Un nouveau jour
– Bonjour, monsieur Blanchard.
Dans un coin de mon sommeil, la voix pénètre l’épais nuage de mon cocon. J’entends des pas. Des bruits de frottement métalliques. Des lueurs blanches se peignent sur mes paupières.
– Comment vous sentez-vous ce matin ?
Je cligne des yeux vers la voix. Un visage de femme que je ne connais pas. Ce matin. Le matin.
– Mes collègues m’ont dit que vous avez eu une nuit difficile, avec des cauchemars…
Je reconnecte lentement ma conscience à mes souvenirs. Des flashs. Des douleurs. Le corps de Rémi. Sa vie. Ma vie. La colère… Le cauchemar est toujours là. Mais ce n’est pas un cauchemar. C’est la réalité. Je suis le cauchemar.
– Oui… je suis désolé… murmuré-je.
Un sentiment de honte se diffuse en moi tandis que les images de la nuit se précisent. Qu’est-ce que j’ai raconté ? M’ont-ils pris pour un fou ?
– Oh, ne vous en faites pas, ça arrive. Surtout après le traumatisme que vous avez vécu. Et puis, on a l’habitude, vous savez….
Et moi, est-ce que je vais m’habituer ?
– L’important c’est que vous ayez réussi à vous reposer et que vous vous sentiez mieux aujourd’hui.
Un nouveau jour. Une migraine. Des élancements au visage. Un corps à guérir. Pour mon ami. Pour moi… « Supporter l’insupportable ». Je sens la colère et le chagrin sourdre sous la croute fragile de ma conscience. Allongé à la surface, j’observe une terre en friche, une ville fantôme, peuplée de souvenirs déracinés.
Debout, Stan. Je dois me lever. Et marcher. Arpenter les ruines, comprendre le mystère, chercher l’étincelle, trouver celui qui… Je suis Stanislas.
– Je vais prendre votre température et votre tension… Le petit déjeuner ne va pas tarder.
Je regarde cette femme aux cheveux châtain clair qui effectue ses gestes de soin quotidiens, avec un air aimable et un grain de beauté au-dessus de la bouche.
– Comme vous êtes arrivé dans le service hier après-midi, je ne vous ai pas vu, mais je m’appelle Elsa… Je reviendrai vous voir plus tard pour la toilette.
– Merci, Elsa… Moi, je m’appelle S... Rémi.
– Alors à tout à l’heure, Rémi.
La lassitude m’enveloppe. Une chape d’accablement coule sur ma volonté. Je suis l’ombre de Stan dans le reflet de Rémi. Je suis le fantôme de Rémi dans un monde de Stan. Je suis Stan dans le corps de Rémi.
« Accepter l’inacceptable ». Je laisse le sommeil oublier.
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