La chambre quatre
Je pousse la porte du club de littérature un peu après à seize heures. La plupart des membres y sont déjà. Il ne me faut pas longtemps pour remarquer Naoki, assis à la grande table du centre, en train de lire un livre. Je me dirige aussitôt vers lui :
- Salut, Naoki !
- Salut, Imaé.
- Ça va ?
- Oui et toi ?
- Je vais bien, merci.
Je regarde ensuite à gauche et à droite, mais ne la voit pas. Je demande alors à mon ami :
- Yoko n'est pas encore arrivée ?
- Non, je ne l'ai pas vue de la journée.
- Moi non plus. C'est un peu étrange, d'habitude elle arrive toujours à l'heure.
- Oui, mais elle ne devrait plus tarder à arriver à mon avis.
Je hoche la tête et m'assied près de lui. Nous commençons à discuter des détails de la suite de notre histoire, en attendant notre amie, mais le temps passe et elle ne se montre toujours pas.
Finalement, la séance de littérature touche à sa fin sans qu'elle n'y soit venue. Naoki et moi rangeons nos affaires et quittons ensemble la salle. Alors que nous marchons dans les couloirs de l'école, nous dirigeant vers la sortie de l'établissement, je déclare au jeune brun :
- Ce n'est vraiment pas normal qu'elle ne soit pas venue, elle qui adore ce club et n'a jamais manqué aucune séance. Il faut absolument que j'ai de ses nouvelles parce que je m'inquiète sérieusement, là !
- Oui, tu as raison. On n'a qu'à aller voir chez elle directement.
- Bonne idée, allons-y !
*
Au bout de quelques minutes de marche, nous arrivons devant le bâtiment où réside notre amie. Nous sonnons à l'interphone, mais personne ne répond. C'est alors qu'une voix nous interpelle :
- Bonsoir, les enfants. Je peux vous aider ?
Nous nous retournons pour voir une vieille femme portant un sac de courses. Je lui réponds :
- Bonsoir, madame. Si vous êtes une résidente du bâtiment, nous aimerions bien que vous nous aidiez à entrer. Nous voulons rendre visite à une amie, mais elle ne répond pas.
- Si elle ne répond pas, c'est probablement qu'elle est sortie. Qui est votre amie ? Je la connais sûrement, je suis une des plus anciennes habitantes.
- Yoko Myoji.
- Oh, mes pauvres petits ! Vous n'êtes pas au courant ?
- Au courant de quoi ?
- Il semblerait que Yoko ait eu un grave accident ce matin. Elle est à l'hôpital.
Nos yeux s'écarquillent d'horreur à l'annonce de cette terrible nouvelle !
Nous nous précipitons aussitôt vers l'hôpital, sans même prendre le temps de remercier et dire au revoir à cette bonne femme.
*
- Bonsoir, dis-je à la jeune femme qui s'occupe de l'accueil de l'hôpital. Nous avons appris que notre amie est internée ici. Elle s'appelle Yoko Myoji. Pouvons-nous la voir ?
- Laissez-moi vérifier un instant, dit-elle en consultant les fichiers de son ordinateur. Oui, cette enfant se trouve bien ici, chambre quatre. Je vais vous y conduire.
Elle se lève et nous guide dans les couloirs de l'hôpital. Pendant que nous marchons, Naoki lui demande :
- Dans quel état se trouve-t-elle ?
- Elle est dans le coma.
- Le coma ? ! m'exclamé-je. Que s'est-il passé ?
- Un accident de la route. Une voiture l'a percutée. Physiquement, elle ne s'en est sortie qu'avec une fracture à la jambe et quelques égranitures, mais c'est psychologiquement que le choc a été le plus violent : elle est dans un profond coma.
- Oh, c'est terrible !
- Oui . . . Ah, nous y voilà ! La chambre quatre, c'est ici que se trouve votre amie. Surtout, ne touchez à aucun des appareils qui s'y trouvent, compris ? Vous avez droit à deux visites par jour, un quart d'heure à chaque fois, d'accord ?
- Oui.
- Bon, dit-elle en ouvrant la porte, je vous laisse.
Nous pénétrons dans la pièce. Un couple s'y trouve déjà. Il s'agit sans doute des parents de Yoko. La femme, aux cheveux châtains coupés au carrré, pleure dans un mouchoir tandis que son époux tente de la réconforter comme il peut en passant ses bras autour de ses épaules.
Naoki est le premier à s'approcher du lit où est allongée Yoko. La jeune fille est branchée à un appareil respiratoire et quelques perfusions. Ses yeux sont fermé, son visage ne laisse paraitre aucune expression. On pourrait presque croire qu'elle dort paisiblement.
Naoki la contemple quelques secondes avant de murmurer :
- Elle est entre la vie et la mort. Elle peut nous quitter pour tout jamais à n'importe quel instant . . .
- Oui, mais elle peut aussi se réveiller à n'importe quel instant, dis-je afin de tous nous rassurer.
- Et si elle ne se réveillait plus jamais ? Que ferais-tu ?
- Voyons, Naoki, ne sois pas si pessimiste. Je sais que c'est dur, mais il faut garder espoir. C'est notre amie tout de même, ne pense pas à quelque chose que tu ne lui souhaite pas . . .
- Je suis juste réaliste et tu ferais mieux d'en faire autant ! En tout cas, moi, je refuse de me voiler la face de la sorte ! Si le seul espoir auquel tu te raccroches s'avère faux, tu n'en souffriras que davantage ! Alors, un bon conseil : tu ferais mieux de penser à toutes les possibilités !
- Naoki . . .
Ce dernier quitte alors la salle en claquant la porte derrière lui. Je ne l'avais jamais vu entrer dans une colère pareille.
Ce n'est qu'au moment de sortir de la pièce à mon tour que je remarque un détail : la chambre quatre. Quatre, le chiffre maudit. Le chiffre de la mort.
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