10 (partie 2)
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Léo
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Lorsque mon matelas s'abaisse d'un coup, étrangement, je sors brutalement de mes songes brumeux, et rouvre les yeux. Je ne sais pas si j'ai dormi, et si c'est le cas, combien de temps je me suis assoupi, mais une chose est sûre : pressée contre moi, sur le dos, Mia vient d'investir mon minuscule lit une place. Mis à mal par le peu de place qu'il me reste, je tente néanmoins de me retourner face à elle, sans réel succès, et sens ses cheveux goutter dans mon cou.
- Mia, tu es trempée, je gronde en tentant de la pousser à coup de fesses.
- Je viens te faire profiter de la fraîcheur de la douche que je viens de prendre.
- Dégage, j'en veux pas de ta fraîcheur.
Elle pouffe, et se tourne face à moi, tandis que de mon côté j'arrive également à faire un tour sur moi-même pour me retrouver face à elle.
- Tu es moche les cheveux mouillés. On dirait... un petit chien dégueu, tu sais les tout petits ?
- Je ne sais pas de quel petit chien dégueu tu parles, mais ce n'est pas très gentil pour moi.
Je déloge une mèche de ses cheveux qui lui tombe sur le visage, et la laisse caler sa tête contre la mienne, front contre front.
Je sais que notre relation a toujours attisée les interrogations des gens autour de nous : la question du « Sont-ils en couple ? » revenant sans cesse sur le tapis. Et à chaque fois que cette question nous était posée, à Mia ou moi, nous ne répondions pas, rallumant les braises de leurs questionnements.
C'était marrant de les voir nous observer en se posant tout un tas de question sur notre hypothétique couple fictif. La vérité, c'est que dans les années collège, j'aurai aimé sortir avec elle. Être son ''petit-ami'', et ainsi être persuadé qu'elle ne me laisserait jamais. Puis, j'ai compris que ce n'était pas une solution, et qu'en étant en couple avec elle, je risquais de la perdre pour de bon. Alors, je me suis résigné à entretenir avec elle une relation aussi fusionnelle que celle qu'ont les couples, mais sans tous les problèmes qui en découlent. Aujourd'hui encore, notre proximité me rassure, bien que je n'en dise rien.
- Je suis désolé.
- Je suis désolée.
Nous échangeons un regard, amusés d'avoir prononcé cette phrase exactement au même moment, si bien qu'un petit rire nous échappe.
- Chips, chuchote t-elle en souriant.
- Double chips.
Nouveau rire. D'une main je touche son épaule, de la sienne, elle touche mon visage. Le contact est là, je ne rêve pas, et elle non plus.
- J'ai vraiment eu peur, dans la simulation, me confie t-elle en baissant les yeux. Ce n'était pas contre toi, c'est juste que ça me rappelait...
- ... ton père ? je complète.
Elle hoche la tête et ses yeux se voilent d'une ombre de regret.
- Je ne voulais pas te faire du mal en te disant de partir, je te le promets. J'avais juste peur et...
- Je m'en doute. Mais, je pense que d'un côté comme de l'autre, cette simulation nous a échappée. Et puis, il ne faut pas oublier que, en plus de cette saloperie de simulation, on a quand même subit pas mal de chocs émotionnels depuis dix jours là, non ?
- Tout à fait d'accord.
Je me redresse un minimum, et dépose un baiser sur son front, avant de retourner me blottir contre elle.
Mia, c'est un peu la sœur que je n'ai jamais eue. Certes, chez moi, j'en ai deux, de sœurs. Cependant, aucune d'elles ne s'est jamais occupée de moi. En fait, en règle générale, dans ma famille, je n'existe pas. Se sont-ils seulement rendu compte que je ne rentrerais plus jamais ? Même pas sûr.
Je me rappelle que quand j'étais petit, les meilleurs moments que je passais, étaient chez Mia, où sa mère me couvrait de tout l'amour que je n'avais pas chez moi. Parfois, lorsque je dormais chez eux, les parents de Mia me laissaient m'asseoir entre eux sur le canapé pour regarder un film, et parfois même, ils me serraient contre eux lorsque des scènes me faisaient peur. Et Mia, à côté de nous, n'était pas jalouse : elle était juste heureuse, de me voir sourire face à l'affection que pouvaient me porter ses parents. Et même lorsque Lou est arrivé, ils n'ont jamais eu les même liens avec lui qu'avec moi. Sûrement parce que Lou avait une famille, chez lui, et une famille qui l'aimait. Pas comme moi. Je n'ai jamais osé inviter Mia et Lou chez moi, de peur qu'ils m'assimilent à mes parents, et à la caravane miteuse dans laquelle je vivais. Je ne voulais pas qu'ils perdent l'image de moi qu'ils portaient en eux, celle du garçon sûr de lui et fier de qui il était. Qu'ils ne la remplace pas par celle d'un gamin mal-aimé et pauvre, vivant dans un camping mal fréquenté dans une caravane insalubre. Mia savait bien sûr, où je vivais, et qui étaient mes parents. Cependant, elle n'a jamais fait aucun commentaire, se contentant de me couvrir de toute l'affection dont elle était capable.
- Je t'aime mon chat, tu le sais ça ?
Je sens mon cœur se serrer, mais je hoche tout de même la tête.
Malgré toutes ces années passées à ses côtés, je n'arrive toujours pas à m'exprimer correctement. Ou plus précisément, je n'arrive toujours pas à exprimer mes sentiments. Bien sûr que je l'aime, elle aussi, mais comment lui dire ? Elle sait que je l'adore, et qu'elle est la chose la plus précieuse que j'ai au monde, bien que je ne lui ai jamais dis.
- Tu crois qu'on va survivre ici ? J'ai l'impression que la situation nous échappe.
- J'en sais rien, je marmonne. Qu'importe ce qui arrivera, tu sais ce qui se passera ?
- Moui, on gagnera toujours, malgré tous les obstacles. Parce qu'on est Léo et Mia, contre le monde entier.
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