52 (partie 2)
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Mia
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Le top est lancé. Je finis de me détendre les chevilles avant de rerentrer sur scène en sautant presque, pour à nouveau me retrouver face au public très satisfait par notre prestation. Le plan dit, que nous aurons vingt secondes de danse, avant que tout ne démarre vraiment.
En rentrant sur scène, je croise le regard de Léo derrière son masque en lycra. Pour cette chorégraphie, nous sommes tous habillés en pantalon noir ou short noir, et haut militaire. Avec en plus de ça, de très jolis masque sur le visage, à la façon de ceux que portent les super-héros.
— On y va, me murmure la voix de Elio dans mon oreillette.
Et d'un coup, la lumière, le son, tout se coupe. La salle se retrouve plongée dans une obscurité et un silence qui ne dure pas, car en un clin d’œil, la foule se met à hurler. D'abord de surprise, puis de terreur lorsque les différentes portes s'ouvrent pour laisser passer nos hommes. Armes aux poings braquant la foule, j'entends soudainement la voix de Juan s'élever par-dessus les cris.
— Tout le monde à terre ! s'exclame t-il avec véhémence.
De là où je me trouve, je ne vois plus rien de la salle. Cependant, j'arrive à percevoir les cris de frayeur, les tirs de balle tirées en l'air pour crédibiliser l'attaque.
Bien vite, les lumières vertes des générateurs de secours donnent à la salle un aspect monstrueux. La foule étendue au sol, allongé, les mains sur les têtes. Les armes braquées sur eux, et surtout, les différents profils que je reconnais malgré les cagoules.
— Les danseurs, vous êtes sourds ? A TERRE !
La lumière verte permet de rendre le discernement des corps et des visages possibles. C'est pourqoi, la balle que tire Andres, touche bien Léo, et pas quelque d'autre.
Mon meilleur ami s'écroule, et je hurle, tout en accourant vers lui pour feindre l'horreur.
Le plan disait, qu'il fallait que je sois la plus crédible possible.
Que j'accours vers lui en hurlant face au tir dont il venait d'être la cible. Sauf qu'alors que je me rapproche de lui, et que je constate la blessure, je déchante. Il s'est prit la balle dans le torse, et elle n'est pas ressortie.Mon cœur se glace, et je me hâte de saisir Léo par sous les aisselles pour le traîner dans les coulisses.
Les tireurs me laissent partir tout en feignant de me tirer dessus pour conserver le mensonge. Une fois dans les coulisses, je referme la porte, et accours vers mon sac pour saisir mon portable et allumer le flash. L'électricité est coupée de partout, et la seule lumière des générateurs de secours ne suffira pas a évaluer clairement les dégâts.
— Putain les cons, ils ont pas tiré au bon endroit, toussote Léo en se recroquevillant.
— Tout va bien, la balle a pas touché d'organe, vu la localisation de l'impact. Par contre, il faut l'enlever avant que ta peau ne se referme.
Il hoche la tête, et je laisse mon regard balayer la salle.
Il n'y a pas de quoi sortir la balle ici. De plus, même si j'arrivais à la sortir, je ne pourrais pas désinfecter la plaie avant qu'elle ne se referme. Il faut que je gagne la voiture mise à notre disposition,il devrait y avoir une trousse de secours dans le coffre. C'est ce que j'espère en tout cas.
— Ok, tu sais ce qu'on va faire, tu te démerdes pour garder la plaie ouverte le temps qu'on arrive à la voiture ? Tu as mal ?
— Mia, j'ai une balle dans le torse alors oui, j'ai mal là.
Dans la salle, j'entends des coups de feu, mais n'y prête pas plus attention. Mon rôle ici est terminé : nous devions servir de guets, de diversions et de fausses victimes, tout est ok.
Maintenant l'important, c'est de débarrasser Léo du corps étranger dans son torse.
Redressée, mon bras passé sous les épaules de Léo, je me mets à courir en direction de la sortie. En soit, une balle dans le torse qui ne touche pas d'organes vitaux, n'est pas dangereuse. Le problème, est si jamais elle reste bloquée dans la chair lorsque la blessure se sera refermée. À ce moment-là, nous risquons une infection ou tout autre joyeuseté de la sorte, ce qui même pour nous, n'est pas agréable du tout.
Il fait nuit noire lorsque je sors enfin de la salle, pour me mettre à progresser dans la rue. Les quelques lampadaires qui éclairent la route ne sont pas assez puissant pour me permettre de discerner exactement mon chemin. Plusieurs fois je bute sur des trottoirs et manque tomber à maintes reprises. Heureusement, grâce à mon portable, son flash et son GPS, nous arrivons dans la rue où est garée notre voiture sans trop d'encombres. Pas de police en vue – l'équipe chargée de la sécurité a vraiment bien agi.
De mon sac, je sors les clefs et déverrouille l'habitacle avant d'ouvrir le coffre et d'y asseoir Léo, pour ensuite chercher la trousse de secours. Elle est presque cachée tout au fond du coffre, mais je parviens tout de même à la localiser assez rapidement tandis que Léo gronde d'impatience, ses doigts s'entêtant à garder la plaie ouverte.
— Mia bouge-toi s'te plaît, c'est ignoble ce que je fais là. Et ça fait mal en plus.
— Tu as déjà vécu pire, deux secondes.
Il rouspète encore, lève les yeux au ciel tandis que je sors une pince à épiler de la trousse, victorieuse. Au centre de formation, nous avions appris à gérer ce genre de situation : il suffit de sortir la balle avec la pince, en évitant de déchirer la chair outre-mesure. Certes, ce n'est pas très agréable pour la personne à qui on retire la balle, mais c'est essentiel.
— Ok, je compte jusqu'à trois... Un, deux...
— Tu es sûr que... aïe ! Et le trois alors ?!
Je secoue la tête tout en sentant rapidement la pince taper contre quelque chose de dure dans la plaie.
— Mia, c'est Lou. Tout va bien de votre côté ?
— Oui, je suis en train de soigner Léo pour une blessure superficielle, mais dès que c'est bon, on prend la voiture.
— Rien de grave ?
— Tu comprends pas quoi dans ''superficielle'' ?
Je l'entends ricaner amèrement dans mon oreillette, avant de reprendre :
— Soyez prudents.
— Toi aussi.
Le contact se rompt, et au même moment, j'extrais la balle cabossée et recouverte de chair et de sang. D'un geste vif, je la jette loin de nous, et applique une compresse préalablement imbibée d'alcool médical sur sa blessure.
— Ok, tu tiens ça, et on peut y aller. Tu as pas trop mal ?
— … au poil.
Je souris tout en acquiesçant, et me hâte de monter à l'avant de la voiture. Pour une fois, tout s'est passé comme prévu, bien que ce plan partait perdant.
…
Deux jours plus tard, nous voilà de retour en Espagne. Sans encombres, sans crochets, sans ennuis. Un vrai plaisir d'enfin pouvoir se dire que nous avons accomplis quelque chose sans essuyer de pertes ou de dégâts collatéraux.
Après l'intervention lors du gala, toutes les équipes se sont retrouvées à l'hôtel, et nous avons pris la décision de repartir le soir même pour un vol de nuit. Gérulf et un second otage, enlevé pour la crédibilité de l'action, ont fait le voyage coincés entre Andres et Léo – autant dire qu'ils n'ont pas bougé d'un pouce.
Nous, avons eu le temps de profiter le temps du vol, de cette petite victoire. Vol durant lequel Elio nous a appris que Gerulf, n'était autre que le père de Nodem, himself. D'une pierre deux coups comme on dit. J'ai également eu droit à une question un peu plus profonde, de la part de mon fiancé : « Quel ont été les termes de mon deal avec Andres ? ». Je ne lui ai pas répondu. Ce n'était ni l'endroit, ni le moment d'aborder ce genre de question alors que Gerulf était sagement assis trois rangs plus loin.
Une fois de retour en Espagne, nous avons pu découvrir le manque de réaction de Nodem dans la presse. Aucun signe, aucune déclaration, le vide. Ce qui nous a étonné, étant donné que nous venions tout juste de kidnapper son père, a.k.a. le créateur du Reboot et du X.
C'est finalement, sur le téléphone de Gerulf que nous avons eu de ses nouvelles. « Je sais que c'est vous qui retenez mon père. N'espérez pas que je me plierais à vos exigences en échange de sa libération. Vous devriez pourtant, avoir appris de moi que la réussite compte plus que le sentimental ».
Le choc a été violent. Même son propre père ne représente rien pour lui. Et nous voici donc, tous assis dans la salle de réunion, Gerulf enfermé dans un bureau à l'écart, et Andres faisant les cents pas au centre des tables.
— Bien, le vieux semble plutôt coopératif après le message de son fils. Le problème, c'est que là, avec les quelques informations que nous avons pu réunir, il va falloir agir très vite. Nodem sait que nous détenons son père et donc de précieuses infos, il va riposter dans très peu de temps.
— Qu'est-ce qu'on a ? demande Gloria.
— Localisation d'une usine fabriquant Reboot et X. Localisation des bureaux officieux de Nodem.
Il tourne la tête vers nous, et scrute Lou un bref instant.
— … confirmation que les dégâts causés par le X, ne peuvent pas être soignés.
Mon ami d'enfance se crispe, mais ne dit rien, préférant baisser la tête pour cacher son énorme déception teinté d'une tristesse immense.
— On a donc plusieurs options : soit on prend le risque d'agir maintenant tout en gardant en tête que depuis deux jours, Nodem a pu assurer ses arrières, soit on attend.
— Si on attend, on encourt le même risque que si on agit maintenant.
La voix grave de Jeremy me tire de mes songes, et je fronce un sourcil pour aviser sa réaction.
— On connaît les coordonnés GPS de l'usine principale fabriquant toute cette merde. On sait que Nodem se cache dans un immeuble pas loin de Barcelone, et qu'il n'aura sûrement pas le temps de tout déménager d'ici... demain par exemple.
— Tu es en train de sous-entendre qu'on devrait agir demain ?
—,Son message date de ce début d'après-midi. On a plus le temps.
— Les plans précipités ça va bien deux secondes, riposte Elio. La dernière fois ça a fonctionné car le bon Dieu semblait être de notre côté. Mais qui te dis que nous lancer à corps perdu dés demain dans un affrontement contre Nodem, ne nous fera pas courir tout droit à notre perte ?
Jeremy et Elio se dévisagent, avant que ma mère ne prenne la parole.
— On a qu'à voter à main levées.
— On est plus en maternelle. On parle de nos vies là, grince mon fiancé.
— Si vous teniez tant à vos vies, vous auriez jeté le téléphone de Gérulf. Nodem a notre localisation grâce au téléphone de son père, mais ça personne ne semble y avoir pensé.
Nous échangeons un regard consterné avant que je ne reprenne :
— Ok, alors si on prend la décision d'agir vite, qu'est-ce qu'on fera ?
— Deux groupes : un se chargera de bloquer pour de bon la production principale du Reboot et du X. L'autre, ira faire le peau à Nodem, lance Andres.
— Peut-être qu'ils n'auront pas le temps de déplacer la paperasse, par contre, qui te dis qu'on trouvera Nodem dans ses bureaux ?
— J'ai aucune garantie. Mais qui ne tente rien n'a rien.
Je me tords pensivement les mains tout en classant dans ma tête, les points positifs et négatifs relatifs à ce plan. Certes, si nous agissons demain, les réserves de l'usine et la paperasse des bureaux n'auront pas eu le temps d'être déplacés. De plus, avec u peu de chance, on trouvera Nodem, et c'en sera fini. D'un autre côté pendant que nous parlons, lui est peut-être déjà en train de mobiliser ses troupes pour nous accueillir comme il le faut.
Peut-être que ce que nous a dit son père est faux. Peut-être que nous pourrions y rester à agir aussi vite. Cependant, j'ai pris l'habitude d'agir dans la précipitation et de composer avec les cartes que j'avais en main : l'hypothétique attaque de demain ne me fait pas peur sur le plan logistique, mais sur le plan hasardeux.
— Comment tu comptes composer les groupes ?
— À vous de voir. On est pas en train de composer un groupe de travail là.
— C'est inconscient, insiste Elio.
Il braque son regard dans le mien, et hausse les sourcils, attendant visiblement que j'opine. Or, je ne suis pas totalement d'accord avec lui. Car attendre, c'est également inconscient. Si nous attendons,
nous prenons le risque de nous faire surprendre par Nodem à domicile.
En clair, les deux plans sont à haut risques. Mais n'est-ce pas comme ça que tout doit se finir ? Dans le risque et l'improvisation ?
— On va voter, répète ma mère. Qui est contre ?
Plusieurs mains se lèvent, dont celles de Lou et Elio.
— Pour ?
Je lève haut la main, imitée par Léo. Si dans notre quatuor les avis sont partagés, en général dans la salle, l'opinion est pour l'attaque rapide, et donc pour l'offensive dés demain.
— Très bien, conclut Andres. Maintenant, on planifie l'attaque de demain.
— On va y rester ! s'exclame Lou. Ils ont de leur côté le nombre, le X, et l'avantage du terrain. Vous comprenez ça ? On va crever si on y va !
— Il a raison, appuie mon père avec fermeté. Nous avons seulement un pseudo avantage : celui de savoir où ils se cache. Et ce n'est un avantage que dans vos têtes.
Je sens mes poils se hérisser, et hausse le ton :
— Votre dernier plan était plein de failles et d'incertitudes, et pourtant il a fonctionné non ?
— Ça n'a rien à voir.
— Moi je crois bien que si au contraire. Si vous n'aviez pas agi comme vous l'avez fait pour nous libérer, Elio et Léo seraient peut-être morts à l'heure qu'il est.
— Mia, il faut prendre en compte qu'ils ont une arme, capable de vous tuer. Vous n'êtes plus‘invincibles. Tu n'es plus intouchable.
Mes doigts se crispent sur la table, et je me lève pour contourner les tables.
— Vous savez quoi ? Débrouillez-vous. De toute façon, on arrivera pas à se mettre d'accord.
Les regards se braquent sur moi tandis que je quitte la salle de réunion pour dévaler les escaliers. J'ai besoin d'air.
Je ne comprends pas pourquoi ils refusent d'agir. Rester ici représente autant de risque que partir demain pour tenter quelque chose. Si on doit mourir durant la mission, et bien nous mourrons. De toute façon, nous devrions déjà être enterrés depuis deux ans.
Derrière moi, la porte de l'immeuble se rouvre et j'entends mon père m'apostropher.
— Quoi ? je brame en me retournant.
— Mia, tu te calmes. Respire un bon coup et on pourra parler.
— J'ai rien à te dire. Pourquoi tu es pas resté là-haut pour défendre ton opinion d'abord ?
Il se passe une main sur la nuque, ferme les yeux en soupirant, avant de se rapprocher de moi.
— Tu sais pas ce que c'est toi, je lance avec hargne. De toujours vivre dans l'incertitude de te voir tuer à un coin de rue, de cauchemarder sur ce que pourrait te faire ce type si il t'emprisonnes à nouveau, de jamais être tranquille, de pas pouvoir envisager la suite.
— Bien sûr que je ne sais pas ce que c'est mais...
— Alors tu n'as pas le droit de donner ton avis ! Ni toi, ni maman ou Gloria. Et encre moins les parents de Léo. Cette histoire, on l'a commencé en vous demandant seulement de témoigner, pas de vous investir à ce point. Car tu veux savoir le pompon ? En plus de ma propre insécurité, vous aussi êtes désormais susceptibles de vous faire flinguer par des Reborn agents. Dés que ce type sera mort, on pourra reprendre nos vies. Je veux vivre, pas juste survivre, tu comprends ça ?
Il s'approche encore, et passe son bras autour de mes épaules avant de me serrer contre li.
— Quoi que vous décidiez, j'irais trouver Nodem pour le butter. Avec ou sans votre aide.
D'un geste brusque, je me défais de son emprise, et m'éloigne tout en essuyant mes yeux, d'où perlent de petites larmes de colère, mêlées à quelques fragments d'incertitude.
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