Le son des grelots

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Le ciel.

Je suis seule au beau milieu de l'infinité du ciel. Les toiles déchirées de quelques nuages parsèment les cieux céruléens. Quel bleu ! Je n'avais jamais rien vu de tel.

Je n'ai pas l'impression de flotter.

Effectivement, j'ai les pieds sur le sol. Une petite plateforme de quelques mètres de diamètre, au milieu de laquelle trône un arbre de petite taille. Ses feuilles sont énormes. Elles sont presque plus grosses que l'arbre lui-même. Et il y a de l'herbe aussi, incroyablement verte. Douce et fraîche. Il y a un moment que je n'avais pas vu d'herbe. Cette odeur, l'odeur de la terre et des plantes. Ça m'avait tant manqué, je m'en rends compte maintenant !

Mais malgré ces tendres retrouvailles avec le monde terrestre, mon regard ne cesse de se tourner vers l'horizon. Il n'y a pas d'autre plateforme. Nulle part. Cela conforte l'admiration et la liberté qui font gonfler mon cœur à la vue de cette étendue infinie.

Je ne veux qu'une chose : en faire partie. Je veux me fondre dans le ciel et devenir lui, ne former qu'un avec l'immensité.

Sans un regard vers l'oasis de douceur que je laisse derrière moi, je saute.

Le sol est si loin que je suis incapable de le voir. Peut-être n'y a-t-il rien en bas ?

Rien qu'un bleu intense et les courbes ivoires des nuages qui se densifient, partout. Le ciel m'étreint de tout son être et je me donne à lui toute entière. 

Je ne ressens ni peur, ni adrénaline, ni excitation. Tout est plénitude, et sérénité. J'aimerais que cette chute ne finisse jamais.

Je tombe. Le vent joue avec mes cheveux.

Autour de moi, la voûte céleste se pare de subtils dégradés. Du turquoise, de l'outremer, du cobalt en passant par le klein, jusqu'à l'indigo. Il n'est rien de plus beau que l'infini.

Les bleus capricieux et changeants se mêlent à la blancheur des cumulonimbus. C'est si rare d'avoir un temps magnifique comme celui-ci.

Oui, c'était vraiment le bon moment pour sauter.

J'aperçois quelque chose en bas. Des points se dessinent, si lumineux. Il y en a tellement ! Plus je m'en rapproche, plus les nuages s'écartent pour laisser leur lumière venir jusqu'à moi.

Mais progressivement, une ombre interminable et filiforme les recouvre. Elle est immense. Je tourne la tête vers la droite, et dégage les mèches que l'air plaque sur mon visage.

Une silhouette gigantesque flotte dans ma direction. L'espace d'un instant, des écailles s'irisent de lueurs diaphanes, offertes par la lumière des étoiles. Je reconnais cette créature. Un Léviathan Céleste d'une taille inimaginable. Ils errent toujours dans le ciel, comme dans les légendes. La liberté incarnée.

Je suis incapable de détourner le regard de cette magnifique créature, qui n'est censée exister que dans les mythes. Et pourtant, elle est bien là. 

Elle ondule vers moi, m'accompagnant dans ma chute. Sa taille est si titanesque que je suis incapable de dire quelle distance nous sépare. Le Léviathan ne cesse de se rapprocher, encore et encore. Et il reste paradoxalement si lointain.

Alors je tente de contrôler mon plongeon infini, les cheveux dressés par le vent. Je le sens, nous sommes si proches. Je n'ai qu'à tendre le bras pour rencontrer ses écailles irisées. Je n'ai qu'à tendre le bras.


Le brusque son des grelots me tire de mon sommeil.

Comme toutes les autres nuits, je me retrouve suspendue dans le vide par l'épaisse corde élastique accrochée à mes chevilles. Les clochettes fixées à la corde résonnent sauvagement lorsque celle-ci se tend sous mon poids, puis finissent leur concert dans une douce mélodie, au rythme de la brise.

Je suis encore tombée de mon hamac en dormant.

Maintenant que je suis là, je profite de la vue.

Cette nuit d'été est si belle, le ciel parfaitement dégagé. Les lumières de la ville en dessous de nous luisent ardemment et adoucissent l'obscurité. J'aperçois même un dirigeable résidentiel, à une altitude plus basse que celle de notre navire de nomades. Il est énorme. Mais il est loin de l'être autant que le Léviathan de mon rêve. 

Je baille, longuement. Il est temps de retourner dans mon hamac.

En remontant, mon regard se pose sur les turbines à vapeur de notre vaisseau. Je suis toujours aussi admirative devant ces inventions qui nous permettent de vivre dans les airs.

De tout mon être, j'ai la certitude que ma place est ici. À errer dans les cieux, comme les Léviathans.




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