La sexytude du masque

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Ce que j'écris est sujet à caution : tout n'est pas vrai. Or, c'est justement l'intérêt de l'écriture : l'amusement par l'invention.

*

Oyez grosses vaches que la société ignore !

Oyez bas peuple hideux !

Oyez monstres affreux...! comme je vous comprends...! et comme à travers vous, je me comprends !

Rousseau le formulait finalement assez bien : il existe dans ce monde deux inégalités ; une qui s'éloigne de mon propos et que je ne détaillerai point, et une autre... directement liée à la nature. ("Je conçois dans l'Espece humaine deux sortes d'inégalité ; l'une que j'appelle naturelle ou Phisique, parce qu'elle est établie par la Nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du Corps, et des qualités de l'Esprit, ou de l'âme [...]")*

L'idée même que nous sommes tous inégalement pourvus par Mère nature choque-t-elle quelqu'un ?

En effet, nous avons des sexes, des traits physiologiques, une santé, voire même un lignage différent ; certains sont nés plus riches que d'autres : c'est leur chance. Et puis surtout, il y a quelque chose dont nous sommes tous un peu dépourvus à degrés variables, - sauf une élite d'adonis qui ne semble d'ailleurs se reproduire qu'entre elle, - la beauté.

Pour ma part, je suis laid. Un laideron inintéressant, médiocre, comme toi d'ailleurs lecteur, aux yeux de beaucoup, même si ce cher beaucoup n'oserait te l'avouer.

Oui ! je suis moche, et alors ? Je ne suis certes pas le plus hideux de cette terre de guenons, je me situe dans une moyenne basse, mais j'ai le mérite d'exister. Oui ! je suis moche, et alors ?

Alors, il faut bien dire que j'étais heureux de ces confinements : je portais un masque. J'étais presque devenu sexy.

Heureusement pour moi, à présent, j'étais libéré. Ce masque insupportable avait disparu et je respirais de nouveau dans la rue les doux nuages gris industriels, les miasmes lâchés par les pores suppurés de mes joues, et ceux de ces chers Sapiens qui croisaient mon chemin. J'embrassais cette décolonisation de ma figure, mes chaînes faciales étaient jetées à bas : je me trouvais désormais, comme jadis, libre d'être moi-même... libre d'être laid.

* : je me suis contenté de strictement recopier cette citation extraite du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Je ne l'ai pas modifiée, c'est-à-dire que les fautes orthographiques et typographiques qui s'y trouvent étaient correctes du temps de son auteur. Je tiens aussi à préciser pour des raisons morales, d'honnêteté et de propriété intellectuelle que le titre n'est pas de moi, mais qu'il est issu d'un reportage posté quelque temps avant la levée de l'obligation de porter le masque en France.

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