Bien que nous ayons tous deux quinze ans, Naoki n'a pas sauté une classe comme moi et est toujours en classe de seconde. Cela ne nous empêche pourtant pas de nous retrouver tous les jours à seize heures au club de littrature. Nous y passons les deux heures dédiées à cette activité ensemble.

Nous partageons nos lectures et nos textes, nous nous conseillons et nous entraidons mutuellement. Une relation amicale s'est ainsi liée entre nous au fil des jours et des semaines et, pour l'instant, aucun de nous deux n'a à le regretter comme il l'affirmait. C'est ce que je lui fais souvent remarquer mais à chaque fois, il rétorque :

- C'est juste une question de temps. Un jour, tu verras, tu le regretteras.

Et à chaque fois, je détourne la conversation vers un sujet plus joyeux.

Ces moments passés ensemble quotidiennement nous permettent aussi d'apprendre à mieux nous connaitre. J'ai ainsi découvert que Naoki est bien plus qu'un adolescent dépressif. C'est un garçon très intelligent et doué dans plusieurs domaines, dont les maths, mon point faible . . .

Il a une culture générale très développée, ce qui rend la conversation avec lui agréable et intéressante.

Nos entrevues durent ainsi jusqu'après la fermeture du club. Nous quittons l'école et faisons le chemin du retour ensemble, jusqu'à ce que nos routes doivent se séparer pour que chacun rentre chez soi.

Ce soir, justement, nous quittons encore une fois le grand bâtiment scolaire. Le sol est mouillé, couvert de flaques d'eau à certains endroits. Rien d'étonnant après cette journée pluvieuse d'octobre.

Nous marchons côte à côte, en poursuivant notre discussion sur l'histoire que nous écrivons ensemble. C'est l'idée dont je voulais lui parler il y a quelques semaines, avant qu'il ne me hurle dessus.

- Tu as raison, me dit-il, ce serait effrayant, mais pour tenir le lecteur en haleine, il vaudrait mieux . . .

Il interrompt sa phrase car il vient de se rendre compte que je ne suis plus à ses côtés. Il regarde partout autour de lui mais ne me voit pas. Alors il m'appelle :

- Yoko ? Yoko ! Où es-tu ?

Je discerne sur son visage une expression à la fois inquiète et intriguée.

Un craquement de brindille parvient alors à ses oreilles. Il se retourne en sursaut vers un amas de buissons. Après quelques secondes, il demande, d'une voix mal assurée :

- Yoko ? C'est toi ?

Aucune réponse ne lui parvient. Son expression faciale vire légèrement vers la peur. Après quelques longues secondes d'hésitation, il approche des buissons pas à pas, en se faisant le plus discret possible. Une fois qu'il se trouve tout proche des arbustes, une créature se jette sur lui en hurlant :

- Bouh !

- Aah !

Il positionne ses bras devant lui en guise de bouclier, mais cela ne l'empêche pas de tomber à la renverse sous le poids de son agresseur ! En redressant ses lunettes devant ses yeux, il constate que cette créature n'est autre que . . . moi !

J'éclate de rire en voyant son expression éberluée :

- Ha ha ha ha ha ! Je t'ai bien eu ! Je t'ai fait peur, hein ? Ha ha ha ! Joyeux Halloween !

- Ha ha, très marrant, répond-t-il avec ironie. C'est malin ! On est trempés à cause de toi ! Tu es contente ?

- Oui, j'ai réussi ma farce. Allez, ne le prends pas mal ! C'est juste un peu d'eau de pluie, ça va sécher.

- Elle s'est mélangée à la saleté du sol !

- Et bien tu n'as qu'à mettre ton uniforme dans la machine à laver en rentrant, dis-je en haussant les épaules. C'est ce que je ferai aussi.

- Rentrons, justement. La nuit est déjà tombée depuis un bon moment, ce n'est pas sûr de rester dehors dans ces conditions, ça peut être dangereux. Je te raccompagne.

- Quel gentleman ! Je vous remercie, Lord Naoki.

Je mets ma main devant ma bouche pour étouffer mon rire. Le jeune brun lève les yeux au ciel en soupirant, mais je peux voir un léger sourire se dessiner sur son visage.