Chapitre 15

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Cette fille m’exaspérait. Elle arrivait à rendre mon travail inutile. Ce n’était jamais arrivé. J’avais beau la prendre en photo et épier ses réactions, il semblait que cela ne l’atteignait pas. Elle avait quelques sursauts de terreur de temps en temps mais elle arrivait à remettre son masque stoïque très rapidement pour ne rien laisser transparaître auprès de ses proches et de ses collègues. Pour ça, elle était douée. Personne ne se doutait de rien. C’en était presque touchant, cette manière de les protéger. Cette résolution était féroce et solidement ancrée en elle… Étais-je vraiment en train de la complimenter ? de l’admirer ? C’était ridicule, pourquoi ne pas tout simplement y mettre un terme et lui mettre une balle dans la tête ? C’est tout ce qu’un tueur à gages autre que moi aurait fait dès la première occasion après le contrat reçu sur cette fille. Alors… pourquoi ?

Parce que ce qu’elle avait dit m’avait intrigué. Parce que je commençais à croire moi aussi que quelque chose ne tournait pas rond dans les hautes sphères de notre ville et plus particulièrement de notre cher Conglomérat. Non c’était faux. Il était indiscutable que des magouilles avaient lieu dans la ville, en particulier avec l’entreprise qui gérait autant d’aspects de la vie des citoyens. Pour ne pas dire tous les aspects. Éducation, logement, santé, finance, sécurité, environnement, énergie, technologie, recherche. Tout ça entre les mains du même groupe de personnes. Évidemment que certains en profiteraient pour se faire de l’argent supplémentaire. Mais j’avais l’impression que cette fille avait trébuché sur quelque chose de bien plus gros. Quelqu’un qui découvrait quelque chose de compromettant, on lui offrait un bon pot-de-vin pour qu’il la ferme et c’était fini. Mais là, avec mon contrat sur Zuid et les informations qu’on l’avait empêchée d’approfondir sur la Castle Bank, elle méritait la mort. Alors qu’elle n’avait que d’infimes indices. Ça voulait dire qu’au moins deux de mes contrats étaient liés. Qui sait, peut être que Britt Kinnick, qui s’était suicidé à cause de moi, avait quelque chose à voir là dedans aussi. Il semblait que j’étais l’instrument du Conglomérat pour protéger leur plus grand secret. Je me demandais alors s’ils la surveillait aussi. Car, s’ils apprenaient qu’elle continuait ses recherches alors qu’un tueur était à ses trousses, et qu’en la surveillant, j’avais aussi pris conscience de leurs machinations, j’allais probablement devenir également une cible. Et mourir n’était pas au sommet de la liste de mes priorités actuelles. J’en revenais à ma question : Pourquoi ? Pourquoi n’était-elle pas encore morte ? Ma vie pouvait en dépendre. Peut-être tout simplement parce que je voulais savoir moi aussi.

Je la suivais depuis plusieurs mois maintenant. Le fait que mon employeur ne s’était pas manifesté pour que je lui fasse un rapport sur la situation était inhabituel. D’ordinaire j’avais un temps limité pour effectuer mes contrats et je ne recevais pas le paiement avant d’avoir fait plusieurs échanges avec le commanditaire des contrats. Mais là, je n’avais plus de nouvelles. C’était étrange. S’ils voulaient à ce point la faire taire, ils m’auraient pressé de m’en débarrasser au plus vite. Et ils n’avaient fait appel à personne d’autre de plus expéditif sinon elle serait déjà morte.

Je fus sorti de mes pensées par une notification sur mon ArmScreen. Mes capteurs venaient de détecter qu’elle s’était enfin levée. Elle avait passé beaucoup plus de temps au lit ce matin. Peut-être était-elle malade ? Lors de la discussion chez ses parents, son père avait eu l’air d’insinuer qu’elle n’était pas au meilleur de sa forme. Je pianotai sur mon application espion pour me connecter aux outils de surveillance qui étaient cachés devant chez elle. Un message d’erreur apparut alors sur mon écran holographique. Je fronçai les sourcils. Je n’avais rien changé aux paramètres depuis des mois alors pourquoi ça ne fonctionnait plus ? Je jetai un coup d’oeil au message.

Erreur

Vous ne disposez pas des droits nécessaires pour effectuer cette action

Je me redressai vivement. Comment ça je n’avais pas les droits ? J’avais téléchargé ce logiciel espion et j’en étais le seul utilisateur. Bien sûr que j’avais les droits pour l’activer. Je cliquai sur le message mais rien ne se produisit. Je fermai l’application pour la relancer en mode administrateur. Il y eut un petit temps de chargement, je pensais avoir réussi mais…

Erreur

Vous ne disposez pas des droits nécessaires pour effectuer cette action

C’était vraiment incompréhensible. Je remarquai que je pouvais cliquer sur la fenêtre cette fois-ci. Après une brève pression, les lettres se mélangèrent pour former un autre message :

On dirait que tu t’es fait hacker. Oups. A mon tour de faire du chantage, arrête de m’espionner et j’éviterai d’appeler la police. Au fait, je suis levée depuis deux heures, tes petits capteurs sont inactifs.

Je me levai d’un coup. La garce ! Elle ne pouvait pas… elle n’avait pas… Elle osait ! Je donnai un coup de pied dans le meuble le plus proche de moi. La vive douleur que je ressentis me fit regretter mon geste instantanément. Mi-sautillant, mi-boitant, je me servis un verre d’alcool que je bus d’un trait. Je tentai tout ce que je pouvais pendant de longues minutes, y compris désactiver l’application et la réinstaller. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’autre. Elle avait gagné sur ce terrain. Je ne pouvais plus l’épier lorsqu’elle était chez elle. Du moins, pas sans attirer l’attention si je décidais de rôder dans son quartier fréquemment. Mais je pouvais toujours la suivre lorsqu’elle sortirait. Elle ne connaissait toujours pas mon visage. D’ailleurs, comment pourrait-elle savoir que j’aurai arrêté de l’espionner ? Et elle osait me défier ! Je n’allais pas rester sans rien faire ! Ça non !

Tout ce qui aurait pu passer pour des compliments ou un semblant d’admiration fut balayé par une envie folle de vengeance bouillante. Oh oui, elle allait payer… Si elle croyait qu’elle pouvait me défier impunément sans conséquences, elle se trompait lourdement.

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