22 (partie 1)

7 minutes de lecture

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Elio

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C'est étonnant comme un simple échange, un simple geste, peut nous faire passer d'ombre à ressuscité. Depuis que j'ai parlé à Mia, puis à Lou, de tout ce qu'il m'était arrivé, je ne me sens plus le même. Certes, ce n'est pas vraiment flagrant aux premiers abords, mais je sens en moi une assurance nouvelle, une envie de relever les défis que la vie mettra en travers de ma route, là où il y a quelques semaines, j'avais simplement envie de me laisser mourir. Et j'imagine, que tout cela je le dois à Mia, Lou et Léo. En définitive, j'ai vraiment eu raison ce jour-là, de ne pas rebrousser chemin sur la route de Liberty. Car à l'heure actuelle, je serais peut-être vivant physiquement, chez moi, mais intérieurement, je serais définitivement mort. Seul, au fond de mon immense maison, avec la culpabilité de savoir ma mère dans le coma, et avec la peur de voir revenir mon père. Alors que maintenant, ici à Reborn, je me sentirais presque d'aller régler mes comptes seul face à mon père. Sans l'aide de Lou ou de Mia, seulement lui et moi, et notre passif commun. Bien sûr, ce ne sont que des idées, des rêves que j'imagine devenir réalité au fil des heures qui passent, mais entre le rêve et la réalité, il y a encore quelques pas.

J'inspire à pleins poumons, et recrache un panache de fumée que je regarde s'élever dans le ciel noir. Elle virevolte, forme des images abstraites que je ne cherche pas à interpréter, puis s'estompe. C'est assez grisant.

Ma gorge me brûle. Je ne sais pas si c'est l'effet du tabac, de l'herbe, ou des deux réunis dans le joint que je porte à nouveau à mes lèvres.

  • Mec fais pas ton chien, passe.

Du coin de l’œil, je souligne les yeux presque suppliants de Léo, qui la main tendue dans ma direction, attends que je lui passe le bien tant convoité.

Je n'ai jamais fumé de ma vie, c'est la première fois ce soir. Et je dois dire qu'une fois passé la première quinte de toux, la sensation est plutôt agréable.

Aujourd'hui, les Reborn arrivant dans leur dernier mois de formation, sont allés en mission. Et, ils n'en sont pas revenus les mains vides. Quentin par exemple, a passé les portes de l'école, avec de quoi fumer, bien caché sous son sweat. Et contre toute attente, il n'a pas hésité à laisser Léo se rouler un joint, dès qu’il eut avisé le matériel que les garçons exhibaient fièrement en salle commune. Je suis resté perplexe face au manque de réaction du côté du surveillant, qui laissait les garçons faire sans rien dire. Puis, je me suis rappelé, qu'il évitait, depuis le début, de faire des vagues inutiles. Alors, qu'est ce qu'un pauvre joint pouvait bien faire ?

Si seulement on avait su.

Les doigts de Léo frôlent les miens lorsque je lui passe le cône à l'extrémité fumante, et le vois pencher la tête en arrière, inspirer à plein poumons, et expirer quelques secondes plus tard.

  • Les gars, arrêtez. On ne sait pas quels effets cette merde à sur nous...
  • Décoince-toi un peu Timmy, tu veux une taffe ?

Tim secoue la tête, et repousse la main que Léo approche de ses lèvres, la cigarette entre les doigts.

  • Mia et Lou ne vont pas être contents que je vous ai laissé faire ça...
  • ... on leur dira pas, sourit Léo en inspirant à nouveau.

Son regard commence à s'embrumer, ce qui n'est pas très bon signe. Peut-être que le fait qu'il en soit à son troisième pétard rend également la situation plus critique. Pour le moment, moi, je n'en ai fumé qu'un seul, en sachant que j'ai crapoté, la plupart du temps.

  • Non mais je rêve.

Je tourne la tête, alerté par le ton cinglant, et croise les deux immenses yeux bleus de Lou, nous fixant avec colère. Ses sourcils sont arqués, et à la vue de Léo s'apprêtant à tirer une nouvelle bouffée, il bondit en avant et lui subtilise l'objet des méfaits d'entre les mains.

  • D'où tu sors ça ? marmonne t-il.
  • De mon cul, s'esclaffe le concerné en basculant vers l'arrière, manquant tomber de la barrière sur laquelle il est assis depuis tout à l'heure.

Lou, fulminant, se tourne alors vers moi et me désigne d'un signe de tête accusateur.

  • Qui vous a donné ça ? Tu as fumé Elio ? Et lui, il en est à combien ?

Il grogne, repousse la main que Léo tend dans sa direction pour reprendre son bien, et insiste en secouant la tête dans ma direction.

  • Quentin. Oui. Et trois.
  • ... trois ?

Il fait un quart de tour, avise son ami en train de fixer le ciel étoilé avec de grands yeux, et soupire, fatigué.

  • Tim, tu veux bien aller chercher Mia ?
  • Oui, j'y vais. Pardon Lou, je te jure que j'ai essayé de les en dissuader.

Lou balaye son excuse d'une main ferme, et fait un pas en avant pour attraper le col de Léo et le tirer en avant.

  • Tu ne te rappelle pas dans quel état te met cette merde ? Léo, regarde-moi quand je te parle !

Notre ami blond, le visage désormais blanc, cherche mon regard en agitant la tête en tous sens, les lèvres sèches.

  • Mia va pas être contente..., ricane t-il en se dégageant de l'emprise de Lou.
  • Moi non plus je ne suis pas content ! Putain Léo, imagine que les surveillants te voient comme ça !
  • Ils s'en fichent. L'un d'eux nous a vu en train de les rouler en salle commune.
  • Génial, marmonne Lou, oui génial ! Et les militaires qui nous surveillent la nuit, ils vont en penser quoi hum ?

Léo est enfin descendu de sa barrière, et a passé ses bras autour de la taille de Lou, pour venir poser sa tête contre la sienne. Il tremble, assez pour que je commence à me demander ce qui m'est passé par la tête pour le laisser fumer autant, lorsque du hall de l'internat, émerge une véritable furie, la chevelure en pétard.

Mia, suivie par Alexia et Tim, nous rejoint d'un pas furibond avant de me forcer à descendre de ma barrière, et de me plaquer contre cette dernière d'un geste brusque.

  • Combien ? articule t-elle, les dents serrées.
  • Un.
  • Et lui ?
  • Trois, répond Lou en tentant d'échapper à la prise du meilleur ami de Mia.

Elle soupire, laisse un grondement sourd remonter le long de sa gorge, et se penche vers moi, les yeux sombres comme rarement je les lui ai vus.

  • Tout le monde en haut. Dans la chambre. Exécution.

D'une main, elle me tire en avant, attrape Léo par l'oreille, et nous tire tous deux à sa suite.

Je ne sais pas trop si je dois me dégager, ou rester bien sagement ainsi, laissant Mia me conduire d'une main de fer. À vrai dire, son expression ne m'inspire vraiment rien de bon, et j'ai peur qu'elle me frappe si j'ose émettre le moindre commentaire.

Lou, Tim et Alexia nous suivent de près, et échangent entre eux, tout bas, sans doute sur le mauvais caractère que Mia nous révèle enfin ce soir, au bout de trois mois de vie commune.

La porte de la chambre s'ouvre, et dans une impulsion, nous sommes tous deux – Léo et moi – poussés à l'intérieur dans un râle colérique de Mia. Je l'entends s'excuser auprès de Tim et Alexia, et refermer la porte dans un claquement, pour ensuite se tourner face à nous, les bras croisés sur la poitrine.

  • Qui vous a fourni cette merde ?
  • Quentin.

Je ne réfléchis même pas au fait de peser le pour et le contre, de donner ainsi le nom de notre ''fournisseur'', bien trop effrayé par le rictus sévère de ma petite amie.

  • Il l'a ramené de mission, je me trompe ?

Question rhétorique, qui n'admet donc aucune réponse. Elle fait un pas en avant, m'intimant de m'asseoir sur mon lit, et darde son regard sur Léo, lequel est de nouveau en train d'étouffer Lou dans une étreinte à l'affection douteuse.

  • Lâche-le !
  • Laisse-moi tranquille, Mia !
  • Tu es en train de l'étrangler !
  • Non, c'est de la putain d'affection !
  • Et depuis quand es-tu un être affectueux ?

Je pouffe, en couvrant ma bouche de ma main, ne désirant pas attirer les foudres de Mia. Mes yeux se détournent lorsqu'enfin, Lou parvient à se libérer et à fuir à l'autre bout de la chambre.

  • On a simulation demain ! Imaginez que les effets ne soient pas retombés !
  • Ils le seront, assure Léo avec un sourire en allant s'étendre sur son lit.
  • Ah bon ? Et tu la sors d'où cette certitude ? De ton cul c'est ça ?

Il éclate de rire, et bien malgré moi je le suis dans son hystérie, bientôt rejoint par Lou, qui nerveusement se mêle à notre fou rire communicatif.

  • Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle ? s'époumone Mia.
  • Si. Toi.

Lorsque la chaussure heurte la joue de Léo, je sursaute, mais repars presque aussitôt dans mon fou rire, plus rien ne semblant pouvoir me stopper. Léo, encore plus hilare, a ramassé la chaussure que Mia vient de lui jeter, et la serre contre lui à la façon d'un doudou d'enfant.

  • ''Notre vie est un cauchemar, laisse-nous fumer pour rêver'', déclare Léo avec assurance.

La soirée risque d'être très longue.

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