Chapitre 9

5 minutes de lecture

Décidément mon travail me menait la vie dure en ce moment. Je n’en avais retiré que peu de joie ces derniers temps. Entre Kinnick qui se suicidait avant que je puisse l’achever moi-même et Zuid que j’ai dû empoisonner pour ne pas attirer l’attention, c’était trop. Je voulais simplement pouvoir suivre quelqu’un, tout découvrir de sa vie, prendre et envoyer des belles photos, lui faire connaître la peur avant de l’achever d’une balle dans le crâne. Apparemment, c’était trop demander. Alors j’espérais que je pourrais m’amuser avec le prochain contrat. Il me suffisait d’attendre que mes employeurs se décident.

Plusieurs jours passèrent. Comme mes employeurs ne semblaient pas être pressés de me redonner un contrat, j’en profitai pour pouvoir procrastiner et continuer à m’amuser. Je décidai de partir parier sur les joueurs de RBR dans une arène clandestine dans les sous-sols du Quartier Nord. C’était des vastes salles, sous les fondations de la ville, en dessous même des anciennes lignes de métro souterraines qu’ils utilisaient il y a 150 ans. J’ignorais quels usages ils avaient prévu au début du XXIème siècle mais ils ne devaient pas se douter qu’on s’en servirait pour regarder des gens se battre jusqu’à l’évanouissement. L’avantage, c’est qu’il n’y avait pas de caméras aussi bas alors c’était le lieu de rendez-vous de tous les jeux clandestins et autres activités illégales. Je descendais jusqu’à rencontrer un gros bras servant de vigile. Je ne doutais pas qu’il était très bien armé et qu’il pouvait s’occuper de faire disparaître n’importe quel gêneur. Je lui donnai donc le mot de passe et pianotai mon ArmScreen pour lui transférer quelques crédits. Il hocha la tête quand il reçut la notification du paiement et me laissa accéder à la salle suivante. Et là, je fus envahi par une multitude de bruits. Je m’étonnai à chaque fois de voir comment cette salle était bien insonorisée. Il y avait les gens qui buvaient et parlaient fort et ceux qui étaient déjà à l’étape suivante, se taper dessus. La musique forte et sensuelle du côté des filles de joies (qu’elles soient humaines ou androïdes) et les exclamations des parieurs. Je me frayais un chemin jusqu’à atteindre le bureau où on pouvait parier sur les combats de RBR.

Pratique issue des jeux vidéos autrefois populaires de combat de battle royale en ligne, cette activité s’était développée en réel. En clair, mettez quinze types dans une arène, avec ou sans arme, le dernier conscient était déclaré vainqueur. Par souci d’éviter d’attirer l’attention de la police, l’arène d’Oreley n’autorisait pas le meurtre des participants. Trop de corps à se débarrasser. Bref, on pouvait voir sur des écrans des images en direct des participants pour étudier leur état physique, leurs statistiques établies sur leurs précédents combats et ainsi de suite. Je passai quelques minutes à lire les informations et regarder les participants avant de faire mon choix pour mon pari. Je transférai la somme de crédits au bookmaker.

  • Le combat commence dans cinq minutes, si tu veux regarder en direct. Gratuit sur l’hologramme, 80 crédits pour aller derrière. dit-il en désignant la porte de la salle où était située l’arène.

Je n’avais pas vraiment de choses à faire alors je hochai la tête et pianotai à nouveau mon ArmScreen pour transférer les crédits. Il me fit signe de rejoindre la salle attenante.

L’arène n’était qu’un cercle de quarante mètres de diamètre avec les gradins autour. Je n’eus à peine le temps de m’installer que les combattants furent introduits dans l’arène. Ils étaient une douzaine. Je comptais deux femmes dans le lot. Tous étaient vêtus de combinaisons blanches, je ne vis pas d’armes à disposition. Ça allait donc être un match à mains nues. Pourquoi pas ? Quand le combat commença enfin, un rideau de fer sortit du sol et monta jusqu’à plusieurs mètres de hauteur autour de l’arène. A quoi diable ça servait ce machin ? Les combattants étaient payés, ils n’allaient pas s’enfuir. C’est alors un léger faisceau blanc vint du plafond pour englober l’arène. Les combattants furent soulevés et ils s’accrochèrent aux parois. Je souris en reconnaissant enfin cette configuration si particulière. Les parties de RBR en gravité simulée étaient plutôt rares, j’avais bien choisi mon moment pour y assister ! Le coup d’envoi fut donné et les différents participants s’élancèrent. Certains prenaient appui sur les murs avant d’agripper l’un de leurs adversaires et le rouer de coups, d’autres essayaient distribuer des coups de poings lorsque les autres passaient près d’eux. Les quelques dizaines de personnes qui avaient choisi d’assister au combat étaient en délire, on se levait, criait sur les participants pour les encourager, chacun voulait que son pari soit le pari gagnant. Une des deux femmes avait une stratégie très efficace dans le mode en gravité simulée, une fois un adversaire à portée, elle se jetait sur lui, réussissait à s’enrouler autour de lui de manière à coincer ses bras et arrivait à faire une prise d’étranglement avec ses jambes jusqu’à ce que l’homme sombre dans l’inconscience. Elle réussit à le faire trois fois alors je commençai à me demander si je n’aurais pas dû parier sur elle. Ils n’étaient déjà plus que six encore en jeu. Mais l’homme sur lequel j’avais parié était aussi toujours là alors rien n’était perdu ! Je me joignis avec force aux cris des autres spectateurs, espérant que ça ferait évoluer la situation en ma faveur. Quelques minutes plus tard, deux participants se jetèrent sur mon favori et le rouèrent de coups, des gouttes de sang dégoulinèrent de leurs poings et restant en suspension autour d’eux. Un coup bien placé à la tempe l’envoya au tapis, enfin façon de parler. Son corps flottait au milieu de l’espace aérien de l’arène, inerte, évanoui. Je serrai les dents puis jurait abondamment, j’avais perdu ! Encore une chose qui allait de travers dans ma vie. Le combat ne dura plus très longtemps après ça, ce fut finalement la fille que j’avais remarqué qui gagna. Les parieurs qui l’avaient choisie allaient recevoir un bon pactole, les femmes n’avaient pas généralement une bonne côte dans les combats de RBR. Je me dis que sans la configuration en gravité simulée, elle n’aurait probablement pas gagné. C’était un pauvre moyen d’essayer de me rassurer. Je regardais un homme se précipiter vers la sortie, un grand sourire au visage, il était l’un des seuls à avoir parié sur la gagnante.

J’étais en train de regagner la sortie quand je reçus un message chiffré, signé par mes employeurs. Ça n’avait pas traîné ! Ils en avait des gens à supprimer… Au moins, j’allais pouvoir m’amuser à nouveau. Qui était donc mon nouveau compagnon de jeu ? J’ouvrai le message qui afficha simplement “Kaylin Castiglione. Analyste sécurité à Conglomérat Digital”. Le message donnait d’habitude le temps que j’avais pour effectuer le contrat mais ce n’était pas le cas cette fois-ci. Pas question de leur rappeler leur oubli, j’allais pouvoir m’amuser autant que je voulais avec elle. Ce fut avec une grande hâte de découvrir qui elle était que je repartis de l’arène pour regagner la surface d’Oreley.

Annotations

Vous aimez lire Shagya ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0