Chapitre 1 :

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Il faisait froid. Comme chaque matin, je remontais la fermeture de mon blouson pour pallier à la froideur des cœurs et du vent qui entourait mon lycée. La brume enveloppait la forêt environnante, la nuit voilait encore le ciel endormi.

- Alors Eléonore, prête pour affronter cette nouvelle journée ?

La voix guillerette d'Ivan frappait au seuil de mes oreilles, bien plus insupportable qu’elle ne l’aurait dû. Je lui lâchai un sourire pour seule réponse, il le prit sans comprendre qu’il devait s’en aller. Envers et contre les apparences, je ne le détestais pas. Nous nous étions rencontrés au cours d’un été qui demeurera, je pense, le meilleur de toute ma vie. J’ai passé la plupart de mes soirées au bord de sa piscine, à rire tout en sachant que demain serait aussi heureux qu’aujourd’hui. Ma meilleure amie et moi regardions les étoiles, allongées sur son trampoline, jusqu’à ce que nos parents viennent nous chercher. Tout allait parfaitement bien, jusqu’à ce qu’il ne tombe amoureux de moi. L’image que j’avais de lui vrilla tout à coup. A la seconde même où j’appris la nouvelle, le regarder dans les yeux me devint insupportable. Suis-je cruelle pour traiter ainsi un homme qui nourrit des sentiments à mon égard ? Bien sûr que non. Les femmes ont le droit de choisir qui elles aiment, et je ne l’aimais pas.

- Eléonore ! Tu viens où tu attends que le vent te congèle ?

Charlotte, une fille dont les pieds tenait dans ma main, surgit de derrière un buisson dont elle ne dépassait pas la cime. Elle et moi étions amies, elle agissait telle un rayon de soleil adorable dans l’ennui de mes journées et, pour la première fois depuis le début de l’année, elle était en retard.

Ma musique, datant d’années antérieures à ma naissance, avait tant absorbé mon esprit que je n’avais pas vu le temps passer. Je l’avais attendue jusqu’à ce qu’elle arrive, sans prêter attention à la sonnerie qui venait de retentir.

Nous n’étions pas dans la même classe, et l’idée de devoir frapper seule à la porte et me justifier d’un retard injustifiable me faisait trembler de tout mon être. J’étais ce genre de fille timide qui déteste par-dessus tout se faire remarquer. Quand mon poing claqua le bois vernis, je crus littéralement m’évanouir.

- Eléonore, je ne vous attendais plus.

- Pardonnez-moi monsieur Révolution, j’ai eu un problème à la sortie de mon bus et…

Il me fit simplement signe de m’asseoir, et ne me posa pas davantage de questions. Son nom était peut-être un peu stupide, surtout lorsqu’on s’avait qu’il était professeur d’histoire, mais c’était un homme gentil. Ni competant, ni forcément intelligent, mais gentil.

- Qu’est-ce que tu foutais, j’ai failli t’attendre !

Octavia me regarda de son regard le plus sévère jusqu’à éclater de rire. Cette fille ne savait pas rester en colère plus d’une dizaine de secondes, et c’est pour cela que je l’adorais. Pour cela, entre autres. Elle et moi ne nous connaissions que depuis cinq ans, pourtant j’avais l’impression de ne jamais avoir vécu sans elle tant sa présence m’était devenue vitale.

- Bon, plus sérieusement, t’as foutu quoi pendant tout ce temps ?

- J’attendais Charlotte. Pourquoi, je t’ai manquée ?

- Un peu que tu m’as manquée ! Tu m’as laissée seule avec Naomie et Solène, espèce de traître.

Elle souriait, mais son sourire était entaché de vrais ressentiments.

- Nathan était là pour te protéger, donc je n’ai rien fait de grave, dis-je d’un ton amusé.

Octavia était en couple depuis environ trois mois. Je souffrais légèrement de ne pas la voir autant qu’avant, mais je l’avais littéralement poussé dans les bras de ce garçon, alors je ne pouvais pas me plaindre. Nathan avait un an de plus que nous, et il était plutôt mignon. Elle et lui étaient de parfaits opposés, des genres de Tessa et Hardin, mais il y avait entre eux une alchimie particulière. Je ne l’avais jamais vue aussi heureuse que depuis qu’ils étaient ensemble.

Quant à Naomie et Solène, c’était compliqué à expliquer. Solène avait été ma meilleure amie, avant Octavia, mais elle m’avait laissée tomber. Je la détestais pour cela, et je détestais davantage la fille qu’elle était devenue. Droguée, alcoolique, rien de respectable. Naomie était une fille adorable, qui adorait se rapprocher du vice. Solène représentait tout ce qu’elle voulait être, bien plus que ce que nous étions. Je ne savais plus quoi penser d’elle, mais je n’avais pas envie de me prendre la tête à savoir si je l’appréciais ou non.

Le cours continua. Octavia dessinait des petits visages sur notre table, coiffés selon les signes du zodiaque. Je la regardais, l’esprit somnolant.

- Au fait, déclara-t-elle, tu viens à la fête de Floriane ce week-end ?

- Je sais pas, t’y vas toi ?

- Seulement si tu y vas.

Nous nous étions promis de ne jamais assister à une soirée où l’autre n’était pas, un pacte idiot, une assurance contre l’ennui.

- Je viens, si tu me prête ton haut rouge.

- Marché conclu.

Moi qui pensais finir Elite avant lundi, mes plans venaient littéralement de s’évanouir dans la fumée d’une chicha malodorante, noyée sous les vibes d’une musique sauvage.

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