Saint Valentin, mon c*l !

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Valentin,

Je n'avais absolument aucune idée de la façon dont j'allais bien pouvoir amorcer cette lettre que tu ne liras probablement pas, alors je le ferai comme d'habitude : en pesant chaque mot pour mieux en penser sincèrement chaque phrase...

Tu es viré. Ou tu démissionnes, c'est comme tu veux. Dans tous les cas, je ne veux plus que tu t'approches de moi. Tu as raté ta trajectoire et planté ta flèche dans un mur. Un mur qui aurait pu s'habiller d'un bonheur simple, sans arabesque, si tu avais bien effectué ton travail. Seulement voilà, tu ne sais pas tirer à l'arc. Alors, il est grand temps que tu repenses à une reconversion.

Je n'ai pas eu le temps de lui confier ce que je traversais avec difficulté depuis plusieurs mois, trop occupée que j'étais à admirer sa lumière. Sa plussoyance, comme dirait Alice. La sienne est magnifique ; je suis certaine que tu l'as perçue. Obligatoirement. Il est intelligent, il aurait compris ce dont j'avais besoin et que je n'ai pas su lui expliquer. Je ris le cœur serré au souvenir de toutes ses images. Tout était beau. Trop, peut-être ? Je marchais à nouveau pieds nus dans l'herbe quand tu as décidé de me tirer une flèche dans la jambe. Mais je boitais déjà... rappelle-toi...

Tout ange que tu es, tu me forces à replonger au plus profond de moi, un peu plus que la dernière fois. Mes images reprenaient enfin des couleurs, mais il semble que tu te sois amusé à les colorer toi-même. Donc mal. Très mal. Valentin, Saint de l'imposture, je te hais. Tu n'es pas un ange. Un ange ne rate jamais son but, il tape dans le mille et s'éclipse rapidement pour ne pas déranger son œuvre.

Alors, puisque tu dois trouver d'autres responsabilités, je t'en donne une. Une seule. La plus importante et la plus tenace à mon sens. Range tes affaires, et chuchote-lui les plus belles envolées qui existent. Aide-le à écrire toujours plus, toujours mieux, toujours avec bienveillance. Ma jeunesse m'a vraisemblablement fait défaut, mais notre premier jour m'a confortée dans la certitude absolue qu'il lui incombe de nous emporter avec lui dans une infinité de transports sublimes dont il détient le secret. Il est capable, à travers sa plume, de susciter des émotions que tu ne peux imaginer, tellement elles transcendent ta personne, ton ressenti, tes convictions les plus ancrées. C'est une beauté cachée. Il craint le soleil, tu sais. Il s'en cache sous une capuche, désespérant de voir la lune apparaître devant lui un soir, sans se douter un seul instant que cette étoile lui ferait du bien. Prend-le par la main avec douceur, et guide-le sur ce chemin. Je l'ai moi-même senti fébrile sur notre fin, sans pour autant parvenir à dépasser cet état de fait. Je n'ai sans doute pas choisi les bons outils.

Crie-lui que sa lumière est belle, délicate, bien trop vacillante encore, mais bien présente et, surtout, unique. De cette lueur propre aux artistes animés par leurs mots, leurs métaphores poétiques et leur délicatesse d'esprit. Dis-lui que je n'ai plus la force de m'occuper de lui, que, désormais, j'ai un tiroir supplémentaire à ranger, que j'aurais aimé prendre le temps, que je le porterai toujours en mon cœur, toujours, que je voulais tout doucement devenir visible à lui, littéralement et sans ambages, que je bégaie inlassablement devant la vie, que j'adore sa richesse humaine, que la peur connaît chacun d'entre nous, que j'entends ses rimes en écho dans mon sommeil désormais absent, que je suis triste de la complexité des sentiments, que j'aurais volontiers embrassé ses paupières afin qu'il me voie. Invite-le à rester Lui. Murmure-lui que je l'ai réellement aimé ainsi, que son audace constitue sa meilleure arme, que je le devine sublime dans ses élans, que je suis désolée s'il le souhaite, que le petit bout de Moi que je lui ai tendu est honnête. Ordonne-lui d'être heureux, de s'aimer comme je l'ai immédiatement aimé, de ne pas perdre de vue que les coquelicots parviennent à grandir dans les endroits les plus insolites. Prend soin de lui, pas à pas, avec toute la tendresse que je te transmets pour lui. Garde bien rangées toutes ces pages qu'il noircira un peu grâce à toi, je l'espère. Ce sont ses plus beaux témoignages. Enveloppe-le de ta Contemplation dans ses moments de doute. Serre-le très fort contre toi pour apaiser son souffle quand sa mélancolie s'invite sans qu'il l'ait conviée. Apporte-lui ton soutien permanent, penché par-dessus son épaule, quand il s'écrie en silence.

Je m'en vais. Peut-être définitvement, peut-être seulement pour un temps. Je n'en sais encore rien. Peut-être n'ai-je d'ailleurs jamais rien su ? Les mots ne viennent plus à moi, les images s'atténuent, je crains de faire faner ce qu'il me reste. J'ai besoin de retrouver une respiration. De déposer un bout de coton suplémentaire autour de mon cœur que j'ai visiblement entaillé seule. Demande-lui pardon, s'il le désire. Et, dans l'éventualité où je reviendrais, j'exige de constater que tu l'auras aidé efficament à devenir plus fort et à demeurer aussi magnifique et atypique que je le sais... Mais ailes sont mouillées, il refusera possiblement de m'en créer d'autres plus solides après cela, alors je compte sur les tiennes. Préserve-le, malgré tout, il m'est très cher... Colle ton front régulièrement au sien pour lui communiquer ma douceur...

Mais avant de jeter cette bouteille à la mer, permet-moi de te poser une question. L'expérience garantit-elle une clairvoyance absolue ?

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