Chapitre 16 : La fugue
L'enfant aux joues tatouées traînait des pieds et affichait un air de chien battu. Son maître tenait un livre sous le bras, déterminée. Venerika gratifia Gordon d'un signe de la tête tandis qu'Alaman suppliait Aymeric du regard. Les nouveaux venus s'installèrent à une table voisine et la chevalière ouvrit l'ouvrage à un passage.
- Lis-moi ça, dit-elle à son apprenti.
Alaman s'agita sur sa chaise et se pencha sur le texte avec un silence concentré. Aymeric ne l'entendit pas commencer sa lecture car son propre maître lui demanda de reprendre. Il termina sans grandes difficultés et Gordon lui proposa une nouvelle liste avec des mots beaucoup plus longs. Il prit son temps pour les lire mais il n'en comprenait pas le sens et la combinaison de certaines lettres donnaient des sonorités étranges. Son mentor lui expliqua sans perdre patience. Il lui donnait la définition de subterfuge quand des éclats de vois éclatèrent à la table d'Alaman et Venerika.
- Tu n'es pas concentré ! tonna la chevalière.
- Si ! Mais je n'y arrive pas !
- C'est parce que tu ne fait aucun effort Alaman ! Tu ne peux pas progresser en regardant bêtement la page !
- Je ne peux pas lire les mots !
- Arrête avec cette excuse ! Le médecin de la famille royale s'est déplacé en personne pour examiner tes yeux et rien ne cloche alors cesse de me raconter des salades ! Si tu n'as pas envie d'être ici tu n'as qu'à sortir de cette salle et ne plus revenir !
Le silence se fit subitement et ils virent Venerika pâlirent en comprenant qu'elle était allé trop loin. Alaman bondit de sa chaise et le renversa en hurlant, les larmes aux yeux :
- De toute façon, je te déteste !
Il éclata en sanglots et s'en alla en courant. La chevalière s'élança derrière lui en criant :
- Alaman, reviens ! Je suis désolée !
Gordon soupira.
- Décidément ce garçon ne nous pose que des problèmes. Et on ne peut pas dire que Venerika soit un modèle de délicatesse.
- Moi je le crois, intervint Aymeric.
- A propos de quoi ?
- Il dit qu'il ne peut pas lire les mots car ils bougent devant ces yeux. Il n'avait pas l'air de mentir quand il m'a raconté ça.
- Tu as écouté comme moi : ses yeux sont normaux.
- Et si ça ne venait pas de ses yeux ?
- D'où alors ?
- Aucune idée : je ne suis pas médecin. Je dis juste que je le crois. Il a l'air d'aimer les livres puisqu'il demande à Firenza de lui faire la lecture.
- Ou il est trop fainéant pour le faire lui-même.
Ce fut au tour de l'enfant de soupirer. Pourquoi les adultes refusaient de laisser une chance à Alaman ? Pourquoi n'essayait-il pas de comprendre ? Il reprit son exercice plus distraitement car il se demandait où était son ami. Et s'il partait réellement ? Non, il n'abandonnerait jamais Firenza ! Après la séance de lecture, Gordon lui tendit un livre très fin.
- Lis la première page pour demain. Note les mots que tu ne connais pas et demain tu m'expliqueras ce que tu as réussi à comprendre. Va ranger ça dans ta chambre et rejoins-moi aux écuries. Un peu d'air frais nous ferra du bien.
L'enfant obéit et lorsqu'il arriva le chevalier quittait le bâtiment en tenant deux montures par les rênes. Il tendit celles de la plus petite monture à son apprenti et grimpa en selle. Aymeric y parvint aussi après quelques efforts et ils partirent en direction de la forêt, au pas. A cause de l'averse de la veille il faisait un peu frais et humide mais ce n'était pas désagréable. Gordon guida son cheval sur un petit sentier qui déviait du chemin principal et ils finirent par émerger face à de vastes champs.
- Voici nos cultures. Nous en prenons soin par nos propres moyens, pour ne pas dépendre de la couronne. Quand le temps des moissons viendra nous abandonnerons l'entraînement quelques jours pour abattre le blé. C'est un mal pour un bien ainsi qu'une excellente façon de renforcer les muscles !
Le chevalier éperonna Goinfre qui se lança au galop sur une route en terre battue entre les champs. Aymeric l'imita. Contrairement aux fois précédentes, il parvint à se caler sur le rythme du cheval. L'air lui fouettait le visage et lui ébouriffait les cheveux. Il se détendit et fit confiance à sa monture qui suivait docilement celle de Gordon. Ils s'enfoncèrent de nouveau dans la forêt et il sursauta en se cramponnant au pommeau de la selle lorsque le cheval bondit par-dessus une racine. Il se reprit rapidement et resta plus vigilant.
- On suit derrière ? demanda son maître en criant.
- Sans problème.
Aymeric poussa sa monture à aller plus vite. Elle dépassa Goinfre et l'enfant saisit l'air surpris du chevalier qui dit ensuite :
- Tu veux jouer à ça petit ?
Ils se lancèrent dans une course acharnée ou ils se dépassèrent à tour de rôle. Aucun des deux ne prenait la tête de la compétition. L'enfant encouragea son cheval en lui flattant l'encolure mais lorsque les équidés furent à bout, Gordon était en tête de deux mètres. Ils rentrèrent au pas pour ménager leurs montures épuisées à la gueule écumante. Arrivés à l'écurie, ils les remercièrent en leur offrant de quoi s'abreuver, des pommes et en brossant leur pelage transpirant. Aymeric se rendit compte qu'il aimait le contact avec l'animal au regard paisible qui se laissait cajoler sans se rebiffer. Désormais les chevaux ne lui inspiraient plus aucune crainte, même à l'idée de monter dessus et de le lancer au galop.
- C'était une bonne promenade mais la prochaine fois évitons de faire la course sinon nous finirons par épuiser tous les chevaux de l'écurie ! plaisanta Gordon. Bon, je suppose que c'est assez pour aujourd'hui. Fais bien les exercices que je t'ai demandé pour demain.
Aymeric fila en protestant intérieurement. Cette journée avait été beaucoup trop courte ! Certes ils s'étaient plus entraînés à l'épée que la veille mais il était loin d'être fatigué ! Malheureusement il savait qu'il ne servirait à rien de supplier son mentor. Si ce dernier décidait que c'était fini, c'est que c'était fini.
Le petit garçon regagna sa chambre mais frappa à la porte d'Alaman avant. Il n'obtint aucune réponse et s'enferma dans la sienne pour travailler sans être dérangé. Après l'épisode de la bibliothèque il s'inquiétait pour son ami mais travailler sur le livre que Gordon lui avait donné l'aida à calmer ses angoisses. Il s'efforça de traduire la première page. Beaucoup de mots lui étaient inconnus et il les releva scrupuleusement, refusant de ne pas connaître le sens entier du texte. A première vue cela parlait de deux enfants, un frère et une sœur, qui erraient dans la forêt parce qu'ils avaient été abandonnés par leurs parents.
Ce début lui fit penser à sa propre vie et il sourit. Désormais il n'était plus seul et il avait un endroit ou vivre pour les années à venir. Il extirpa le pendentif offert par Zolan de sous sa tunique et le serra dans sa paume en songeant à ses frères et sœurs à Ondre. Que faisaient-ils ? Est-ce qu'ils allaient bien ? Pensaient-ils à lui parfois ? Il se questionna là-dessus quelques minutes avant de se replonger dans son travail pour ne plus être triste.
Comme il n'avait rien de mieux à faire il essaya de lire la seconde page. Il la comprit encore moins que la première et décida d'arrêter là pour aujourd'hui. Il s'amusait à écrire les mots qu'il avait appris aujourd'hui quand Hydronoé rentra de son entraînement. Le dragon s'étendit sur le lit en poussant un grognement d'aise. Il était transpirant et visiblement épuisé.
- Qu'est-ce que tu as fait pour être dans cet état ? s'enquit Aymeric.
- Sandor m'a fait courir durant des heures et heures, encore et encore.
- Mais pourquoi ?
- Pour renforcer ma musculature et m'habituer à la souffrance physique en vue de ma première transformation en dragon.
- C'est douloureux ?
- Il semblerait. Sandor m'a expliqué que ce serait moins rude si mon corps était préparé.
- Quand est-ce que ça arrivera ?
- Un jour, lorsque ma nature de dragon sera assez éveillé pour me métamorphoser complètement. Apparemment on sait d'instinct quand ça va se produire. Pour le moment je suis encore jeune mais Sandor préfère s'y prendre tôt, pour éviter les mauvaises surprises.
Il se roula en boule et se couvrit de ses ailes en gémissant :
- J'ai mal partout...
- Tu veux un peu d'eau ? Ou à manger pour reprendre des forces ?
- Dormir, marmonna Hydronoé.
Aymeric quitta sa chambre pour laisser son frère se reposer dans le calme et se rendit dans la cour avec l'idée de se promener en forêt. Il vit Gordon et Venerika en grande conversation à côté de la fontaine. La chevalière paraissait affolée et ses yeux étaient gonflés comme si elle venait de pleurer. L'apprenti s'approcha d'un pas nonchalant en veillant à ne pas être dans leur champ de vision. Un mauvais pressentiment venait de s'emparer de lui et il voulait savoir de quoi les deux chevaliers discutaient.
Il avait conscience que ce n'était pas poli d'espionner les conversations des autres mais il s'en fichait comme d'une guigne. Il fit mine de tremper les bras dans la fontaine et de se rafraîchir le visage alors qu'en réalité il tendait l'oreille pour ne pas perdre une seule miette de la discussion.
- Tu n'as pas la moindre idée de l'endroit où il est ? demanda son maître.
- Non. Des gardes l'ont vu partir vers la forêt et puis plus rien.
- Tu as questionné Firenza ? Elle sent peut-être où il se cache.
- J'ai essayé mais elle a été incapable de répondre : elle est effondrée.
- Donc c'est plus qu'un simple caprice ou une envie de prendre l'air, commenta son mentor. Alaman a fugué.
Venerika porta une main à sa bouche et étouffa un sanglot.
- C'est de ma faute, dit-il avec les larmes aux yeux. J'ai été trop dure avec lui, j'ai manqué de patience ! Peut-être même qu'il disait vrai à propos de son problème de lecture...
L'expression de Gordon s’adoucit et devint presque tendre. Il posa une main rassurante sur l'épaule de la chevalière et déclara :
- Ne te juge pas trop sévèrement. Nous avons tous nos défauts et parfois ils prennent le dessus. Ce n'est pas ta faute si Alaman est parti : c'est lui qui a pris cette décision.
Les paroles de son maître rassurèrent Venerika qui essuya ses yeux humides et dit avec un sourire pâle :
- Tu as raison. Espérons qu'il finira par changer d'avis.
Aymeric s'éloigna discrètement, chamboulé. Alaman s'était enfui ? Pour de bon ? Comme ça, sur un coup de tête ? Il songea à la pauvre Firenza qui devait se sentir abandonnée et trahie. Il s'imagina laisser Hydronoé derrière lui sans un mot ou un au revoir. Rien qu'en se représentant l'air affligé de son frère, il comprit qu'il ne pourrait jamais faire une chose pareille. Ce serait comme abandonner une part de lui, un morceau de son âme.
Il erra dans les alentours du château, pensif. Ses pas le portèrent jusqu'à la chapelle dans laquelle il entra sans trop réfléchir. Il songea à prier Praeslia pour qu'elle aide Alaman à calmer sa colère et lui montre que la décision la plus stratégique était de rentrer. Seulement la présence d'une autre personne l'en dissuada.
C'était un garçon de son âge qui était assis, les yeux fermés, sous le vitrail d'Agradios, le dragon primordial favori de Gordon. Aymeric s'étonna de sa peau noire et de ses courts cheveux sombres comme les plumes d'un corbeau. Il se dégageait de lui un je ne sais quoi de tranquille qui incitait à l'apaisement. Il devait être originaire de ses peuplades du sud dont le corps était foncé à cause de l'intensité du soleil. Il y en avait peu à Ondre. On racontait qu'ils étaient sauvages et que les plus cruels pratiquaient le cannibalisme. Aymeric examina l'air paisible de celui qui se tenait à quelques mètres de lui et jugea qu'il ne devait pas être très dangereux, surtout s'il était apprenti dans une des gardes. Alors qu'il se faisait cette réflexion, l'autre tourna la tête vers lui. Embarrassé, il parvint à baragouiner :
- Bon...Bonjour.
L'inconnu lui sourit et ses yeux noirs comme la nuit pétillèrent d'amusement.
- Bonjour. Tu es nouveau ici ? Je ne t'avais jamais vu avant.
- Je suis arrivé il y a deux jours.
- Voilà pourquoi je ne te connais pas : j'étais en entraînement dans la nature avec mon maître.
- Vraiment ? s'étonna Aymeric. Tu es dans quelle garde ?
- Celle des chevaliers dragons. Et toi ?
Aymeric écarquilla les yeux à cause de la surprise. C'était donc lui dont Alaman lui avait parlé, le troisième apprenti ! Comment s’appelait-il déjà ?
- Tu es...Zacharie ? tenta t-il.
- Tu connais mon nom ?
- Oui, je suis apprenti chevalier dragon moi aussi. C'est Alaman qui m'a dit qui tu étais.
Zacharie se redressa et vint le serrer dans ses bras. Aymeric se crispa, gêné par ce contact avec un inconnu.
- C'est ainsi que nous nous saluons chez les miens, expliqua l'autre apprenti en le relâchant. C'est comme votre poignée de main !
- Tu viens du sud ?
- Exact. Du désert pour être plus précis.
- Du désert ?! s'exclama Aymeric.
Il se remémora son emplacement sur la carte et ajouta :
- C'est très loin du royaume d'Alembras ! Comment est-ce que tu es arrivé ici ?
- Ce n'est pas une histoire très intéressante à entendre. Dis-moi plutôt comment toi tu es devenu apprenti.
Aymeric lui raconta son intrusion dans le palais du roi, sa découverte des oeufs, son accident avec le couteau, la naissance d'Hydronoé et la décision du monarque de l'emmener ici afin qu'il devienne chevalier dragon.
- Je suis content que les dragons primordiaux t'aient guidés jusqu'ici, déclara Zacharie à la fin de son récit.
- Pourquoi ?
- Parce que souvent les enfants avec un potentiel comme le tien sont repérés par les mercenaires et les assassins qui les enrôlent de gré ou de force et ils deviennent des meurtriers redoutables. Aymeric frissonna car Zolan lui avait déjà dit la même chose. C'est pour cela qu'il ne l'autorisait à se battre qu'en dernier recours et le défendait de participer aux combats de rue. Le petit garçon se rendit compte qu'il pouvait remercier son frère de cœur d'avoir si bien veillé sur lui car il lui avait sans doute épargné un destin funeste.
- Je crois que je préfère défendre les gens que les tuer, affirma t-il avec un sourire.
- Alors tu devrais faire un bon chevalier. Je suis content que nous soyons frères d'armes ! Avec Alaman nous formerons un excellent trio.
Aymeric grimaça en entendant le nom du rouquin. Il se dandina d'un pied sur l'autre et dit d'une petite voix :
- Pour ce qui est d'Alaman...Il n'est plus là.
Zacharie perdit subitement sa bonne humeur. Son sourire s'affaissa et une lueur inquiète s'alluma dans ses prunelles sombres.
- Plus là ? répéta t-il d'une petite voix. Comment ça plus là ?
- Il a fugué après une dispute avec Venerika. Personne ne sait où il est mais ils pensent qu'il ne reviendra pas.
L'enfant a la peau sombre secoua la tête, les larmes aux yeux.
- Non...Il ne peut pas nous avoir abandonné comme ça ! Il va revenir, il a simplement agit sur un coup de tête ! Alaman est comme ça, il fonce avant de réfléchir. Tu vas voir, il sera de retour demain !
Aymeric pensait le contraire mais hocha tout de même la tête pour rassurer son camarade. Ce dernier se força à reprendre contenance.
- Je ferrais mieux d'y aller. Mon maître doit m'attendre. Nous nous voyons ce soir aux bains et au dîner, d'accord ?
Zacharie quitta la chapelle à pas pressés. Aymeric se demanda ce qu'il devait lui-même faire maintenant. Prier ? Au fond c'était une idée stupide. Qu'est-ce qu'un dragon primordial, s'ils existaient, en avait à faire des jérémiades d'un enfant qui se plaignait du départ d'un ami ? D'ailleurs Alaman et lui n'étaient pas si proches que ça. Ils se connaissaient depuis peu, pourquoi se mêler de sa vie privée ? S'il voulait partir, qu'il parte ! Il soupira et retourna dehors, démoralisé. Il scruta la forêt.
- Où es-tu passé imbécile ? marmonna t-il.
Il pénétra dans les bois et marcha longuement entre les troncs. Il escalada des rochers, traversa des ronces, des cours d'eau, sauta par-dessus des racines. Lorsque la nuit commença à tomber il rentra, attristé. Aucune trace d'Alaman dans les parages.
Il alla aux bains mais ne trouva ni Zacharie, ni Hydronoé. C'était normal : il arrivait avec les retardataires. Il ne se baigna pas dans les bassins et puisa directement de l'eau pour prendre sa douche. Comme ils étaient parmi les derniers, l'attente ne fut pas longue. Il se lava pensivement en songeant aux endroits où pouvait se terrer Alaman et surtout à la destination qu'il avait en tête. Est-ce qu'il voulait retourner chez lui ? Non, il semblait détester sa terre natale. Alors retrouver les marchands qu'il avait accompagné durant un temps ? Peut-être. Cette question le taraudait encore lorsqu'il entra dans la salle de banquet. Il faillit même passer devant son frère sans le remarquer. Il s'arrêta après l'avoir un peu dépassé, alerté par ses cheveux bleus. Hydronoé avait gardé une place pour lui ainsi qu'une assiette et il s'installa sans un mot.
- Tu arrives tard ce soir. Est-ce que ça va ? l'interrogea le dragon.
- Pas vraiment. Tu sais, Alaman s'est en allé...
- J'ai entendu. Firenza n'est pas à table et tout à l'heure elle pleurait dans sa chambre. J'ai mis de la nourriture de côté pour elle mais tu crois qu'elle en voudra ?
- Je ne pense pas mais tu pourras toujours essayer de lui apporter. Ça lui fera plaisir de voir que tu penses à elle...
Hydronoé baissa le nez dans son assiette et serra les poings. Un air peiné crispa ses traits et il demanda avec hésitation :
- Aymeric...Est-ce que tu m'abandonneras un jour toi aussi ?
- Non. Jamais.
Son frère plongea ses yeux jaunes dans les siens comme s'il cherchait à savoir s'il disait la vérité en fouillant son regard.
- Tu peux me faire confiance Hydronoé, insista t-il. Nous sommes frères maintenant, je ne te laisserais jamais derrière moi.
Le dragon se détendit un peu et se força à terminer le contenu de son assiette.
- Je vais apporter son repas à Firenza.
Il s'en alla sans rien ajouter et Aymeric fit la grimace. Pourquoi tout le monde le quittait en prenant cet air contrarié aujourd'hui ? Est-ce qu'il ne disait ou faisait quelque chose de mal ?
- Ne t'inquiète pas, il est juste chamboulé.
Le petit garçon se retourna vers Sandor qui tenait une assiette bien garnie à la main et une cruche dans l'autre.
- C'est extrêmement rare qu'une personne liée à un dragon ait la force morale nécessaire pour le quitter. C'est vraiment un déchirement intérieur, expliqua le dragon.
Aymeric remarqua son regard lointain et sa voix chargée d'émotion. Il demanda :
- Gordon t'a laissé lui aussi ?
Sandor hésita avant de répondre :
- Une fois. Il pensait qu'il ne me méritait pas mais il est rapidement revenu après quelques heures. Pendant une année il s'est plié en quatre pour regagner ma confiance et on peut dire que je ne lui ai pas fait de cadeau. C'était une peine atroce...Je pense qu'Alaman va revenir. C'est un enfant têtu mais il a un grand cœur. Il sera bientôt de retour, ne serait-ce que pour Firenza.
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