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Léo

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Mon index et mon pouce remis en place pour la dixième fois d'affilée, je tente d'écarter ma paupière inférieure et ma paupière supérieure, afin de pouvoir placer sur mon œil la lentille de couleur que je suis ‘’encouragé'' à porter. Autant dire forcé, lorsqu'on comprends un

minimum les sous-entendus de Andres.

Mes yeux sont plutôt grands, et de ce fait les lentilles le sontégalement. Pour moi qui n'en ai jamais mis, me voilà vernis ! De ma main libre, je sors de liquide à lentille l'objet de tous mes maux, avant de l'approcher de mon œil, et d'à nouveau, me louper.

— Tu fais peine à voir, ricane Lou dans mon dos.

— Franchement, j'aimerais bien t'y voir.

Nous sommes arrivés il y a une heure environ, et avons directement rejoins notre hôtel afin de pouvoir nous préparer. Mia et moi devant obligatoirement passer par l'étape ''teinture et lentilles'' avant de partir pour la salle de réception du gala où nous attend la Royal Family, les autres groupes de l'intervention en ont profité pour refaire un point sur les différentes phases du plan.

Lou s'est joint au groupe qui s'occupera du système de sécurité, bien que d'après lui, sa présence soit aussi utile que pourrait l'être celle d'un ''borgne portant de moufles''. Autant dire que je l'ai repris après cette affirmation dénigrante envers lui-même, pour lui faire passer l'envie d'à nouveau parler en mal de lui de la sorte.

Bien sûr que ce sera plus dur pour lui que pour le reste du groupe, mais de là à dire qu'il sera ''incapable'' et ''boulet'', je ne suis pas d'accord.

— Tu as besoin d'aide ?

— C'est pas contre toi mon loup, mais je préfère éviter que tu me crève un œil.

— Sympa.

— Je dis ça car moi-même je viens de me foutre un coup d'ongle dans l’œil. Ne soit pas si

susceptible.

Il gronde, et se lève du matelas pour se rapprocher de moi et m'observer faire par l'intermédiaire du reflet dans le miroir face à moi. Son œil suit mes moindres gestes, tandis qu'une exclamation de joie m'échappe : la lentille gauche est en place. Elle donne à mon œil une couleur olive foncée. Il fallait s'y attendre, mes yeux étant déjà noirs à la base, n'importe quelle lentille posée sur mon iris resterait tout de même sombre. J'étais déjà dubitatif à la vue de mes cheveux châtains, mais alors ça... heureusement que ce n'est pas définitif.

— Tu es quand même plus canon en blond, assène Lou en passant ses doigts dans mes mèches.

— C'est clair. Là franchement, je ressemble pas à grand-chose.

Il rit à nouveau, et un instant il me semble que sa rancœur envers moi a disparue. Que la hantise dans ses yeux depuis mon coup d'éclat contre Elio l'autre jour, s'est dissipée.

— Tu m'en veux encore... ? je murmure en me tournant vers lui.

— Plus tellement.

Sa réponse est beaucoup trop évasive. Elle ne me suffit pas, mais qui suis-je pour lui demander une argumentation plus détaillée alors que c'est moi qui est en faute ? Il ferme les yeux, soupire en secouant la tête, avant de se mordre douloureusement la lèvre inférieure.

— Quand je t'ai dis de me frapper, comme tu l'avais fais pour Elio, il y a eu une hésitation dans ton regard.

… quoi ?

— Non. Non, jamais de la vie j'aurais pu penser à...

— … à me frapper ? À me rouer de coups comme tu étais en train de le faire avec Elio ? J'ai

eu peur ce jour-là, Léo. Que tu t'accroches tellement à ton rôle de ‘'protecteur'' inébranlable, que tu dépasse la limite avec moi. Que pour tout ce que tu ressens lorsqu'on touche à Mia, tu t'en prennes à moi.

Il se passe une main sur la nuque, tourne la tête pour tenter d'échapper à mon regard insistant braqué sur son visage. Ses doigts tremblent, ses lèvres aussi. Et moi je suis là, à ne rien savoir dire, à ne rien savoir faire pour atténuer ça. Car sa question, celle qui va suivre, je la connais mille fois. La même qui était posé innocemment en primaire, plus franchement au collège, et qui aujourd'hui va à nouveau me secouer, car je n'ai jamais su y répondre.

— Je ne te poserais pas la question à laquelle tu t'attends, Léo. Tout simplement parce qu'avec notre situation actuelle, ce choix tu pourrais être amené à le faire un jour. C'est pourquoi je préfère ne pas savoir, et imaginer que si ma vie et celle de Mia sont en danger... tu me choisiras.

Il détourne le regard, ravale un sanglot qui remontait dangereusement le long de sa gorge, et je me presse d'attraper ses mains pour les serrer au creux es miennes.

— Bien sûr que c'est toi que je choisirai. Lou, je suis amoureux de toi.

— Tu as aussi été amoureux de Mia, longtemps. Cet argument n’est pas super rassurant en fait.

Avec douceur, je le rapproche de moi, pour l'étreindre, mes bras passés autour de sa taille. Il frissonne encore, et vraiment, je ne lui en veux pas de s'interroger de la sorte.

En tant que Reborn, nous sommes amenés à pouvoir mourir et faire des choix difficiles tous les jours. Et l'autre jour, alors même que je frappais Elio pour protéger Mia, il a dû avoir peur de moi. Vraiment peur. Ce qui de file en aiguille aujourd'hui, le fait douter de ce que je pourrais faire ou non pour lui en cas de besoin urgent et vital. Sauf que ce qu'il ne semble pas comprendre, c'est que l'autre jour, j'aurais pu frapper n'importe qui tant la colère m'étreignait. À vrai dire, je ne suis même pas sûre de vraiment m'être emporté car Elio avait donné un coup à Mia. Avvec du recul, il me semble m'être énervé pour tout un tas d'autre chose, un trop plein, qui a explosé à la figure de Elio, qui était à ce moment-là, le bon défouloir.

J'aurai pu m'en prendre à n'importe qui d'autre. Mais pas à Mia et lui, jamais. Ce qu'il a vu dans mon regard, cette hésitation dont il parle, ne lui était pas destinée. Elle m'était destiné à moi-même, sur mon hésitation à les écouter, à me calmer, alors qu'aujourd'hui encore cette fichue colère me secoue toujours. Que je n'en peux plus de vivre avec.

— Tu ne me dis pas tout, murmure Lou contre mon oreille.

— J'aimerais pouvoir, je te le jure. Mais j'arrive pas à mettre des mots. J'arrive pas à exprimer« ce truc en moi qui... qui me fait faire de la merde. Juste, l'autre jour, j'étais en colère, mais pas contre vous. Contre mes parents et mes sœurs, contre les enculés qui t'ont privé de quatre-vingts pour« cent de ta vue, de Nodem et... t...

Je ne m'aperçois que tard, que de grosses larmes ont débordés de mes yeux. Cependant, je n'y prête pas une attention particulière, et me raccroche à Lou.

— Je t'aurais jamais frappé Lou, tu entends ça. Je suis amoureux de toi, vraiment et... et...

— Léo, tout va bien. Je ne t'en veux plus. Calme-toi allez.

Du bras, je m'essuie les yeux, avant de le repasser dans le dos de monpetit ami pour encore plus l'approcher de moi, sentir sa présence. Celle dont j'ai tellement besoin, ce pilier qui me maintient en équilibre au-dessus de l'eau. Si Lou s'écroule, ou qu'il me laisse tomber, je tomberais à mon tour dans les eaux noires qui tentent de me submerger depuis tant de temps.

— Je t'aime.

— Moi aussi, je t'aime, je réponds en m'emparant de ses lèvres.

Il redresse le menton pour tenter de palier à notre différence de taille, mais avant qu'il n'ai pu réagir, mes mains attrapent ses cuisses et le soulèvent pour l'aide à venir enrouler ses jambes autour de ma taille.

— On a pas le temps, tente t-il d'argumenter, une lueur d'envie brillant déjà au fond de ses yeux. Les autres vont nous attendre.

— On a toujours le temps. Et si les gens posent des questions, on est d'accord : j'ai pas réussi à mettre mes lentilles.

Il hoche la tête, tandis que je m'écroule dans le lit, l'emportantavec moi, pour pouvoir le persuader par les gestes, si les mots ne sont pas suffisants, que je teins à lui plus qu'à n'importe qui ou n'importe quoi.

Il rigole lorsque ses doigts passent dans mes cheveux, et je l'interroge du regard.

— Non, je me disais juste que j'avais l'impression de coucher avec quelqu'un d'autre, à cause de tes cheveux...

Je secoue la tête, dépité, et retire son tee-shirt.

Plus jamais je n'aimerais avoir à lui prouver que si un jour on me demande de faire le choix, évidemment que ce sera lui que je sauverai.

Et sans aucune hésitation.

Lorsque le bus chargé de nous déposer à la salle de réception s'arrêter pour se ranger sur le bas côté, je commence légèrement à ressentir comme une sorte de picotement dans ma poitrine. L'adrénaline, le retour. Celle-là même qui m'embrasait avant chacune de mes participations aux Jeux. Celle qui me garantie d'être un maximum sur le terrain, présent en corps et en esprit.

Bien sûr, le bus ne nous dépose pas devant la salle même, mais plutôt à quelques rues, loin des regards indiscrets. La capitaine de la Royale Family est censé se trouver ici, à notre point de rendez-vous préalablement fixé par Gloria. Les ''attaquants'' eux, devront se rendre au milieu de la foule afin de pouvoir agir sur le terrain, dés le signal lancé. Enfin, l'équipe chargée des systèmes de sécurité, agira autour du bâtiment, et n'entrera à l'intérieur qu'en cas de complications de connexion au réseau de sécurité.

— Pas trop stressé ? Ça fait combien de temps qu'on est pas remontés sur scène ?

— Depuis notre dernier concours en... octobre 2017. Un mois avant l'attentat.

Mia m'accorde un sourire, tout en descendant du bus, pour se retrouver dans l'air glaçant de ce mois de mars terriblement froid.

L'Allemagne, n'a définitivement pas le même climat que l'Espagne.

Notre concours en octobre, n'était pas très important, une simple exhibition renommé ''concours'' pour y attirer les jeunes danseurs de la région, alors qu'en réalité, il s'agissait plutôt d'un spectacle. Nous avions exécutés, avec Lou et Mia, une chorégraphie de très bon niveau face aux autres candidats, et étions repartis vainqueurs. Une belle victoire, que nous n'aurons malheureusement pas tellement eu le temps de savourer.

Une fois tous descendus, le bus s'éloigne après que le chauffeur ne nous ai salué d'un petit signe de tête. Il ne reviendra pas nous chercher après la mission, pour la bonne raison que Andres et ses acolytes, ont décidés de louer plusieurs voitures dispersées ci et là de la salle, afin de permettre une évasion plus rapide, plus discrète, et surtout à intervalles irréguliers si besoin est. C'est à dire que si le groupe chargé de la sécurité rencontre des problèmes, alors que les eux autres sont hors de danger, il leur sera possible de s'enfuir, tout en sachant que les autres pourront faire de même avec d'autres voitures.

Un plan d'évasion bien huilé, ajouté à notre prise de connaissance des différentes issues de la salle, ainsi que la vue d'ensemble des systèmes d'aération qui pourraient nous permettre de nous enfuir si la situation est réellement critique.

— Rêve pas beau brun, on a du boulot.

Mia me donne un coup derrière la tête tout en me désignant du menton, une jeune femme en pleine discussion avec Gloria. Elle est plutôt grande, et sa peau brune renvoie un contraste saisissant avec ses cheveux décolorés et ses yeux clairs.

J'emboîte le pas à Mia, tout en gardant un œil sur Lou derrière moi, pour finalement saluer notre capitaine pour la soirée, d'un signe de tête solennel.

— Alors voilà mes deux recrus pour ce soir ? Mia et... Léo je crois.

— C'est ça. Et toi tu es ?

— Sana. Enchantée.

Elle tend la main à Mia, puis à moi, avant de se retourner versGloria, tout sourire.

— Donc, si j'ai bien compris, l'attaque aura lieux au moment de notre seconde chanson après la pause ? Pas trop tôt, pas trop tard, c'est judicieux. Et les seuls à se prendre des balles seront...

— Le seul qui se fera toucher sera Léo, afin d'accentuer le réalisme. Il cicatrisera vite.

Je souris jaune à l'entente de cette petite précision. Je savais que les attaquants tireraient sur l'équipe, mais pas sur moi en particulier. Mais soit, j'ai déjà vu pire.

— Et après ça, évacuation. C'est plutôt simple.

— En sachant que des imprévus ne sont pas à exclure, précise Gloria.

— Je saurai m'adapter. Aller vous deux, on y va. On doit passer au maquillage.

Elle nous attrape les poignets, mais Gloria la retient, sourcils froncés.

— Et les bornes de détection... ?

— Je ne crois pas en avoir vu. Toutes les salles n'en sont pas encore équipées vous savez ?

— Je vais quand même demander l'équipe chargée de la sécurité de vérifier tout ça.

Sana hoche la tête, et j'ai juste le temps de déposer un baiser sur la joue de Lou avant qu'elle ne nous entraîne à sa suite dans un dédale de rues peu éclairées, jusqu'à la salle de gala.

Nous passons par l'entrée de service, et filons directement aux vestiaires où nous faisons bientôt la rencontre du restant de l'équipe : au moins une trentaine de personnes. Celui qui tirera dans le tas, n'a plutôt pas intérêt de se louper.

En quelques dizaines de minute, nous passons rapidement à la coiffure et au maquillage, avant d'enfiler nos premiers costumes, intégralement noirs.

— La danse d'entrée est une danse néon, je ne sais pas si vous l'avez remarqué sur la vidéo.

— Avec lumière noire ? je suppose en appliquant la bombe fluorescente sur mes cheveux.

— Touché. Ce que tu es en train d'appliquer sur tes mèches ne se remarquera pas à la lumière blanche. Par contre, une fois que nous serons sous la lumière noire, ils paraîtront blanc pour le public.

J'acquiesce, tout en laissant mon regard traîner sur la feuille de passage, au mur.

Quatre chansons en première partie. Puis la pause, et à nouveau quatre. En sachant que la seconde partie ne durera pas aussi longtemps que prévu.

— Tss, tout ça pour attraper Erfinder, je grommelle. On aurait simplement pu aller le chercher chez lui, lui casser la gueule et le faire parler.

— C'est le seul qui pourra nous renseigner sur le X... et peut-être guérir Lou.

Elle se passe une main dans les cheveux, tout en papillonnant des yeux, la mine basse. Mon regard repartent sur la liste, et je note les différents titres, ainsi que leur chorégraphies associées, que nous avons visionnées encore et encore lors de notre voyage en avions.

La chorégraphie d'entrée se fait sur Russian roulette de Tungewaag & Reaban & Charlie Who ? . Un très beau pied de nez à notre situation de ce soir. Une victoire ou un échec, qui va se jouer au hasard ou plutôt, à la chance. La chanson de l'attaque elle, se nomme Jungle Bae de Skrillex et Diplo. Sur cette danse, nos costumes sont à imprimés militaires, et je n'arrive pas à décider si je dois être amusé ou totalement furieux face à cette coïncidence qui me hérisse.

— Sans rire. Et pourquoi pas des pancartes fluorescentes notifiés ''REBORN'' ?

Mia me sourit, à travers le miroir face à moi, et j'inspire à peins poumons : si ça se trouve, nos puces de détection ont déjà alertés les autorités de notre présence. Elle ne semble pas tellement s'en soucier, un pinceau à lèvre entre les mains.

— Tu penses qu'on va réussir ?

— … j'imagine, répond-t-elle dans un murmure.

— Tu es pas convaincue.

— Non. Je trouve que ce plan n'a pas té assez réfléchi.

Je hausse les sourcils en m'humidifiant les lèvres. Elle a sûrement raison.

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