Chapitre 10 - Beibhinn
Alors que je décide de m’occuper des cupcakes, Lyam se lève et part plusieurs mètres plus loin. Je ne le connais pas vraiment, mais je ressens à ses mouvements et à son attitude qu’il semble tout aussi perturbé que je le suis. Est-ce moi ou on allait s’embrasser ? J’en avais cruellement envie sur le moment. Mais pourquoi ? Je ne m’explique absolument pas cet attrait entre nous, et devant les enfants, de surcroît ! Puis, Ryan qui pensait que nous faisions une balade en couple, en famille. Est-ce à cela que nous ressemblions ? Tout en étant à mes réflexions, je prépare les assiettes, les deux bougies que je dispose sur deux gâteaux afin de les présenter aux jumelles, sors le briquet et les allume. Faisant comme si la situation n’était pas étrange, je me mets à chanter un happy birthday - légèrement crispée malgré toute ma bonne volonté – à mes filles qui grandissent de jour en jour. Me concentrant sur ces pensées plutôt que sur ce qui ne s’est, justement, pas passé avec Lyam, je suis si fière de ce qu’elles deviennent. Elles soufflent sur les deux flammèches et tout le monde applaudit. Alors que nous sortons leurs cadeaux, Hope se lève et part chercher son père.
Aylin déballe précautionneusement le sien. Un sourire satisfait s’affiche sur son merveilleux visage, elle se redresse et vient m’embrasser.
— Merci, maman.
— C’est quoi ? lui demande Kieran.
Il grimace lorsqu’elle lui tend une boîte contenant un échiquier, seules Aylin et moi savons y jouer. Le cri de joie de Ciara nous fait tous relever la tête. Elle montre à tout le monde ses nouveaux rollers quad. Nos invités nous rejoignent à cet instant. La fillette sort deux paquets d'un sac qui était fermé jusqu'ici et le tend aux filles. Aylin reçoit un livre sur la mythologie Atlante, tandis que sa sœur déballe une robe de princesse. Belle, au vu de la couleur jaune de celle-ci.
Pendant que les enfants remercient leurs invités, je surprends Lyam qui m'observe à plusieurs reprises. Pris sur le fait, il détourne le regard. Je ne cesse de me questionner sur l’attirance qui semble naître entre nous. Ou peut-être que ce n’est que le fruit de mon imagination, et que je suis la seule à ressentir cet émoi ? Je me sens perdue. Je n'ai pas eu beaucoup de relations avant Ryan, et depuis mon divorce, je n’ai connu que Noah. Il y avait une forme de respect derrière cette alchimie. Je sais que c’est un véritable coureur de jupon, qu’il enchaîne les conquêtes, preuve en est la nuit qu’il a passée avec Neve. Un sentiment désagréable émerge en moi en pensant à ce qu’il s’est passé entre eux. Je ne veux pas ressentir cela, surtout pas pour mon amie. Il faut que ça cesse. Je ne dois pas tomber dans ses filets, n’être qu’un énième numéro parmi une liste sûrement aussi longue que la Suir.
Une distance plus que nécessaire s’installe à nouveau entre nous. Je ne me préoccupe plus que des enfants, faisant abstraction de cet homme qui me bouleverse plus que je ne le souhaiterais. Enfin, j’essaie. Mais, j’avoue que c’est difficile lorsque je sens ses iris bleus se fixer sur moi.
Après que tout le monde ait pris son dessert, Lyam se racle la gorge, sortant ainsi de son mutisme.
— Euh… Est-ce que tu veux que je ramène les affaires du pique-nique dans la voiture ?
Alors, autant il ouvre à nouveau la bouche, mais soutenir mon regard n’est à priori pas au programme. Je passe outre, n’ayant pas envie de me prendre plus la tête que cela. Elle bouillonne déjà suffisamment de questions en tout genre.
— Avec plaisir, Lyam, m’exclamé-je d’une voix un peu trop haut perchée.
Mince, je crois que j’en fais trop au vu de l’air perplexe et le sourcil en circonflexe qu’affichent mon fils. Honteuse, je me détourne et décide de tout ranger, demandant aux enfants d’aider à ramasser nos affaires, puis Lyam et Kieran amènent le tout dans le coffre de ma voiture. J’avise l’heure sur mon portable en faisant abstraction de la notification de message de Ryan. Il est déjà presque quinze heures, le temps de visiter le château et de rentrer, il sera facilement dix-huit, dix-neuf heures. Vu la tournure de la journée, j’ai hâte de sortir ce soir avec Nya afin de décompresser.
Une fois les garçons revenus, tout le monde se dirige vers le Blarney Castle. Les filles sont surexcitées, Kieran les rejoint, nous laissant dans une ambiance plus que malaisante. Nous entrons dans la chapelle qui servait également de salle des banquets. Bien que le château ait été construit entre le 15ème et 17ème siècle, il reste assez bien conservé. Une énorme cheminée domine la pièce. Aylin et Hope observent l’architecture du lieu tandis que Ciara, qui a enfilé sa robe de princesse, se prend pour la maîtresse de maison et Kieran son chevalier. Cette bonne humeur me détend. Lyam également, si j’en crois le fin sourire qu’il affiche. Nous poursuivons dans la cuisine, accolée à la salle que nous venons de visiter. Ensuite, nous empruntons un escalier en colimaçon donnant dans les chambres des filles du quatorzième Lord Muskerry qui dormaient et priaient dans cette tour. Étrangement, l’étroitesse et l’austérité des pièces font bien moins rêver Ciara. Nous reprenons la visite, direction la Pierre. Arrivés sur les remparts, les filles se mettent à lire les écriteaux qui expliquent la légende.
— Maman, est-ce qu’on va être suspendu dans le vide ? me questionne Ciara avec un air paniqué sur son joli visage.
— Non, ma chérie, réponds-je en souriant pour la rassurer.
— Les dessins montrent des gens tenus par les pieds pour faire un bisou au mur.
Je lui explique alors qu’il y a plusieurs siècles, effectivement, c’est comme cela que l’on procédait. Maintenant il y a des barreaux et un homme qui s’assure de la sécurité des plus téméraires. Une fois rassurée, elle rejoint son frère qui veut absolument essayer. Je m’approche des enfants, suivi de Lyam qui reste toujours en retrait même s’il semble plus détendu. Il échange avec les filles et Kieran, mais jamais avec moi. Est-ce que cela m’ennuie ? Oui. Est-ce que cela me perturbe ? Également. Je me retrouve dans un état de confusion, mais pour l’instant, je souhaite me préoccuper des enfants et de l’anniversaire des filles.
— Vous voyez l’homme qui est assis au bord des remparts ?
Les regards de notre petit groupe se braquent dans la direction indiquée, et tout le monde acquiesce. Je reporte mon attention sur Lyam, comme pour le convaincre de ce que je m’apprête à dire.
— Il est ici pour notre sécurité. Personne ne craint rien.
Je détourne mes yeux des siens si bleus qui me déstabilisent.
— On ne risque pas de tomber, d’accord ? Une fois allongé sur le dos, il vous maintiendra le temps que vous posiez vos lèvres sur la pierre. Alors, qui veut essayer ? demandé-je d’une voix enjouée.
Les quatre enfants lèvent la main, tout excités qu’ils sont. Hope observe son père qui vient de grogner. Tiens, ça me rappelle quelque chose.
— Papa, s’il te plaît…
Le papa guimauve est de retour face à ce regard façon Chat potté. Décidément, il ne peut rien lui refuser ! Il frotte ses cheveux et son visage avant de s’avouer vaincu.
— D’accord, souffle-t-il.
Kieran passe le premier, suivi par les jumelles. Lorsqu’arrive le moment pour Hope, Lyam plonge quasiment à ses côtés. Il maintient le petit corps de sa fille fermement contre le sol. Une fois le baiser fait, il la relève rapidement et la serre fort dans ses bras. Elle lui tapote le dos, comme pour le rassurer. Je m’installe à mon tour, attrape les barres de fer, dépose le bout de mes lèvres contre la surface froide de la muraille. J’amorce un mouvement pour me redresser. Mon pied glisse sur les pierres lissées par le temps, et je perds momentanément l’équilibre. Je n’ai pas le temps de comprendre ce qu’il se passe, que je me retrouve projetée dans les bras d’un homme. Je redresse la tête, le regard océan affolé de Lyam sonde mon visage, puis mon corps à la recherche d’une quelconque blessure, pour revenir à nouveau plonger ses iris dans les miennes. Nous ne pouvons nous lâcher des yeux, et je n’en ai pas du tout envie. Il affirme ses mains sur mes hanches et me rapproche de lui dans un geste incontrôlé. Ma peau se charge de chair de poule tandis qu’un frisson me gagne sous la chaleur de ses paumes. Sa bouche me tente, m’appelle. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Je ne peux plus nier cette attirance plus qu’indéniable entre nous. Ce que je perçois dans son attention est clairement du désir mêlée à de l’étonnement. Qu’est-ce qui nous prend ? Pourquoi lorsqu’il me regarde ainsi, j’ai envie de lui livrer mon corps, mon âme. Pourquoi ? Qui es-tu Lyam ?
L’homme chargé de la sécurité nous interrompt. J’hésite entre le soulagement et la frustration. La deuxième étant bien plus forte à cet instant. Cependant, je me reprends et intercepte l’air amusé des filles qui chuchotent et nous observent à coup d’œillades peu discrètes. Kieran semble plus pensif. Lyam, s'apercevant que nous sommes le théâtre de toutes les attentions, me lâche complètement, mon dos heurtant le mur des remparts. Je retiens une grimace de douleur, mais son rejet me blesse plus que le bleu qui risque de se former le long de ma colonne vertébrale.
Les deux heures de trajet retour ne m’auront jamais semblé si longues. J’ai laissé les filles pour leur soirée pyjama chez Sinéad – la grand-mère d’Hope insiste pour que je l’appelle par son prénom – et me voilà de retour chez moi. Kieran en a profité pour aller dormir chez un copain.
Une fois seule, j’ouvre le message de Ryan.
[Ryan : Ce n’est pas parce que nous ne sommes plus mariés, que tu as le droit de me raccrocher au nez. À peine divorcés, que tu sautes sur tout ce qui bouge, tu me déçois !]
De colère, j’efface le texto ainsi que les suivants que je ne prends pas la peine de lire, et envoie au loin mon téléphone. Comment peut-il me parler ainsi alors qu’il s’en donne à cœur joie de son côté ? Qu’il ne me prenne pas pour une idiote, sa grimace, le jour où il est venu ramener les enfants, ne trompe personne.
J’ai besoin de me vider la tête et décide d’aller prendre un bain bien mérité. L’eau chaude détend les muscles de mes épaules et de ma nuque crispés par le maelstrom d’émotions accumulé toute la journée. La vapeur s’évapore de la baignoire jusqu’à m’envelopper dans un état semi-comateux. Mes pensées se dirigent vers ce brun aux yeux bleus. Et s’il m’avait embrassée ? Cette question tourne sans cesse dans ma tête, et risque de me rendre folle. Je frôle mes lèvres et l’imagine prendre possession de ma bouche. Doucement au début, puis de façon de plus en plus pressante. Mes mains douces se métamorphosent, deviennent les siennes, que je devine rugueuses par le maniement des instruments à verres. Elles serpentent le long de mes côtes faisant frissonner ma peau brûlante. Une d’elle enrobe mon sein, le caressant, titillant sa pointe, pendant que la deuxième descend inexorablement entre mes jambes. Je sens sa langue qui sillonne le long de mon cou, mordille le lobe de mon oreille. J’halète de plus en plus, ma tête tourne alors que ses doigts jouent avec mon clitoris. Son souffle gronde au rythme de ses phalanges qui prennent possession de mon sexe. Je l’accompagne en ondulant le bassin. Cette chaleur dont j’ai besoin se diffuse dans mes reins, elle est là, prête à me consumer de l’intérieur. Ses gémissements rauques vibrant sur ma peau, toutes ses attentions me liquéfient. Puis, c’est l’explosion. Tout en moi éclate, se désagrège, alors qu’un cri s’échappe de ma bouche. Peu à peu, je sors de cet état illusoire. Je suis troublée en prenant conscience du fantasme qui émerge dans mon esprit, cependant, il faut avouer que je me sens bien plus détendue. Avec un sourire aux lèvres, je laisse mon corps plonger dans l’eau.
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