Défi
Ses camarades se sont déjà rassemblés sur le Campo de la Celestia. C’est un espace libre entre les habitations, un endroit où les gens peuvent marcher, s’arrêter pour bavarder ou se reposer au soleil. Celui de la Celestia offre une vaste étendue bordée de vieilles maisons dont les murs roses perdent leur crépi. Sur ses pavés gris, les gamins se poursuivent souvent dans de longues parties de chat.
Après de brefs conciliabules, deux capitaines se désignent, le premier, Alceo, un grand de onze ans qui traîne tout le temps dans la cité, choisit un copain de son âge parmi la troupe en ligne devant lui. Le second chef nomme Agostino comme premier équipier. Silvio reste en retrait, derrière les plus petits, non seulement il n’aime pas se mettre en avant, mais en plus, sa taille lui permet d’assister à la scène sans se tenir au premier rang.
Soudain, Livia, la sœur d’Alceo, neuf ans, s’interpose, accompagnée de l’ensemble des filles du quartier. Elles sont vêtues les unes de robes, les autres de shorts, mais toutes chaussées de baskets. Elles défient les garçons du regard, les mains sur les hanches.
— Nous aussi on veut jouer ! crie Livia.
— Quoi ? Mais les filles ne savent pas jouer au foot ! répond son grand frère, plein de mépris dans la voix.
— Qui a dit ça ? Certainement un garçon ! rétorque Livia en se tournant vers ses copines pour les entraîner avec elle.
— Tout le monde le sait, proteste Alceo…
— Tu dis ça parce que t’as peur qu’on soit plus fortes que vous !
— Ah ouais ?
— Ouais !
— ça reste à voir, persifle Alceo.
— Vas-y ! Propose ! le défie Livia.
Alceo se retourne vers ses camarades et les sonde du regard. Une grimace ironique déforme son visage, sa troupe l’encourage et lui montre son mépris pour les filles. Armés de certitudes, les petits machos n’imaginent pas un instant qu’elles soient de taille à lutter contre eux. Les yeux d’Alceo reviennent à sa sœur, les traits durcis à l’idée de se retrouver face à elle sur le terrain.
— Filles contre garçons ! Que les meilleurs gagnent !
— Vous êtes plus nombreux que nous, c’est pas du jeu, d’abord, rouspète Gina, en s’avançant aux côtés de Livia.
— D’accord ! On vous donne Silvio, consent Alceo, dédaigneux, en levant la main pour rameuter ses troupes.
— Tu choisis Silvio, parce que c’est le moins costaud de vous tous, proteste Livia.
— De quoi te plains-tu ? Le moins fort des gars est plus fort que la plus forte des filles, rétorque Alceo en s’approchant pour la dominer de toute sa taille.
— C’est ce que tu vas voir ! répond-elle en soutenant son regard, sans se départir de son courage.
— C’est tout vu, tu ne viendras pas pleurer quand vous aurez perdu !
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