Chapitre 14.3 : Astrid
La nouvelle révélation tomba sur le moral du groupe de héros d’infortune comme une chape de plomb. Tous se dévisageaient les uns les autres, incertains quant à ce qu’ils venaient d’entendre. Pourquoi la Déesse avait-elle décidé de les confronter à Seven ? Pour les prévenir du danger que le grand homme représentait ?
― Merveilleux, laissa échapper Yume en premier, faisant tomber bruyamment ses bras le long de son corps. Et j’imagine qu’il y avait une femme particulièrement sexy avec lui qui avait des traits un peu trop similaires à ceux de notre adorée Iakyndy, je me trompe ?
― Comment tu as deviné ?! s’écrièrent de concert les deux jeunes filles.
Dépité, Yume laissa échapper un rire nerveux.
― Je sais pas pourquoi cette femme état là, dans nos épreuves, dit-il, croisant ses bras sur son torse, ce qui fit ressortir ses biceps. Mais j’ai l’impression que tout tournait autour d’elle. Encore une fois : j’ai raison ?
― Plus ou moins… confirma Astrid à demi-mot, qui saisit l’occasion idéale pour reprendre son récit là où elle l’avait arrêté.
Renouant avec le fil de son épreuve, la jeune fille expliqua la fin de ses mésaventures. Elle raconta la façon dont elle était parvenue à se défaire une première fois de Seven, puis comment elle s’était retrouvée par hasard aux prises d’une jeune femme à la peau de cristal luisante. Elle n’oublia pas de conter l’acharnement dont les deux antagonistes avaient fait preuve pour s’emparer de la version bébé de Fileya. Cette dernière fronça les sourcils à cette annonce, mais prit la décision de ne pas interrompre une fois encore le monologue de son amie. Cependant, son incompréhension laissa rapidement place à la stupéfaction quand Astrid mentionna la manière dont elle s’était elle-même protégée dans un cristal pour échapper à ses ravisseurs.
― Ça te dit quelque chose ? se risqua l’Enfant aux Yeux Rouges en levant un regard inquiet en direction de son amie.
Ses espoirs d’obtenir enfin des réponses volèrent en fumée quand elle vit la jeune Invoqueur secouer tristement du chef de gauche à droite.
― Pas du tout… confia-t-elle, confuse et perturbée. Je n’avais même… jamais entendu dire qu’un magicien était parvenu à se protéger en s’enfermant dans un cristal. Mais cela voudrait-il dire que…
― Que tu aurais vécu la chute de la Cité des Invoqueurs ?! interrompit Thandon, qui n’avait pas ouvert la bouche jusqu’à présent.
Il fallait dire que le jeune garçon n’avait eu que de très rares occasions de se manifester. Il ne comprenait pas tout à fait ce que ses amis avaient pu endurer, dans leurs épreuves, et garder le fil de la conversation sans se perdre représentait déjà, à ses yeux, une véritable épreuve. Malgré tout, au vu de la passion avec laquelle il s’était exprimé, Astrid ne doutait pas de sa fascination pour tous les secrets cachés derrière leurs illusions.
― Oula, doucement… On n’a dit pas de conclusions hâtives… ! rappela Yume en levant une main pour calmer les ardeurs de leur ami originaire de Buxih.
― Mais tellement de choses font sens… marmonna Fileya, pensive.
Perdue dans ses pensées, la jeune fille commença à effectuer les cent pas, ses dents mordillant la chevalière de River à son index dans un signe d’anxiété. Au bout de plusieurs secondes qui parurent interminables, Fileya suspendit ses petites foulées, et annonça, gravement :
― Imaginons que ce cristal dans lequel j’ai été enfermée ait protégé aussi bien mon corps que mon temps ? J’aurais très bien pu vivre sans me souvenir de la Chute des Invoqueurs ! Ceci expliquerait pourquoi je suis la dernière descendante de mon peuple ! Et pourquoi personne n’est capable de me dire quoi que ce soit sur mes parents ! Parce qu’ils sont morts non pas après mais pendant la Chute !
― Fileya, arrête, l’interrompit tout à coup Yume, qui sentait que son amie partait trop loin dans ses réflexions.
Dans un geste réconfortant, le jeune homme vint apposer une main ferme sur son épaule. À ce contact, les oreilles de chats sur la capuche de la jeune fille se dressèrent aussitôt.
― Te torturer l’esprit comme ça arrangera rien, poursuivit-il, gravement, mais ne se cherchant pas un ton moralisateur. Crois-moi, je sais de quoi je parle.
Son regard bleu lagon se posa alors sur les marches de cristal scintillantes, apparues après qu’Astrid ait franchi les portes de son épreuve.
― Y a qu’une seule personne pour mettre tout ça au clair, dit-il, les sourcils légèrement froncés.
― La Déesse, approuva Léterno de son pragmatisme habituel. Ses desseins m’intriguent de plus en plus. J’ai bien fait de vous accompagner.
― Heu… je suis le seul à être définitivement perdu, ou bien… ? intervint tout à coup Thandon, une timide main levée, comme s’il cherchait l’autorisation pour prendre la parole.
― Non, moi aussi je comprends pas, annonça Khomas, petit bonhomme bien trop oublié dans cette cacophonie infernale de théories et de raisonnements. Et j’ai froid, en plus, on peut pas partir ?
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