Chapitre 13

4 minutes de lecture

Elle ne se laissait pas effrayer très facilement, cette Kaylin Castiglione. J’avais pris d’autres clichés très intéressants lorsqu’elle avait reçu ma première enveloppe. Son air apeuré quand elle regardait les différentes photographies de sa famille, agrémentées de menaces, avait été délicieux. Et puis, je ne savais pas trop… On aurait dit qu’un air de détermination était passé sur son visage. Elle s’était brusquement levée, avait fourré les papiers dans un tiroir avant de venir tirer les rideaux de son salon à grands pas. Elle fit la même chose dans toutes les pièces. En allant au travail ce jour là, elle regarda par dessus son épaule pour essayer vainement de m’apercevoir. Mais j’étais comme invisible dans la foule. Aucun signe ne me distinguait des dizaines d’autres passants. Mais tout ça me laissait perplexe. On aurait dit qu’après le premier choc, elle était habitée d’une résolution nouvelle.

Toutefois, mon micro sur son manteau m’apprit qu’elle n’en avait pas parlé à collègue alors qu’il lui avait fait une remarque sur son état. Elle était donc suffisamment inquiète pour ça. La journée, elle ne sortait pas des bureaux de Conglomérat Digital alors je ne pouvais pas continuer mes petites habitudes autant que je l’aurais voulu. Je me rattrapai en allant prendre des clichés de ses parents.

Une chose inhabituelle se passa cette nuit là. Les capteurs de surveillance que j’avais collé sur le mur en face de chez elle et qui pointaient vers son appartement enregistrèrent qu’elle avait quitté son lit en pleine nuit pour se coller devant son terminal. J’ignorais ce qu’elle faisait mais ça me sembla assez louche. Et c’était mon domaine d’expertise. Je me demandais si ça avait un rapport avec son contrat d’exécution. Elle devait bien avoir fait quelque chose que mon employeur n’avait pas dû apprécier si elle avait un contrat sur sa tête. Elle murmura quelque chose mais le volume sonore était trop faible, mon capteur installé trop loin pour que je puisse saisir ce qu’elle disait.

Elle sembla divaguer un petit moment avant de se mettre à parler toute seule.

- Récapitulons : Il y a une semaine, je découvre une back-door dans la Central Castle Bank. Le rapport à peine écrit, la Direction Générale me retire le dossier. Après analyse, il y en a aussi une dans le réseau de Conglomérat Energies. Un hacker vient de transférer la moitié des réserves énergétiques de la ville à un endroit appelé NY avant de disparaître du réseau de la ville. Comme s’il l’avait quittée. Et pour rajouter la cerise sur le gâteau, un malade a commencé à me suivre pour me faire peur. Et ça marche. Mais ça prouve que quelque chose ne tourne définitivement pas rond.

Elle fit un mouvement et je compris qu’elle avait éteint la fonction enregistrement de son ArmScreen. Elle ne parlait donc pas toute seule, ni ne devenait folle, elle prenait des notes. Je fus légèrement admiratif. Elle avait reconnu que je lui faisais peur mais sa détermination ne semblait pas avoir flanché. Au contraire. Je repassai l’enregistrement de son discours plusieurs fois. Quasiment tout dans son discours me faisait tiquer.

Je me mis aussi à énumérer certaines choses. La Castle Central Bank, c’était là où Zuid, le type de mon précédent contrat travaillait. Et mon employeur m’avait demandé d’en finir avec lui rapidement. Avait-il quelque chose à voir avec cette back-door ? Cela me semblait être une trop grosse coïncidence pour n’être dû qu’au hasard…

Le timing était trop parfait aussi… Moins d’une semaine… Je réfléchis, la date de remise de son rapport à la DGC semblait étrangement correspondre à la période où j’avais reçu son contrat. Ce qui voudrait dire que mon employeur n’était autre que la Direction Générale du Conglomérat ? C’était possible, après tout, la société qui me transférait mes crédits après un contrat n’était qu’une société écran, pour protéger son véritable propriétaire des malversations. Et qui aurait intérêt à se protéger autant que l’élite commandant la super-entreprise la plus puissante jamais créée ?

Par contre, je ne comprenais pas le reste de son discours. Là c’était vraiment plus nébuleux. Que voulait-elle dire par le hackeur avait quitté la ville pour aller ailleurs, à NY si j’avais bien compris ? C’était impossible de quitter la ville. Tout le monde le savait. Et le nom de ce supposé endroit n’avait aucun sens. Mais c’était probablement fondé, sinon pourquoi auraient-ils voulu la tuer à ce point ? Je me demandais si je n’avais pas mis les pieds dans quelque chose qui me dépassait et que j’aurai mieux fait d’ignorer. Ces pensées tournèrent encore un moment dans ma tête pendant que je retournai me coucher.

Même si je commençai également à m’interroger, je continuai à suivre et à photographier Kaylin. Elle croyait que je ne pouvais pas la voir dans son appartement mais c’était faux. Mes dispositifs de surveillance fonctionnaient parfaitement, malgré ses rideaux tirés. De nouvelles flopées de photos vinrent rejoindre celles dans le tiroir du bureau de son salon. Au fil des jours, elle ne semblait même plus ouvrir les enveloppes pour regarder. Je trouvai ça particulièrement impoli de sa part vu le prix du papier actuellement. Cette attitude m’énerva tellement que j’eus presque envie de la tuer sur le champ en guise de représailles. Mais je me réussis à me contrôler. Si les photos de surveillance avaient arrêté de lui faire peur, je n’avais qu’à trouver autre chose. Il n’était pas encore le moment de lui faire rendre son dernier soupir. Je voulais revoir le même air terrorisé qui s’était installé sur son visage quand elle avait vu mes clichés d’elle pour la première fois.

Annotations

Vous aimez lire Shagya ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0