Chapitre 1
Nous sommes le 12 mars. Je suis devant ma télévision, un peu déstabilisée. Le virus, apparu en Chine ces derniers mois, commence à faire pas mal parler de lui chez nous. Le président vient de déclarer que tous les établissements scolaires, même les universités, seront fermés jusqu’à nouvel ordre. L’allocution prend fin. Je reste un moment figée face à l’écran puis décroche mon téléphone. Ma mère me demande d’annuler mon voyage de retour. Je ne ferais qu’un aller simple pour ma ville natale. Après une longue discussion avec mes parents, je raccroche et me retourne vers mon appartement. Je ne sais pas quand je vais le revoir et ça m’attriste. Je me sens bien ici.
Clarissa m’appelle en vidéo sur Instagram. Nous discutons de son retour chez elle, dans le nord du pays. Je lui fais part de ma réticence quant au fait de quitter mon appartement. Mais la conversation dérape et on commence rapidement à raconter n’importe quoi. Après une heure et demie de papotage, on raccroche pour faire nos préparatifs. Je vais prendre une douche et range tout. Je fais une bonne partie de ma valise que je finirais demain avec mes essentiels du matin. Je pensais ne rentrer qu’avec ma petite valise pour le week-end, mais ça tourne en pseudo déménagement. Ma grosse valise est pleine, ma sacoche aussi et demain mon sac de cours sera plein à craquer.
Après cette agitation, je mange un bout et discute avec Clarissa par messages. Je monte dans ma mezzanine pour me coucher. Je me mets à imaginer la suite des évènements et m’endors, recroquevillée sur moi-même et serrant mon plaid contre moi.
Il est 6h45 et mon réveil sonne. Je me lève et déjeune, la boule au ventre. Je ne sais pas comment va se passer cette journée et savoir que je ne reverrais pas mes amies avant un moment me rends triste. Je complète mes bagages et m’habille pour aller en cours. Je traverse les rues de la ville et arrive à ma faculté. Les couloirs, l’entrée, la cour, tout semble vide et ce n’est pas rassurant. Arrivée devant la salle, personne. En temps normal, il y a déjà quelques personnes devant la salle. Mais je reste là, seule, pendant plusieurs très longues minutes. Enfin, Clarissa me rejoint, suivie de Diane et d’autres. En effectif, seul un tiers de la classe est présente ce matin. Durant le cours, l’ambiance était assez tendue, tout le monde l’a remarqué, malgré la tentative de chacun pour redonner le sourire aux autres. Après mes cours de la matinée, je rentre à mon appartement pour déjeuner. Assise seule dans mon 21m², je reste plongée dans le silence, observant chaque recoin de mon petit chez-moi, comme si je n’allais jamais le revoir.
De retour à la faculté, je sens comme un flottement. Clarissa, Diane et moi allons voir une dernière fois la secrétaire de notre département afin de discuter. Avec elle, le courant passe bien. Puis nous nous dirigeons vers la salle de notre dernier cours. Notre professeure, Adriana, nous demande de raconter notre meilleur souvenir de vacances. Une proximité se fait sentir et cette dernière heure ressemble à un de ses derniers jours au collège ou au lycée.
Il est temps de partir. A l’arrêt de bus, j’étreins une dernière fois Clarissa et retourne à mon appartement. Je coupe le gaz, l’eau chaude et débranche un maximum de prises. Je boucle mes affaires, prends mes clefs de maison et part pour la gare. Ma valise roule sur les pavés de la petite rue, comme un adieu mélancolique à ma belle vie d’étudiante. Arrivée à la gare, je monte dans mon train, quasiment vide. Assise à ma place, je regarde autour de moi. Personne dans cette voiture, ce qui me met un peu mal à l’aise. Je reste là, bien 20 minutes en attendant le départ. Personne ne monta dans ma voiture. Le contrôleur passe et me voit. Pas un mot, mais un regard lourd de sens. Il semblait attristé et inquiet. Il quitta la voiture. Sur les quais, peu de gens attendent les trains. Les agents de gare regardent les voies d’un air dépité. Le train démarra et lorsqu’il quitta la gare, une larme m’échappa et coula le long de ma joue. Mon casque sur les oreilles, je regardais tristement le paysage défiler, m’éloignant peu à peu de cette vie qui faisait mon bonheur.
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