Prologue - Lyam
Huit ans plus tôt
Installé avec la plus belle femme de toute l’Irlande à la table d’un restaurant chic de Waterford, je tâte pour au moins la dixième fois la poche de ma veste. Je me sens étriqué dans ce costard, mais ce soir je fais les choses en grand. Erin est assise en face de moi, sa chevelure de feu lâchée sur ses épaules laisse deviner sa robe noire épousant ses courbes et son ventre arrondi par la grossesse. Elle est époustouflante et si je n’avais pas une bague ainsi qu’une question à lui poser, je serais déjà en train de lui arracher ses fringues pour vénérer son corps de ma langue. Je deviens de plus en plus à l’étroit dans mon futal en pensant à ce que j’aimerais lui faire. D’autant plus que ses envies sont décuplées depuis qu’elle est entrée dans le troisième trimestre.
Il faut absolument que je me jette à l’eau !
Ça fait bien vingt minutes que je tente ma chance, mais ce con de serveur nous interrompt toutes les trois minutes pour savoir si tout se passe bien. Putain, ça irait nettement mieux s’il ne venait pas nous emmerder dès que j'essaie de me lancer ! J’aurais peut-être dû l’inviter dans un fast-food à la place de ce resto de luxe, au moins nous aurions été tranquilles. Quoique, les gosses qui braillent tout le temps, ce n'est pas mieux non plus. Non, définitivement, la musique douce, l'ambiance tamisée, les bougies et le petit bouquet de fleurs sur les tables aux nappes immaculées, c'est tout de même plus classe pour une demande en mariage. Puis, Erin le vaut bien, elle mérite toutes ces conneries romantiques. Je pourrais me damner pour elle, alors au diable le serveur un peu trop zélé !
— Tout se passe bien ?
Oh non, le revoilà !
À l’instant où je me tourne vers lui, je capte ses yeux. J'hallucine ou ce connard vient de reluquer la poitrine de ma nana ?
— Oui, ça va ! Comme il y a deux minutes, et encore deux minutes avant ! On vous fera signe si jamais on a besoin de vous !
Il me lance un regard noir que je lui rends immédiatement. S'il croit qu'il peut se conduire comme un enfoiré avec moi, il se fout le doigt dans l'œil ! À mon grand soulagement, il tourne les talons et nous laisse enfin seuls.
— Lyam, ce n'est pas nécessaire de t'énerver comme ça. Le pauvre, il ne savait plus où se mettre.
— Oh, ça va ! Il n'avait qu'à pas lorgner tes seins.
— Lyam, Lyam, Lyam… souffle-t-elle en secouant la tête. De toute façon, il n'y a que toi qui peux y toucher, alors arrête d’être jaloux.
Justement, en parlant de ça, c'est le moment ou jamais. Je me lève sous son regard étonné, la main dans la poche, et plie un genou devant elle. Elle plaque ses doigts sur sa bouche carmin tandis que la salle du restaurant se fait tout à coup silencieuse. Seuls la musique d'ambiance et les bruits des cuisines résonnent encore.
— Erin, je t’aime depuis nos seize ans. Ces douze années ont été les plus belles de ma vie.
Tandis que je reprends mon souffle, ses yeux caramel se remplissent de larmes de joie – du moins je l’espère. Quelques chuchotements me parviennent, mes mains tremblent alors que je sors l’écrin de ma poche, puis l’ouvre dévoilant un joli solitaire en or surmonté d’un diamant.
— Erin, tu es la femme de ma vie. Accepterais-tu de devenir mon épouse et de faire de moi l'homme le plus heureux sur cette terre ?
L’émotion me gagne pendant que j’attends avec impatience sa réponse. Alors qu’elle reste muette, le doute s’insinue en moi. Et si elle ne voulait pas qu’on se marie ? Et si j’avais tout faux ?
Comme sortie de sa léthargie, elle me saute dessus. Ses lèvres se posent sur les miennes quand elle me répond oui à plusieurs reprises. Des acclamations et de discrets applaudissements retentissent tout autour de nous.
Je suis si soulagé que mon cœur est sur le point de foutre le camp tellement il bat fort. Putain, elle a dit oui ! Je me redresse tout en la maintenant dans mes bras, ma bouche toujours vissée à la sienne je me délecte de son odeur, de son goût, de ses gémissements. De notre bonheur. À bout de souffle, je m'écarte légèrement d'elle. Front contre front, je caresse son visage délicatement alors que je lui chuchote un je t'aime ému.
Mes doigts récupèrent fébrilement la bague pour lui passer autour de son annulaire. Tandis que je suis préoccupé par le fait de ne pas faire tomber l’anneau, je ne remarque pas tout de suite qu’Erin ne bouge plus. Un mauvais pressentiment s'empare de tout mon être lorsque je sens sa main molle dans la mienne. Inquiet, mon regard remonte instantanément sur son visage pâle lorsque, sans prévenir, son corps s'écroule sur le parquet.
Le rêve devient cauchemar.
Je me jette au sol et crie son prénom à m’en briser les cordes vocales. Mon corps est traversé de spasmes, un torrent de larmes ruisselle le long de mes joues pendant que je hurle entre deux soubresauts à ce qu’on appelle les urgences. Je perçois les gens autour de nous s’affoler, des éclats de voix, des bris de verres. On me pose des questions, mais mon esprit embrumé reste focalisé sur Erin, comme sans vie, dans mes bras. Ses cheveux roux s’étalent sur le plancher formant un halo contrastant avec sa peau diaphane, son ventre se soulève difficilement et faiblement. Elle ne réagit pas à mon étreinte. Je la berce en lui murmurant que tout ira bien. Mon cœur sombre dans les ténèbres.
Reste avec moi Erin, je t’en supplie.
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