Sur la table
L’interdit rend la chose aussi intense que précipitée. Il emplissait sa bouche entrouverte de baisers, lui mordant les lèvres sans qu’elle ne tourne la tête. Les rictus qui déformaient joyeusement son visage ont laissé place à l’extasique paralysie du plaisir. Ils s’étendaient ainsi sur la table en acier. Les paumes des mains ouvertes pour recueillir la chair. Elle s’épluche comme un fruit bien mûr, se détache du corps et des visages pour les rendre plus nus que nus. Les doigts tissent le désir dans le grain de la peau et s’enfoncent en elle pour caresser ses reins. Alors le corps tout entier est une muqueuse.
Elle est blanche comme la lumière d’un phare. Elle le guide jusqu’à qu’il soit en elle. Comme la lune, il fait descendre et monter ses marées, avec sur le bout de la langue, le sel de leurs enlacements sablonneux. Ils ne couvrent pas entièrement son inquiétude. Il sait qu'il pourrait arriver d’une minute à l'autre et le voir lui, avec elle. Mais il ne peut pas s’arrêter, pas maintenant. C’est physiquement impossible. Bernard cherche le regard de Madame Denis, en vain. Il trouve son odeur et la retient dans une inspiration. Au moment de la souffler dans un gémissement, la porte s’ouvre sur son ami, les bras ballants, estomaqué. Il enlève son masque et ses lunettes pour les regarder imbriqués.
— Putain Bernard
— Je suis désolé Patrick
— Mais pourquoi tu l’as baisé ?
— qu’aurais-tu voulu que je fasse ?
— l’autopsie Bernard, l’autopsie.
D'après une idée du poète J.M Bigard.
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