Chapitre 7

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Le reste de la semaine n'était pas top, pour moi.

Plus d'une fois, je m'était fait réprimander par la coach pour avoir la tête dans les nuages. Mes paniers à trois points avaient du mal rentrer, comme si les progrès que j'avais fait la semaine précédente s'étaient envolés. En match, je gênais plus qu'autre chose : mon équipe avait souvent l'impression de jouer à quatre contre cinq quand j'étais sur le parquet. Si bien qu'on me faisait souvent sortir pour me faire remplacer.

J'ai eu droit à des réprimandes de la part de mes coéquipières, mais notre capitaine se montrait surtout inquiète pour moi : elle soupçonnait que quelque chose me tracassait, au point de perturber mon jeu.

Évidement ! Apprendre que son petit ami avait un passé violent, ce n'était pas rien !

Pourtant, je n'étais pas sûr de croire à cent pour cent ce que m'avait dit Suzu. Après tout, elle avait peut-être inventé cette histoire pour ternir un peu plus la réputation de Shûhei. Ce qui ne serait pas étonnant, vu que j'avais appris il y a peu qu'elle faisait toujours partie des premières de la classe pour lancer des rumeurs à son sujet, qu'elles soient fondées ou pas. Comme me l'avait dit Shûhei : « Les gens aiment bien les histoires, qu'elles soient vraies ou non. Ils se fichent de leur véracité, du moment que les gens ont quelque chose à raconter pour obtenir de l'attention et de la reconnaissance, même au point de nuire à autrui. »

Lui qui avait l'habitude d'être seul, il devait être rôdé, question rumeur sur sa personne... Ce qui me faisait avoir de la peine pour lui...

Mais pour l'instant, je devais me ressaisir ! Je ne pouvais pas laisser mes inquiétudes et mes interrogations interférer avec mes objectifs ! Tout le monde s'était entraîné dur en visant le haut du podium et je refusais d'être celle qui ruinerait leurs efforts. Et surtout...

(Et surtout, Shûhei m'en voudrait à mort si je sabotais tout, même sans le vouloir...)

Mon cœur s'est serré en pensant à lui. Je voulais le voir. Je voulais le voir m'encourager comme d'habitude, me sermonner quand je faisais la gamine, me câliner quand j'avais bien travaillé...

(Shûhei...)

Tout ce que m'avait dit Suzu...

Un millier de questions me traversaient l'esprit. J'ai pensé demander des explications à Shûhei. Lui demander s'il était vraiment ce type qu'on surnommait Shura. Mais à chaque fois que j'entendais sa voix quand je l'appelait le soir, mon courage prenait lâchement la fuite. Je crois qu'une partie de moi refusait de croire que mon petit ami pouvait se montrer violent au point de blesser des gens. Pourtant, une autre partie n'en rejetait pas la possibilité, à la vue de son attitude quand il se mettait parfois en colère...

Suzu continuait de me dire de rester loin de lui, maintenant que j'étais au courant de tout. Setsuna m'a conseillé de lui parler avant, qu'importe la décision que je prendrais par la suite. Vu ma lâcheté au téléphone, je me suis dit qu'il valait mieux que je parle de tout ça à Shûhei de vive voix, quand je serais de retour. Et puis, en y repensant, c'était le genre de conversation qui ne devait pas se faire par téléphone. Mais je ne savais pas du tout comment j'allais aborder le sujet !

Je ne me voyais pas lui dire : « Shûhei, il paraît que tu as déjà blessé physiquement des gens ». Comment vous réagiriez si on vous balançait ça, comme ça !

Je me suis mise à imaginer les pires scénarios qui suivraient ces paroles. Le pire à mes yeux étant une rupture...

Rompre...

Est-ce qu'il fallait que j'y pense sérieusement ?

Devais-je vraiment considéré l'idée de me séparer de lui ?

(NON !)

La gamine en moi se s'est mise à brailler qu'elle ne voulait pas que son chéri la quitte ! La lycéenne... La lycéenne romantique gardait espoir dans son petit cœur qu'elle pourrait à rester à ses côtés, qu'importe si tout cela était vrai ou pas.

« La vie n'est pas une comédie romantique. »

C'était ce qu'il aimait me sortir quand je me perdais dans mes petits nuages de romantisme.

Et il avait raison. Même si je voulais y croire, la vie ne ressemblait en rien aux comédies romantiques qu'on pouvait voir à la télé, au cinéma, et cetera...

Mais quel mal y avait-il à vouloir que la vie, la vraie, ressemble plus à ces comédies ? Je ne demandais pas qu'elle y ressemble point par point. Mais la vie n'était-elle pas plus belle ; plus appétissante quand un soupçon de fantaisie venait en relever le goût ?

La vie n'est pas une comédie romantique, ni un plat sublimé par son assaisonnement. Je le savais, au fond de moi. Même si je souhaitais le contraire, comme l'incorrigible romantique que j'étais. Néanmoins...

J'avais actuellement un pied dans le déni ; dans le refus de croire que Shûhei avait une part plus obscure que les autres, et un autre dans l'incertitude. Quand nous nous verrions... Quand nous nous parlerions... J'étais convaincu que notre relation ne serait plus comme avant. Pour le meilleur ou le pire.

Et comme je visionnais plus facilement le pire, j'en broyais du noir...

(Allez ! Courage, ma Yuna ! Il faut te ressaisir ou tu n'avanceras jamais !)

Un peu de motivation plus tard, je suis repartit m'entraîner plus sérieusement et efficacement ! Pour mes coéquipières, pour Shûhei mais avant tout, pour moi !

Je me suis finalement reprise en main, à la grande joie du coach et du capitaine, et j'ai tout donné pour rattraper mon retard.


Le camp d'entraînement touchait à sa fin. Pour le dernier soir, nos coachs nous ont autorisé à fêter cela, pour nous récompenser du bon travail que nous avions fournis. Nous avons fait le plein de boissons et de choses à grignoter. Certains sortaient le paquet le cartes...

La soirée commença doucement.

Certaines faisait quelques vidéos pour Tik Tok ou des photos pour Instagram, pour montrer l'ambiance du dernier soir, informer leur communauté ou tout simplement faire les folles et s'afficher.

Personnellement, à part LINE ou Tik Tok, je n'étais pas une grande utilisatrice d'applications ou des réseaux sociaux. Je me contentais du strict minimum pour communiquer avec mes amies.

(Et communiquer avec mon Shûhei aussi !)

Malgré mes doutes et mes craintes de ces derniers jours, entendre la voix de Shûhei rechargeait toujours mes batteries de bonheur comme jamais ! Peut-être voulais-je, quelque part dans ma tête, profiter de ces instants qui allaient possiblement disparaître bientôt.

Mais je fus bien vite chassée de mes propres pensées quand mes coéquipières voulurent m'entraîner avec elle pour nous amuser un peu (sous la surveillance des adultes) avec les garçons. Et quand elles disaient « s'amuser », cela se résumait surtout à rigoler et à les applaudir quand ils faisaient les idiots pour nous divertir.

(Je dis ça alors qu'ils me font rire aussi)

Puis, nous avons commencé à nous dispatcher : certains discutaient du tournoi à venir, d'autres de comment ils allaient profiter du reste de l'été. Certains jouaient tranquillement aux cartes, alors que d'autres déprimaient en ensant aux devoirs de vacances qu'ils n'avaient pas fini (encore aurait-il fallu les commencer...) et qui les attendaient chez eux.

(...Je crois d'ailleurs que j'ai pas fini les miens. Je crois même que j'ai même pas commencé ceux de maths ! Non ! C'est les plus longs, en plus ! Je vais demander à Shûhei de me laisser copier !)

...

(Non, il ne voudra jamais. Je le vois déjà me dire que je n'avais qu'à bosser plutôt... Peut-être lui demander de l'aide pour les faire, alors !)

...

(Non, ça veut dire passer du temps sur les maths et je déteste ça, les maths ! En plus, je crois qu'il m'en veut encore un peu que je me sois planté aux examens alors qu'il avait passé son temps à m'aider.)

...

(Je pourrais demander à Setsuna de me prêter ses notes ! Voilà ! Je suis sauvée !)

!

(Ah, non... Elle approuve que Shûhei tente de me discipliner pour que je fasse mon travail scolaire seule. Elle ne voudra pas ! Quoi qu'en jouant la corde sensible de l'amitié de longue date... Non, ça marchera pas...)

Je soupirais, tandis que j'allais dehors prendre l'air, en pensant que j'allais sans doute devoir me débrouiller pour boucler tout ça en rentrant.

(Je demanderai quand même à Shûhei de m'aider un peu. Après tout, je suis sa petite amie ! Il ne va pas refuser de venir au secours de sa petite amie, non ?)

J'ai souris en y pensant. Je me voyais déjà en train de me faire réprimander par mon professeur particulier préféré, mais j'imaginais surtout le fait de juste passer du temps avec lui.

-Yuna ?

J'ai entendu des bruits de pas derrière moi et en me retournant, je me suis retrouvé nez-à-nez avec Ken. J'ai soupiré.

-Qu'est-ce que tu me veux ?

-Je voulais savoir comment tu allais...

-Je vais bien. J'ai juste envie d'être un peu seule...

Mais au lieu de partir, Ken s'est encore approché.

-Tu ne devrais pas rester seule. C'est pas bon, quand on broie du noir.

De quoi parlait-il ? Je ne broyai pas du noir ! Bon, je n'allais pas dire que je débordai de joie non plus mais...

(Attends une minute...)

-Pourquoi je broierai du noir ? lui ai-je demandé, curieuse.

-Bien, tu sais... Maintenant que tu sais pour ton ancien copain, tu dois de remettre de ta rupture. Même si entre vous, ça n'a pas duré...

(Attends, quoi !?)

Je n'en revenais pas ! Ken était persuadé que parce que Suzu m'avait dit pour Shûhei, j'avais forcément rompu avec lui. Et là, je commençais à percevoir ce qui semblait être son plan d'attaque : me dire que Shûhei n'était pas ce qui semblait être, me dire qui le lui avait dit, attendre que Suzu m'informe, profiter de ma tristesse de la rupture pour me consoler, retisser des liens avec moi et enfin, me convaincre de sortir à nouveau avec lui !

Je savais que je n'étais pas la fille la plus intelligente au monde et peut-être que j'étais un peu parano sur les bords, je ne dis pas ! Mais cette idée qu'il avait tout prévu s'était bien ancrée dans ma tête !

-Shûhei et moi n'avons pas rompu ! lui ai-je lancé avec fureur.

Je me souviendrai toujours du regard surpris qu'il m'a lancé, ainsi de ce qu'il a dit après :

-Pourquoi ?

Ce simple mot confirmait dans ma tête qu'il avait tout prévu, sauf ça.

-Je veux lui demander si ce que Suzu m'a dit est vrai...

-Dans ce cas, tu n'as qu'à l'appeler !

-Ce n'est pas quelque chose dont j'ai envie de parler au téléphone.

-Yuna, tu ne fais que retarder les choses !

-Je le sais ! Je le sais...

Je le savais très bien. J'aurais pu sortir que j'avais besoin de me préparer mentalement pour ça, et c'était en partie vrai. Mais la vérité, l'horrible vérité, c'était que j'avais peur. Peur que ce soit vrai mais surtout, peur de comment j'allais réagir.

Malgré tout, je ne voulais pas le montrer ni le dire à Ken. Je ne voulais pas le voir se réjouir de ma situation, alors qu'il ne pensait qu'à la sienne.

-C'est mon choix et je lui parlerai quand on rentrera.

Sur ces mots, j'étais sur le point de retourner à l'intérieur quand il me barra le passage. À force, ça ne me surprenait plus...

-Quoi ?

-Yuna, tu devrais bien y réfléchir ! Si tu restes avec lui, on n'arrêtera jamais de parler de toi dans ton dos. Avec moi, tu seras tranquille et...

-Si j'en avais quelque chose à faire de ce que les gens disent sur moi, tu le saurais depuis longtemps...

-S'il se souciait vraiment de toi, lui, il en aurait quelque chose à faire !

-Parce que toi, tu te souciais de moi, avant ?

-Enfin, bien sûr !

J'ai ris amèrement en entendant ça.

-Ken... Tu ne faisais que bonne figure devant tout le monde. Mais quand on était seul, que ça ait été intentionnel ou pas, tu montrais que je n'étais pas si importante pour toi. Pour toi, j'étais « la petite amie » et je devais rester dans mon rôle : te soutenir sans conditions et te mettre sur un piédestal à longueur de temps. Certaines l'auraient fait sans broncher mais pas moi...

Je l'ai ensuite planté là et me suis dirigé vers la porte pour rentrer.

-Écoute-toi un peu ! a-t-il hurlé. Tu me sors de grands discours pour justifier le fait de m'avoir quitté ! Mais t'es incapable de demander un truc simple à ton mec parce que t'as la trouille ! Voilà ce qui arrive quand on traîne avec un loser !

La main sur la poignée, sans me retourner, je lui ai alors dit :

-Shûhei m'encourage toujours dans ce que je fais. Il me soutient, s'intéresse à ce que j'aime... Il m'aime malgré la tonne de défauts que je traîne. Tout le contraire de toi...

J'ai ouvert la porte.

-Ken. Si ça avait été toi qui était le sujet de ces rumeurs... Je n'aurai pas eu à réfléchir longtemps. Je t'aurai quitté. Et je ne pense pas que j'aurais pris la peine de te le dire en face.

Sur ces mots, je suis rentré en le laissant là. Je ne voulais pas voir sa réaction. Je m'en fichais. Maintenant, cette page était tournée...

Le sentiment que j'avais après était indescriptible. Un mélange de joie et satisfaction, saupoudré d'une fierté d'avoir un petit ami qui prenais soin de notre relation...

Quand je suis allé me coucher ce soir-là, mes colocataires m'ont demandé pourquoi je souriais bêtement, allongée sur mon lit.

Je leur ai dit béatement que c'était un secret.


Le lendemain matin, les bus qui venaient nous récupérer étaient sur le départ. Après avoir vérifié qu'il ne manquait personne, ils roulèrent pour nous ramener chez nous. Notre coach nous prévint que la destination finale était le lycée mais qu'on déposerait certaines si elles habitaient non loin du chemin de retour.

Au final, ce camp d'été fut une bonne chose. Je me suis bien amélioré et j'étais impatiente d'être au tournoi, même si je n'étais pas titulaire. Mais qui sait, avec encore un peu d'entraînement et du temps, les choses pourraient bien changer...

Mais pour les quelques jours d'été qui restaient, je ne voulais qu'une chose : en profiter autant que possible avec mes amies mais surtout, avec Shûhei. Et après, lui demander enfin au sujet de Shura...

Après quelques dépôts de mes camarades, notre bus est enfin arrivé au lycée. Nous avons eu ensuite droit à un petit discours du coach sur nos beaux efforts et que le plus dur restait à venir, puis le reste des joueuses s'est dirigé vers le portail pour rentrer chez elle.

Et là, à ma grande joie, j'ai vu Shûhei qui m'attendait !

Après deux semaines sans le voir, je n'ai pas attendu pour courir à toute vitesse pour me jeter dans ses bras et le serrer fort !

-Shûhei !

-Je t'ai déjà dit de ne pas me sauter dessus ! a-t-il hurlé.

-Ah ! Même te voir en colère me manquait !

-Wahou... À ce point ? J'ai vraiment dû te manquer...

-Oui !

Les autres filles rigolaient en nous regardant et je voyais que Shûhei était gêné. Mais là, j'en avais rien à faire ! Ce qui comptais, c'était que je pouvais le serrer fort contre moi !

-YUNA !

J'ai sursauté en entendant quelqu'un crié mon nom. Et cette voix était plus que familière.

J'ai lentement tourné la tête et... je le vis. Grand, vêtements larges et intimidant. Et bien plus musclé que lorsqu'il était parti pour les États-Unis. Mais surtout, son visage... Son visage déformé par ce qui semblait être de la colère. Sans doute parce que je collais un garçon qu'il n'avait jamais vu. Je crois que je ne l'avais pas vu aussi rouge depuis son départ...

-Cou... Coucou, grand frère ! lui ai-je dit nerveusement. Comment tu vas ?

-Comment je vais !? Je viens chercher ma petite sœur que je n'ai pas vu depuis longtemps et je la vois dans les bras d'un garçon inconnu ! Éloigne-toi de lui, d'ailleurs !

-C'est pas un inconnu ! C'est mon petit copain !

Mon frère fut terriblement choqué quand j'ai prononcé les mots « petit copain », avec un faciès digne d'un personnage de manga.

Avec tout ça, j'avais oublié que mon frère devait arriver chez moi alors que j'étais au camp. Et à en juger par la tête qu'il faisait en fixant Shûhei, l'idée que j'ai un nouveau copain ne l'enchantait absolument pas...

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