Le repas des chats
Silvio suit les chats, ils l’ont mené derrière les murailles. Il fait sombre dans la nuit tout juste éclairée par les étoiles et la lune arborant un sourire bienveillant. Ses yeux se sont habitués à l’obscurité, et les matous l’escortent, l’entourent de leur corps sous le commandement du gros roi roux.
C’est un vaste terrain vague encadré par les murs de briques rouges surmontés de créneaux en dent-de-scie. Silvio reconnaît l’endroit, quand bien même il n’est jamais parvenu à y entrer par ses propres moyens. La petite troupe atteint un monticule de terre recouvert d’herbe. Les chats grimpent la pente. Leur chef se tapit au sommet, les compagnons de Silvio se séparent et s’allongent de part et d’autre de leur maître, la tête dirigée vers l’autre bord. Le garçon les rejoint et s’installe dans l’espace qu’ils lui ont laissé au côté de leur roi.
Leurs regards s’orientent vers l’esplanade de brique et de ciment. À son centre, un grand homme brun se tient debout, habillé de vêtements curieux, trop serrés en haut et trop larges en bas. Il reste d’abord immobile, puis lève les bras et se met à tourner doucement sur lui-même. Des points brillants apparaissent dans la nuit, à quelques distances, comme des petits phares dessinant des faisceaux lumineux dans l’obscurité. Au fur et à mesure, un cercle s’allume autour de lui. Il s’arrête et, une par une, les lumières commencent à se déplacer. Elles se rapprochent en titubant légèrement.
Les compagnons de Silvio se lèvent, leurs yeux projettent eux aussi des traits lumineux . À petits pas, les animaux s’avancent. Silvio s’apprête à les rejoindre, mais une pression le retient. Le roi des chats lui a posé une patte sur le bras et l’observe, son regard encourage l’enfant à ne pas bouger.
— Mia, dit le matou.
Silvio ne parle pas la langue des animaux, mais il comprend que le félin lui demande de rester là. Il se rallonge et tous deux contemplent le spectacle qui se déroule sur l’esplanade.
L’homme est désormais entouré d’une myriade de matous des rues. Des gros, des petits, des jeunes, des vieux, des mamans et des chatons. Ils s’asseyent en cercle autour de lui, l’éclairant de l’éclat de leurs yeux. Il les contemple un instant puis lève les bras dans un geste lent, les mains ouvertes dirigées vers la Lune.
Dans le ciel, les étoiles se détachent du rideau noir de la nuit, se rapprochent lentement, grossissent au fur et à mesure de leur descente, et se transforment en une multitude de gamelles. Lorsqu’elles atterrissent, Silvio constate qu’elles sont pleines de nourriture. Les matous se précipitent pour savourer leur festin.
Le gros chat roux se retourne alors vers Silvio, un sourire étrange se dessine sur son visage et il entonne un bruyant ronronnement.
Silvio se réveille, affamé, une photo collée sur la joue. Il la retire, se frotte les yeux, examine l’image avec curiosité et y reconnaît immédiatement l’homme. Aucun doute possible, il s’agit du sorcier des chats, celui qui les nourrissait dans son rêve.
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