Le réveil
Sam ouvre doucement les paupières. Elles sont aussi collées que lorsqu’il était enfant, quand sa mère lui racontait que Nounours et Pimprenelle jetaient du sable doré sur les enfants endormis.
Le professeur s’assoit doucement face au mur, la vision floue, il se frotte les yeux. Ses bras sont lourds. Tous ses muscles semblent se réveiller un par un, et lui procurent des courbatures désagréables. Son estomac est noué et se contracte par moment. Sam souffle de fatigue, puis se lève et s’étire de tout son long.
Des bruits de bâillements et de pas résonnent derrière lui. Soudain, Sam reprend ses esprits, et se souvient. Il se retourne vivement vers le reste du dortoir, et en a le souffle coupé.
Tous ses collègues se réveillent comme lui, les visages fatigués ils s’étirent et se lèvent.
Journal de bord du professeur Sam Gladen — Jour 221
Je n’y comprends rien ! Tous mes collègues sont réveillés alors que je ne leur ai injecté aucun vaccin. Est-ce qu’ils ont tous combattu le virus ? En même temps ? C’est improbable… Il va falloir que le docteur Giebers fasse des analyses plus poussées sur cette maladie.
Et puis ce réveil… C’était le pire de toute ma vie ! Je n’ai jamais eu autant de mal à me lever que ce matin. Quatre mois sans sommeil… ça se ressent finalement ! J’ai eu l’impression de sortir d’un cocon, de devoir me battre contre une carapace invisible pour me sortir de ce sommeil et de cet état brumeux. J’en ai même eu la nausée quelques minutes après.
Je ne sais pas si je préfère retrouver un rythme quotidien, ou dormir une nuit tous les quatre mois… si j’ai un réveil pareil à chaque fois, ça change la donne.
Toute l’équipe se remet lentement en route. Après une réunion pendant laquelle Sam leur explique les derniers jours passés, chacun y va de sa propre hypothèse. Le docteur Giebers fait tourner court les discussions animées en proposant de faire lui-même des tests. Sam envoie un message à la NASA, les avertissant du changement de situation. De son côté, il n’a reçu aucune communication de leur part quant au vaccin dont ils avaient parlé. Peut-être attendent-ils justement qu’il soit réveillé.
Journal de bord du docteur en biologie Sara Trelor — Jour 221
Mon sommeil fut tel une nuit sans Lune. Un état d’inconscience que je n’avais jamais vécu. Mars nous a reçus sur son sol, et sa puissance nous a montré à quel point notre vie est frêle et fragile. Ce virus, je n’y crois pas. Il y a quelque chose d’autre qui nous a maintenus dans ce sommeil paraissant éternel. Je n’arrive pas à mettre les bons mots sur mes sensations, peut-être ne suis-je pas encore totalement réveillée et au maximum de mes capacités cérébrales. J’essaye de passer outre, de ne pas penser à ce qu’il nous est arrivé. Mais j’ai besoin de réponses. J’espère que Giebers saura nous en donner. J’en ai besoin autant que j’en ai peur. Et si ce que nous avions vécu n’était autre qu’une facette de Mars dont nous ignorions l’existence. Incapable à déceler depuis la Terre ? Après tout, nous sommes les premiers colons… Nous allons endurer les forces inconnues de cette terre et heureusement nous avons franchi, de justesse, la première épreuve…
N’ayant pas pu m’occuper de la serre pendant plusieurs jours, certaines plantes sont dans un état catastrophique. Mais d’autres se portent étrangement bien. Je ne comprends pas, leur taux d’humidité est extrêmement élevé, c’est d’ailleurs à cause de ça que certaines ont dépéri… Pourtant Sam m’a affirmé plusieurs fois qu’il n’était pas allé dans la serre. D’où vient toute cette eau alors ? La NASA aurait-elle créé un système d’autosurvie dans la serre ? Pourquoi ne m’auraient-ils pas mise au courant ?
La vie reprend son cours, le dôme devient de plus en plus confortable. Les plantes retrouvent petit à petit une vivacité qu’elles auraient sur Terre. Et chaque membre de l’équipe travaille à son poste. Mais pendant les repas, lorsque les conversations tournent autour du virus et du docteur Giebers qui ne parvient pas à trouver quoi que ce soit, les voix haussent le ton. Et le silence de la NASA n’aide pas à adoucir les esprits. Sam en a pris l’habitude, que ses responsables hiérarchiques n’envoient que de brefs messages seulement quand ils ont quelque chose à dire. Ils ne sont pas du genre à se vouloir rassurants.
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