Accoster
Pis j'sors prendre de l'air. Des années ben plus tard. Dans la nuit candide. J'observe les passants, pas les passantes. Je m'imagine vêtue de leur écorce. J'rêve d'obtenir leur corps.
On me pointe du doigt. On me siffle de m'acheter une corde.
Je m'enfuis dans une boutique, arrache les premiers vêtements du bord, hommes sans vouloir, les dépouille de leur étiquette, les enfile, sors de la cabine, les paie sans un mot pis ressors dehors. J'me sens soudainement mieux dans ces fringues trop lousses pour moi où mes formes sont bien cachées. Hors de la vue de ces bouffeurs de chair.
Mais, je reste la petite fille folle qui a tué son camarade de classe, j'ai juste l'air plus clodo...
Les gens oublient ben des trucs, mais les tueurs ne quittent jamais leur tête. C'est pas qu'ils ont peur, ils ne se privent pas pour nous cracher dessus, ils ont juste une haine envers ceux qui osent.
J'peux plus vivre comme ça. Continuer d'être leur chevreuil. J'en ai marre de me faire tirer dessus à chaque fois que je mets le pied hors de chez moi. J'ai déjà assez des patrouilles qui rôdent dans le quartier et de tous les gens que j'dois m'taper à chaque semaine. Pis la job de marde. Une ostie de job de marde de réhabilitation à la société. La crème des imbéciles qui comprennent jamais rien. Les vieux séniles à qui on a juste envie de crisser une chaise par la tête.
J'ai besoin d'accoster. Prendre une pause. Mais, je peux pas. Je suis bloquée là. Femme animatronique dont on tire les câbles pour qu'elle déverse des litres d'eau. Tendre l'amarrage sur un autre rivage, mes mécanismes internes me dictent de noyer mon voisin.
J'veux voir un savant.
J'veux qu'on change mes pièces.
J'veux une nouvelle peau de latex.
Recyclez-moi en pierrot.
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