Terre d’espoir
Une chambre d’hôpital. La nuit de novembre est tombée depuis longtemps. Le bruit d’un chariot dans le couloir. Le silence pointillé d’une respiration. Ma respiration. L’hébétude d’un regard dont le monde est intérieur. Du sel sur la peau. La pluie s’est arrêtée. Les bourrasques de l’ouragan ont chassé la tempête. La houle s’est apaisée. Les éclairs ne déchirent plus la nuit. Le noir est revenu. L’esquif de ma conscience goutte encore du fracas des vagues, grince de ses planchers brisés, de sa coque percutée par les flots. Mais il n’a pas sombré, englouti par les profondeurs du néant. Il a tenu bon. Je suis. Là.
Je me lève, chancelant, à moitié nu. J’avance de quelques pas vers la nuit. Dans le noir, j’aperçois des lumières. Le nouveau monde. La fin d’un voyage sans retour, d’un cauchemar insensé, d’un naufrage annoncé.
Mais je ne suis pas un naufragé. Je suis un migrant, avec les souvenirs de mes ancêtres, de ma famille, de mon passé, enfouis quelque part au fond du cœur. Je suis colon dans le lagon d’une terre promise. Une terre d’espoir. Une terre d’incertitude. Une terre de tous les possibles. Une terre qui reste à construire et que j’appellerai bientôt « chez moi », une vie qui reste à bâtir et que j’appelle déjà « la mienne ». Demain, lorsque le jour aura chassé la nuit, lorsque le soleil sera haut dans le ciel, je poserai les pieds sur cette terre. Maman viendra me chercher. Clarisse viendra nous retrouver puis m’embrasser, Jules et Zoé me donneront la main.
Je suis Rémi. Il est temps de rentrer à la maison.
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