Chapitre 5

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— Je suis désolé professeur. Je suppose que si vous vous agitez devant lui, sans toucher à son dispositif, ça ne change rien.

— Exactement. Ça ne change rien du tout. D’ailleurs, vous allez le constater par vous-même. Je vais sonner la fin de la récré.

 Je croise les bras, dubitatif alors que cette nouvelle pièce d’un euro disparaît elle aussi, tout aussi lentement et radicalement que les précédentes, sous le doigt du maître qui fixe intensément la passe en cours. Dans ses yeux, une émotion intense. Étrange. On dirait qu’il est…

- Clap clap ! -

— Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre assistance. Je vous prie de reprendre vos postes s’il vous plait.

 Infirmières, aides-soignants et agents d’entretien s’exécutent aussitôt. La porte de la chambre s’ouvre derrière moi. S’ensuit une sortie en enfilade de l’ensemble du personnel présent. La femme au plateau-repas ferme la marche. Elle interroge du regard la table de chevet, théâtre des représentations.

— On la remettra à sa place dans la nuit, durant son sommeil, Mathilde, merci, conclut-il avant de m’inviter à sortir.

J’interromps son intention d’un simple geste.

— Un instant, je vous prie.

Le professeur se fige.

L’euro a disparu. Fin du tour.

Il relève à nouveau la tête.


 Je lui saisis alors les épaules des deux mains, lui transmets ma chaleur. Le fixe droit dans les yeux. Deux orbites aux allures de trous noirs, dans lesquels tout l’univers semblerait pouvoir être avalé. Je reste là, face à lui, à la recherche d’une accroche, un détail à partir duquel je pourrais entrer en communication. Durant un bref instant, je m’isole, avec lui. Plus rien autour de nous n’existe. Je sens qu’il pourrait me suivre. Je suis capable de rompre le cycle. Ce bref moment de rupture n’existait pas précédemment.

 D’un coup, par delà les abysses de son regard, jaillit une étincelle. Il cligne des yeux. Il va reprendre. Je perds le lien. J’aurais aimé que cet instant soit éternel. Il m’aurait fallu au moins cela pour le remercier, lui rendre hommage. Mais il n’en est rien. Je profite alors des dernières fractions de seconde pour interpeller, au fin fond de ses yeux, l’âme qui s’y cache.

— Au revoir, Pédro. Au revoir.

Sur son visage, un frêle sourire s’esquisse.

Il se redresse et m’interpelle.

— Vous n’avez pas bien vu, je suppose ? Allez, pour vous, je re-co-mmence ! m’annonce-t-il.


 Hosch, visiblement déçu, m’indique à nouveau la porte de la chambre.

Je me résigne à tourner les talons, à quitter la pièce. Et mon mentor.

J’attends dans le couloir le responsable qui ferme la porte.

Fin de la représentation.

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