6. Mathéo
Je sortais de chez le fleuriste avec un joli bouquet de roses blanches, ses fleurs préférées. Je me dirigeais lentement vers le cimetière à quelques rues seulement. Une fois devant sa tombe, j’y déposais les fleurs avant de réarranger le reste des bouquets et cartes. Je replaçais correctement le cadre sur lequel apparaissait le visage souriant et heureux de ma sœur. Elle était partie bien trop tôt, Lilas avait mis fin à ses jours l’année dernière, tout ça à cause d’une seule personne, une personne que je haïssais de tout mon cœur. Lucie Baschet, la pire peste que la terre ai jamais porté, elle avait harcelé ma petite sœur pendant deux ans, deux longues années pendant lesquelles Lilas n’avait rien dit à personne, deux années durant lesquelles elle avait dû donner tout son argent à Lucie, volait pour elle, et tout un tas d’autres sales boulots pour cette garce. Lilas avait fini par ne plus pouvoir supporter tout ça et elle s’était suicidée. Une part de moi en veut à ma petite sœur d’être partie comme ça, tandis que l’autre la comprend et déteste, non hait Lucie au plus haut point. Je m’assis par terre devant la pierre tombale et déplie la lettre, seule chose qu’elle m’a laissée. Je commence à la lire, bien que je la connaisse par cœur : « Cher Mathéo, tu dois avant tout savoir que je suis désolée de partir ainsi, mais je n’en peux plus, c’est trop dur de continuer à vivre dans ces conditions. Je sais que tu dois m’en vouloir et je te comprends. Tu trouves sûrement ça lâche de te raconter tout ça alors que je ne suis même plus là. Tu as le droit de savoir pourquoi j’ai fait ça. A mon entrée en quatrième, j’ai commencé à me lier d’amitié avec Axel Baschet, je sais pas si tu t’en souviens, je t’en avais parlé, il était gentil avec moi et me défendait quand les autres m’insultaient, je n’ai jamais compris ce qui m’a valu tant de haine. Quand j’ai vu la sœur d’Axel, Lucie, pour la première fois, je ne m’étais en aucun cas douté du calvaire qu’elle s’apprêtait à me faire vivre. Tu n’as pas idée de tout ce qu’elle me demandait de faire, tout mon argent de poche y est passé, elle m’a tout pris. Puis quand je n’en avais pas, elle me frappait, tous ces bleus et ces coupures sur mon corps, ce n’était pas des petits accidents de maladresse comme je te le disais, c’était elle. Enfin, tout ça n’est rien comparé à ce qu’elle m’a obligé à faire après, j’ai volé, Math’, j’ai volé. Moi Lilas Sanchez, j’ai pris de l’argent dans les poches des vêtements de papa et maman, des tiens une fois aussi, j’en ai même pris dans la tirelire d’Angie. Si tu savais comme j’ai honte de ce que j’ai fait. Seulement elle n’en avait pas terminé avec moi, elle a fait circuler tellement de rumeur sur moi que j’ai arrêté de les compter. Mes amis m’ont abandonné petit à petit même Axel au final, je me suis retrouvée seule face à elle, non à eux, tout le collège était contre moi, Lucie était au lycée mais elle avait des amis en pagaille au collège et ils l’ont aidée. J’étais seule Mathéo, seule contre l’ensemble de l’établissement et ça continue encore et toujours même deux ans après. Tu sais, j’ai essayé d’en parler mais ça s’est retourné contre moi, comme toujours à vrai dire. C’est simple, un jour une fille que je ne nommerai pas, parce que je n’en vois pas l’intérêt, ceux qui m’ont fait ça ne paieront jamais je le sais. Bref, cette fille est venue me voir et elle m’a fait croire qu’elle pouvait m’aider, qu’elle comprenait ma douleur et que ce que je subissais était dégueulasse. Elle m’a poussée à me confier à elle, ce que j’ai fini par faire, je lui ai tout dit, tout ce qu’on me faisait subir. Le lendemain, Lucie m’a attendue à la sortie des cours et elle m’a entraînée dans une ruelle où elle m’a tabassée avant de partir en me disant de ne plus jamais en parler à personne. C’est là que j’ai compris, là que j’ai su qu’elle était comme les autres, qu’elle m’avait trahie et que j’étais à nouveau seule, bien qu’en vérité je l’ai toujours été. Je suis désolée grand frère, je vous aime tous, prends bien soin d’Angie et des parents. Ne m’oublie pas, je t’aime. Je t’aime, je te le jure mais ma vie est terminée et j’aurai 14 ans pour toujours. Ne t’en veux pas, moi je ne t’en ai jamais voulu. Ne m’oublie pas… Lilas, ta sœur qui t’aime. ». Comme à chaque fois que je lisais sa lettre, je fondais en larmes. Pleurant la sœur que la vie m’avait enlevée, si seulement j’avais été là, plus présent pour elle. La sonnerie annonçant l’arrivée d’un nouveau message me tira de ma peine, m’offrant une courte distraction. Le message provenait d’un numéro que je ne possédais pas dans mes contacts : « Salut, c’est Nathanaël Courdec, je me demandais si vous étiez partant pour fêter Halloween avec moi ? Je vous rassure, je ne fais pas ça par amitié, je sais que comme moi vous avez quelque chose à reprocher à Lucie Baschet. Je vous propose donc une vengeance, on doit préparer une fête pendant laquelle on lui fera la peur de sa vie. Alors c’est bon pour vous ? Rdv devant le lycée à 18h demain. ». Waouh, si je m’attendais à ça, je répondis dans l’immédiat que je serais présent. Je n’allais tout de même pas manquer une occasion de venger ma sœur. J’allais enfin pouvoir faire payer à cette fille le mal qu’elle avait fait à Lilas. Elle allait enfin comprendre ne serait-ce qu’une petite partie de la douleur de ma sœur. Vu le message nous serions sûrement beaucoup, je pourrais lui montrer ce que c’est d’être seul contre tout un groupe. Si seulement c’était elle qui était morte et pas Lilas, si seulement…
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