Chapitre 6
Quand j’arrive dans la cour devant la maison, je vois que l’une de mes mères a fait installer un panier de basket sur le mur. Un peu déçu que notre cours de sport ait été annulé, je me précipite dans la dépendance pour déposer mes affaires, enfiler un short de sport et sortir le ballon orange du placard. Quand la voiture de maman se gare dans l’allée, une heure plus tard, je m’entraîne à faire des paniers pour évacuer le trop plein d’énergie avant la soirée.
— J’étais certaine que tu y résisterais pas, dit Périne en ramassant la balle qui roule jusqu’à la voiture.
Elle fait un lancer parfait et je le rattrape sous le panier.
— Bien joué !
Elle fait un clin d’œil en s’approchant du perron.
— Comment ça s’est passé, l’école ?
— Tranquille. Tu as eu des nouvelles de maman ?
Pour elle aussi c’était son premier jour. Nicole est psychologue. Elle a trouvé du travail assez rapidement dans l’hôpital local et quelques institutions autour de la ville. Périne acquiesce.
— Un patron sympa et des collègues animés. Sauf un, qui n’a sans doute pas apprécié ma visite pendant sa pause.
Je manque de lâcher la balle. Maman fait ce visage qu’elle a tout le temps, celui qui veut dire « on y échappe pas ». Je grimace en me demandant si je dois la prévenir pour les parents de Lista.
— Maman, il faut que je te dise…
Je jette un regard vers la maison des Estella en me mordant l’intérieur des joues. Je lâche la balle et la rejoint sur le perron.
— Les parents de Lista ne sont pas particulièrement…
— Contents de nous voir ? Termine-t-elle.
Elle me fait un sourire réconfortant.
— T’inquiète pas pour ça, on est déjà au courant. On l’a vu sur le visage de Karen au fil de la conversation. Mais c’est pas grave, nous on peut faire avec.
Elle ouvre la porte, mais hésite avant d’entrer. Elle se tourne vers moi, le front plissé.
— Tu en parlé avec leur fille ?
— Oui, fais-je en hochant la tête. On a eu un petit malentendu au début, mais elle ne pense pas comme eux.
— Chouette, j’ai vu que tu l’aimais bien.
Elle disparaît en souriant, sans me laisser le temps de réagir.
Je reviens chopper le ballon et reprends mes lancers. On vient de nouveau me parler près de quinze minutes plus tard.
— Le jardinage et le basket, tu as d’autres passions ?
Je me tourne vers Lista, incapable de lui répondre. Sous mon short et mon débardeur je suis luisant de transpiration, et mes cheveux n’ont plus aucune allure. Merde, je me dis.
Je finis par m’en remettre en me faisant la réflexion qu’elle aurait souvent l’occasion de me voir en passant devant la maison.
— Euh… ouais, mais j’y mets pas autant d’énergie.
Elle pose son sac près de la haie et me fait signe de lui lancer la balle. La courbe avant qu’elle ne le rattrape est parfaite.
— Tu es allé quelque part, après les cours ?
Question posée en toute innocence, même si je me répète que ça ne me regarde pas. Elle ne semble pas y faire attention.
— J’ai pris le car de 17 heures, explique-t-elle. Charlie m’a dit que vous aviez pas eut sport, il était dégoûté.
— Il est pas le seule.
Elle lance la balle, mais il ricoche sur le panier. Je vais la chercher en trottinant.
— Il a vraiment mal prit que tu t’assois pas à côté d’eux en cours.
Je hausse les sourcils en lui refaisant une passe. Son sourire la trahit.
— Je plaisante, il a juste trouvé que t’étais timide.
— Je fais de mon mieux, mais j’aurais pas beaucoup bavardé avec eux, de toute façon.
— Moi aussi je suis attentive, fait-elle en faisant un nouveau lancer. Je peux être un vrai mur quand je suis concentrée. Jérémy se moque de moi parce que je suis la première de la classe depuis la primaire.
Je me contente de lui sourire, parce que je sais pas quoi répondre. On discute pendant quelques minutes en faisant des paniers, puis sa mère vient la chercher et lui donne une excuse bidon pour la faire rentrer. Elle me fait le sourire le plus faux de la terre et Lista hausse suggestivement les sourcils dans son dos pour se moquer de sa réaction. Ça me fait rire et Karen semble me prendre pour un dingue.
Je ne mets pas longtemps à rentrer, pour prendre une douche et jeter un coup d’œil à mon emploi du temps. Le sourire de Lista me reste en tête tout au long de la soirée.
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