des corbeaux, Déesse de toutes les divinités,
apparue parmi nous et aussitôt tes faveurs accordées.
– Tiens tiens, revoilà nos chers et tendres corbeaux.
– Oui, enfin… je vois plutôt une inquiétante puissante déesse en lien avec les corbeaux, corrigea Ivan.
« Mes bébés, mes cocos. »
Peuple Corvus, peuple protégé, peuple béni de ta grâce.
Peuple divin porté par ton inébranlable déité,
jouissant de ton éternel amour bienveillant.
– À qui ils ont voué un culte et se sont crus, en l’occurrence, surpuissants, peaufina Éléna.
Éternel éphémère.
Vérité cachée.
Damnés entre tes mains.
De fidèles à fanatiques.
De sujets à serviteurs.
De domestiques à esclaves.
De pantins à jouets.
Nous, Corvus, peuple soumis, conquis.
– Je rêve ou… commença Ivana.
– Ou la divinité s’est jouée d’eux, termina Ivan.
« Ils se sont joués de moi ! »
Reine cruelle, Mère intransigeante, Déesse despotique.
Impératrice de grandeurs assoiffée, influence destructrice, dominatrice égoïste.
– Un truc dans le genre, en tout cas une description bien négative, précisa Ivan.
– Nous comprenons l’idée, le rassura Éléna.
Plus le choix pour ce monde, nulle autre solution pour notre peuple,
que de…
– Je ne sais pas trop, je commence à fatiguer, aide-moi Éléna, prends le relais.
Que de te renvoyer parmi les tiens : démons, maudits, vils esprits et formes sombres.
Te voilà prisonnière, confinée à jamais, incapable de reparaître.
Docile. Cloîtrée. Isolée. Malléable. Gouvernable.
– Fin du culte ! résuma Ivana.
Nous, Corvus, serons à jamais les gardiens de ton cachot.
Nous, Corvus, te libérerons un jour prochain.
Jour où, enchaînée, nous serons assurés de ton asservissement.
« Emprisonnez-moi, certes enchaînez-moi, mais personne ne m’asservira, personne ne me soumettra, et encore moins toi, Corvus ! »
À notre tour, nous, Corvus, abuserons de tes dons,
pour n’y puiser que les largesses et les bienfaits jadis promis.
Puisse ton pouvoir nous être, éternellement, profitable.
Alors en ce jour prochain, sur cette pierre, en son sein caché, ton âme illuminée, de par trois croassements libérateurs, ta délivrance proclamée.
– Ça finit en eau de boudin, non ? s’étonna Ivan.
– Pas qu’un peu, mais là je sèche. Aussi bizarrement construit soit cette ultime phrase, je n’ai pas mieux comme fin de traduction…
– Mouais, space cette fin, conclut Ivana.
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