— Bonjour, nous voudrions faire une déclaration sur un enlèvement

— Un enlèvement ! Rien que ça ! Et, Janson, tu peux prendre ces deux personnes ?

— Oui, bien sûr, suivez-moi, messieurs euh dames…

Corentin et Lucas le suivirent, déclinèrent leur identité, puis commencèrent.

— Voilà, nous travaillons dans une boite gay…

— Vous voulez dire une boite de pédés ?

— Euh, oui…

— Je vois ! Encore une histoire de filles qui se disputent !

— Non, pas du tout. Un de nos camarades a disparu…

— Il en a eu marre de se faire mettre par vous…

— S’il vous plait, monsieur

— Brigadier

— S’il vous plait, brigadier, c’est grave. On l’a vu après, encadré par deux molosses et repartir avec d’autres, après une négociation.

— C’est qu’il aime les hommes, les vrais !

— Mais ces hommes sont revenus, ils dont dangereux…

— Dès qu’il s’agit d’affronter le danger, il n’y a plus personne chez des dévergondés comme vous…

— Nous avons besoin de protection, s’il vous plait

— Et nous, nous avons des affaires plus importantes à régler que vos trucs de cul !

— Viens, Lucas. On s’en va.

Ils sortent, quand ils entendent le réceptionniste héler :

— Ah, commissaire, on a apporté ça pour vous !

— Merci. Je l’attendais !

— Excusez-moi. Vous êtes le commissaire ?

— Oui, mais je ne reçois que sur rendez-vous. Adressez-vous à l’accueil.

— Nous venons de le faire, mais nous avons été ignorés. Il s’agit d’un trafic d’humains.

— Vous savez de quoi vous parlez ? C’est grave.

— Oui. Nous sommes menacés d’enlèvement.

— C’est quoi, cette histoire ? Suivez-moi.

Corentin explique la disparition de Ludovic, le retour de ces hommes et la menace sur un de leur camarade.

— Attendez ! J’ai eu une note à ce sujet. Ici, on ne traite pas ces affaires. Voilà. J’appelle.

Il raccroche.

— Tenez, rendez-vous à cette adresse et demandez le lieutenant Jacob. Mais dites-moi, vous dites que votre demande a été rejetée par un de mes hommes ?

— Oui. Parce que nous sommes des pédés, selon ses mots. Uniquement parce qu’il est homophobe !

— Voulez-vous porter plainte contre lui ?

— Ça va servir à quelque chose ?

— Non. Mais dites-moi son nom, au moins. J’en fais une affaire personnelle !

Leur trajet est silencieux, blessés par le premier accueil, inquiets d’être abandonnés face à ce danger qui vrille leur ventre.

Jacob les attendait.

— Merci d’avoir fait vite. Nous avons des remontées de disparitions de jeunes, filles ou hommes. Une sacrée augmentation depuis un an. Aucune piste. Alors, si vous avez des informations, je vous écoute.

Ils reprirent leur histoire en détail. En fait, Ludo était le troisième à disparaître subitement. Lucas raconta ses échanges avec les trois individus, passant sous silence les tripatouillages qu’il avait subis. Puis Corentin sortit le sac et expliqua comment ils avaient pu récupérer ce téléphone.

— Mais vous êtes extraordinaires ! C’est inespéré ! Je l’envoie à nos experts immédiatement.

Il revient.

— Bon, j’ai discuté avec mon commissaire. C’est une piste très intéressante, mais il nous faut quelques jours pour étudier la question. Il s’agit sans doute d’une affaire de traite de jeunes, pour la prostitution ou leur vente au Moyen-Orient. Ce sont des gens très dangereux. Lucas, c’est ça ? Lucas, tu ne dois absolument pas te risquer dans cette boite. Le patron a ton adresse ?

— Non. Enfin celle de la cité U. Pas la nôtre.

— Tu te planques et tu ne bouges pas avant qu’on te fasse signe. On aura sans doute besoin de toi. Toi, Corentin, tu te sens menacé ?

— Non. Je ne crois pas. Cela fait près de trois ans que je fais ce travail. Si je les avais intéressés, ce serait déjà fait.

— Bon. Tu continues comme si de rien n’était. Tu ne parles à personne de votre visite ici.

— Nous étions cinq ce soir-là. Les trois autres sont fiables.

— Tu leur dis le minimum, et surtout d’être très prudents. Nous allons mettre en place une surveillance permanente, mais si nous devons monter une opération, il nous faut un peu de temps. Allez, filez ! Attendez ! Merci et félicitations ! Vous venez sans doute de sauver des vies !