Chapitre 2 : Hattï le nain guerrier (Hattï)

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A plusieurs lieues au sud du camp des loups écarlates, à la frontière du territoire du clan, le vent soufflait. En fait, il ne faisait que ça depuis près d’une semaine. A une centaine de mètres du canyon du serpent, seul passage permettant de rallier les terres de l’empire, se dressait plusieurs centaines de monolithes disposés en ligne de façon ordonnée.

Chacun d’eux mesurait environ deux mètres, pourtant tous étaient ridicules comparés à celui qui se tenait à la tête de cette cohorte de pierre. Celui-ci mesurait entre six et sept mètres, il était couvert de gravures et de symboles chamaniques que seuls les plus vieux érudits parmi les Parle-Braises auraient pu interpréter. Mais le plus marquant sur ce monument c’était l’emblème qu’il arborait : une tête de loup noir gravée en relief sur la pierre.

Malgré la beauté artistique du site, il s’en dégageait une atmosphère sombre mais aussi solennelle qui inspirait le respect.

Hélas cette atmosphère était loin de préoccuper la meute de prédateurs qui rampait entre les pierres à cet instant. Un serpent des glaces, mesurant environ deux mètres de long, scrutait avec envie une proie de choix qu’il n’avait encore jamais croisée. Un bipède se traînait dans la neige à quelques dizaines de mètres de lui. Il était petit, mais semblait très musclé. Il était vêtu d’une armure de plaques et portait un casque qui ne laissait deviner de son visage qu’une longue barbe noire tressée.

Le reptile n’avait jamais vu un bipède avec une telle morphologie, encore moins un bipède s’aventurer seul sur son territoire. Pourtant aucune de ces questions n’occupait l’esprit farouche du serpent. Ces créatures avaient certes une intelligence supérieure à la majorité des monstres des hautes montagnes, elles demeuraient cependant plus proches de l’animal que de l’être pensant.

Non, ce qui occupait l’esprit du serpent en cet instant était la faim, et la manière dont il allait se rassasier. Par mégarde, le monstre fit un mouvement brusque qui fit craquer la neige sous ses écailles. Le bipède s’arrêta, à l’affut. D’instinct, le serpent se retira dans le champ de pierres hors de la vue du bipède puis plongea sous la neige.

Hattï scrutait la forêt de pierre, à la recherche du moindre mouvement. Ne voyant rien bouger il se remit en marche, il savait très bien qu’il ne devait pas s’arrêter, il devait bouger pour rester en vie. Les mots de ses proches résonnèrent à nouveau dans sa tête. « Ne va pas au nord », « Les Géants n’existent pas, tu ne trouveras que la mort dans ces montagnes ! », « Il n’y a aucun peuple qui vit dans les Hautes Montagnes ! », « On ne peut pas franchir les montagnes du nord. ».

Ils avaient en partie raison, il risquait en effet de mourir ici, mais ils avaient tort pour le reste. Il y avait bien un passage pour franchir les montagnes, il l’avait trouvé alors qu’il ne figurait sur aucune carte connue, et il y avait ces monolithes. Lorsque le jeune nain les avait aperçus il avait su que leur disposition n’avait rien de naturelle, c’était la preuve qu’il recherchait, celle de l’existence d’un peuple vivant dans les hautes montagnes du nord. Il n’y avait aucune garantie qu’il s’agisse des géants mais il n’avait plus rien à perdre.

La guerre déchirait l’empire, les forces du chaos rasaient tout sur leur passage. Les pertes se comptaient en plusieurs milliers seulement parmi les civils. L’alliance des nains, des elfes et des hommes n’arrivait pas à endiguer le flot de monstres et de démons déferlant depuis l’ouest.

En tant que soldat, Hattï était prêt à n’importe quel sacrifice pour le peuple nain et pour l’empire. Mais avant d’être un soldat, c’était un jeune nain passionné d’histoire et d’archéologie. Il avait donc lu tout ce qu’il avait à lire sur l’histoire de l’empire et des territoires qui le composaient.

Si bien qu’au vu de l’incapacité des races à stopper les armées du chaos il s’était mis à chercher des armes et des formes de magie susceptibles d’aider l’armée impériale.

Mais au lieu d’une arme il avait trouvé un allié potentiel : les géants. Pour la plupart des habitants de l’empire cette race n’était qu’une légende, mais pour un cercle très fermé d’historiens et d’archéologues il y avait une part de vérité là-dedans.

Hattï n’y croyait pas non plus, enfin jusqu’à il y a un an environ. Alors qu’il était en permission sur un site de fouille dans l’ouest de l’empire lui et son équipe avait découvert une antichambre gigantesque. Les glyphes et l’architecture concordait avec les légendes au sujet des géants, et l’âge des ruines remontait à bien avant la création de l’empire et l’apparition des premières races. Mais ce qui avait le plus retenu l’attention de Hattï dans cette découverte était une ancienne carte ainsi que des coordonnées géographiques dans les hautes montagnes du nord mettant en évidence la présence d’un passage dans les montagnes.

Pourtant, en dépit de cette découverte la plupart des archéologues et érudits de l’empire n’étaient pas convaincus de l’existence des géants. Quelques-uns partageaient pourtant l’opinion de Hattï et étaient prêts à lui apporter leur soutien.

Avec leur aide le jeune nain avait réussi à mettre sur pied une expédition de reconnaissance dans les montagnes. Malgré les protestations et les avertissements de ses proches Hattï était parti avec une trentaine d’autres nains vers les montagnes à la recherche de ce fameux passage.

Mais après seulement une semaine de marches Hattï s’était retrouvé tout seul : le matin du 8ème jour il s’était réveillé au cœur d’un campement vide. Ses camarades l’avaient abandonné en emportant ses montures avec eux.

Dégouté par la lâcheté de ses compagnons, la détermination du jeune nain n’en fut pas pour autant ébranlée. Il avait rassemblé ses affaires et avait repris la route. Après deux jours de marche en longeant la chaîne montagneuse il avait finalement atteint l’entrée du fameux canyon mentionné démontrant ainsi la véracité de ses propos. Un sourire triomphant il s’était engouffré dans la faille et l’avait traversé en moins d’une journée, pour finalement déboucher aux milieux du champ de monolithes.

Ragaillardi par cette découverte, il entreprenait à présent de traverser ce site aussi mystérieux qu’inquiétant et en trouver les artisans. Ses camarades étaient des lâches et des ignorants, ils avaient tort et il en avait la preuve à présent.


Un nouveau crissement dans la neige l’arracha à ses pensées. De nouveau, il s’arrêta, tous ses sens en éveil, dégaina son épée et son bouclier serti de puissants symboles runiques.

Il se mit en position défensive, levant son bouclier et sa lame bien haut. Le bruit se produisit à nouveau sur la gauche, Hattï tenta de pivoter mais il glissa sur une couche de glace. Manquant de perdre l’équilibre le nain se campa sur ses genoux et parvint à se stabiliser.

Lame au clair, Hattï se redressa, à l’affut, le bruit semblait tourner autour de lui. Puis tout à coup le bruit s’arrêta, mais le nain savait qu’il n’était pas seul, les bruits qu’il avait entendus ne pouvaient qu’être le fruit d’un animal…ou d’un monstre.

Le serpent rampait l’épaisse couche de neige, tournant autour du bipède à la recherche d’un angle mort dans la défense de sa proie. En dépit de la différence de taille le monstre se méfiait, le bâton de mort et l’immense écaille que brandissait le bipède lui imposait une certaine prudence. Il avait vu suffisamment de ses frères être tués par les bâtons de mort que les bipèdes utilisent pour chasser.

De plus celui-là était très différents, il semblait être couvert d’une solide carapace. Mais le besoin de se nourrir prédominait sur les risques que cette proie inconnue représentait, et le monstre occulta les doutes qui assaillaient son esprit de prédateur. Le reptile força l’allure, passa dans le dos de sa cible et fonça droit sur lui. Le monstre surgit du sol dans un geyser de neige, sa gueule pleine de crocs longs et brillants comme des couteaux. Le bipède n’était plus qu’à quelques centimètres, mais tout à coup sa silhouette devint floue.

Un reflet métallique brilla, et un fracas d’acier contre écaille retentit. Le serpent des glaces fut jeté à terre, avant même qu’il ne puisse se relever le crâne du monstre fut transpercé par une épaisse lame d’acier. Cloué au sol le reptile fut parcouru de spasmes puis ne bougea plus.

Hattï poussa un soupir de soulagement et extirpa son épée du crâne du monstre. Il remercia en silence la capacité innée des nains à ressentir les vibrations du sol, grâce à laquelle il avait pu repérer le prédateur à temps. Après avoir essuyé sa lame sur les écailles de la bête, il s’apprêtait à rengainer mais il s’abstint. Il sentait de nouvelles présences se déplacer sous la neige, trois, non, quatre créatures approchaient à leur tour. Hattï se remit aussitôt en position de combat. Il décida de mettre le plus de distance entre lui et les monstres. D’un pas sûr et vif il reprit sa progression vers la sortie du champ de laquelle pierre. Il sentait chaque mouvement des serpents des montagnes, devinant ainsi leur position. Le nain accéléra, le premier serpent à surgir vint de la droite.

Le monstre mesurant 3 mètres au moins rampa à toute vitesse, droit sur Hattï, sa colonne vertébrale se déplia comme un ressort, la silhouette du monstre se mua en un trait flou de couleur bleu cristalline.

Au dernier moment le nain se baissa et glissa sur la neige, soutenu par son bouclier. Le corps du serpent décrivit un arc de cercle juste au-dessus de la tête de Hattï. Il arma son bras et abattit sa lame sur la nuque du monstre. La tête du serpent vola dans les airs avant de percuter un monolithe et son corps tomba dans la neige avec un son mat. Hattï se remit sur pieds avec une roulade et se remit à courir.

Il n’était plus qu’à quelques mètres lorsque deux autres serpents des glaces surgirent sur sa gauche. Plus petit que les précédents, 1 mètre cinquante chacun, ils n’en demeuraient pas moins dangereux. Hattï écrasa le crâne du premier de son bouclier et trancha la tête du second comme on fauche un brin d’herbe. Sans attendre le dernier monstre le nain quitta le champ de monolithe.

Mais à peine avait-il franchi la dernière rangée de pierre, le dernier serpent jaillit de la neige, coupant la route au nain. Le monstre était beaucoup plus imposant que ses congénères que Hattï avait occis. Il mesurait environ 6 ou 7 mètres, en le voyant le jeune nain eu des sueurs froides, il savait qu’il ne pourrait pas vaincre cette créature. Le monstre bomba le torse et cracha une rafale glaciale sur Hattï.

Ce dernier brandit son bouclier juste à temps pour se protéger. Les protections runiques du bouclier crépitèrent au contact de la glace, cela prouvait quelles fonctionnaient. Mais cela ne suffit pas, très vite Hattï sentit un froid mordant agresser son avant-bras, et entendit le son strident de l’acier se fissurant sous l’action du gel : son bouclier venait de se briser.

Le bouclier d’Hattï céda et le nain fut balayé par une vague de froid mortel. Son armure d’adamantine ne lui offrant qu’une protection mineure contre le souffle du serpent et bien vite la glace paralysa les muscles du guerrier. Ses forces l’abandonnant, le nain lâcha son épée, les jambes et la moitié du torse piégés dans un cône de glace. Son sang se figeait lentement dans ses veines.

Le serpent des glaces émit un sifflement que Hattï, l’esprit embrumé par le froid, crut être un rire de satisfaction. Le monstre se dressa de toute sa hauteur, prêt à frapper, la gueule grande ouverte, ses crocs et ses crochets brillant à la lumière de l’astre solaire. Le malheureux nain transi par le froid peinait à garder les yeux ouverts, il ne put que voir le reptile se transformer en un reflet informe bleu avant de sombrer.

Le serpent des glaces plongea la gueule grande ouverte prêt à engloutir le bipède. Mais alors qu’il sentait presque l’enivrante odeur de sa chair et de son sang chaud, un claquement sec retentit, un rayon de lumière accrocha un trait d’acier. Une pointe métallique transperça la gorge de la créature, le recul du choc stoppant net sa charge. La flèche se ficha dans l’un des monolithes comme si c’était du beurre, clouant le monstre au rocher.

Alors que la vie quittait son corps, le reptile vit approcher son bourreau. Un représentant de la race que les siens craignaient et haïssaient : un immense bipède, haut de près de 6 mètres, un faciès buriné doté d’un front bas, une longue barbe noire tressée ainsi qu’une chevelure épaisse aussi sombre que la barbe. L’un des maîtres incontestés des hautes montagnes du nord, les grands sangs chauds qui affrontaient les serpents millénaires : un géant.

Le colosse, armés d’un arc fait d’ivoire et de bois, retira sa flèche de la dépouille du serpent puis se pencha sur le petit être trapu à moitié gelé. Et comme s’il cueillait une fleur il saisit ce dernier, l’extirpant de son cocon de glace avec une finesse que ses larges mains ne laissaient paraître.

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