Marie, ses parents, Guillaume. Il devait parler. Sans savoir comment faire. Vivre dans le mensonge ou la dissimulation lui était impossible. Si affronter la vérité avait été sa ligne de vie, jamais il n’avait été confronté à une telle révélation.

Ses sœurs restant à la maison, il se proposa de raccompagner Marie. Ils firent quelques pas.

— Lucas, tu peux me dire la vérité !

— Quelle vérité ?

— Que tu as rencontré une autre fille, que je ne suis plus aussi importante pour toi. Dis-moi ce qui a changé, ce qui est arrivé.

— Mais rien !

Il n’avait pas les mots. Il n’avait rien préparé.

— Enfin, si. Je n’ai pas encore dit à mes parents, mais j’ai abandonné la fac pour une école de comédiens.

— Tu es sûr de toi ? Tu as tellement de possibilités intellectuelles, tu es doué. Mais quand même, c’est risqué…

— Oui, c’est vraiment ce que je veux faire !

— Comment l’idée t’est venue ?

— J’ai pris un petit boulot. J’ai rencontré un mec. On a discuté et il m’a fait comprendre ma vocation.

— C’est donc un ami…

— Oui. On a sympathisé immédiatement.

— Un mec ? Pas une fille ?

— Oui…

Allait-il lui dire ?

— Lucas, je te connais depuis si longtemps. Je sens comment tu es. Je sens que tu as rencontré quelqu’un d’autre, aussi important que moi. Ou plus… Dis-le-moi. La franchise est la base de la confiance.

— Ça se voit ? Marie, tu sais que je t’aime. Mon rêve est que nous ayons des enfants ensemble. Tu le sais !

— Oui, mais…

— J’ignorais des choses sur moi. Fondamentales. Elles me sont tombées dessus. J’ai découvert…

— …

— Non. Pas comme ça ! J’ai croisé un regard incroyable…

— Et tu es tombé amoureux !

— Non… Enfin, oui. Mais c’est pas ce que tu crois…

Ils s’arrêtèrent. Marie avait l’air si triste qu’il la prit dans ses bras. Comment ne pas lui faire de mal ? Ce n’était pas sa volonté. Il avait changé, c’est tout. Il raconta sa pulsion pour cette personne, comment cela s’était transformé en affection, le besoin d’aller plus loin. Il évacua le côté physique de ce rapprochement, les conditions de son travail, tous les détails, si vitaux, qui auraient pu la blesser.

— Tu n’es pas clair, Lucas. Tu parles bien d’un autre garçon. Tu es amoureux d’un homme…

— Oui ! De Corentin. Mais c’est sa personne, avant tout, affirme-t-il avec ambiguïté. Il veut faire une thèse de physique nucléaire.

— Mais c’est un homme et tu as découvert ton homosexualité…

— Oui. Je ne le savais pas. J’avais de l’attirance pour toi. J’avais envie de faire l’amour avec toi.

— Avais… Ce n’est plus le cas ?

— Je ne sais plus ! Marie, quoiqu’il arrive, je t’aimerais toujours. Tu es importante pour moi. Je suis tellement malheureux de te faire du mal.

— Tu peux être malheureux… Ce sera toujours négligeable par rapport à ce que tu viens de détruire. Laisse-moi maintenant. Je te recontacterai. Plus tard. Si j’ai la force…

Il voulait la retenir, la consoler. Elle était déjà loin. Pourquoi son bonheur engendrait-il du malheur ? Pourquoi était-ce elle qui devait payer ? Il regarda sa silhouette s’éloigner, incapable de bouger. Quand elle tourna le coin de rue, ses yeux se brouillèrent. Il n’était pas revenu pour ça.

Le cœur triste, il hésita. Il ne pouvait pas rentrer, car le crash avec Marie aurait été deviné. Il se dirigea vers le centre-ville, vers le café du Lycée. Sa bande devait y être, sans doute Guillaume. Il voulait lui dire, mais comme par accident, sans montrer le besoin de parler.