Personal Data Log 19.7-14

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Sauti Ya Bahari, l’Intelligence Artificielle, m’a expliqué l’intérêt d’entrer mon journal dans son système. Je commence donc en ces premiers jours sur mon nouveau lieu de vie, bien loin de mes océans doux et accueillants : sur le vaisseau baptisé aujourd’hui Kinga Ya Sasa par son commandant tout neuf.

Je m’appelle Watarajiwa et je suis hiérarque de mon clan. Je suis également une très bonne ingénieure Tech Op, et je me suis portée volontaire pour accompagner la Matriarche au Sénat Galactique afin de faire reconnaître notre peuple. Loin de cette mission importante, c’est la curiosité qui me pousse dans cette voie : un vaisseau spatial à explorer, découvrir, comprendre, bricoler. En outre, ayant inventé, avec mon clan, le processus de mise en gaz d’environnement l’eau qui nous est vitale, il fallait que je vérifie et supervise sa parfaite installation dans le vaisseau. Ils sont d’ailleurs 41 de mon clan à s’être joint à moi pour ce voyage et pour apprendre tout ce que nous pouvons sur cette technologie humaine.

Le premier jour à bord n’a pas été de tout repos. J’ai aimé le premier lien télépathique tissé avec Sauti Ya Bahari, l’IA du vaisseau. Tout comme le vaisseau, cette appellation a été choisie le membre de mon peuple qui a été désigné pilote et commandant du vaisseau que les humains sont venus nous livré en échange de ressources sur notre planète. Quatre membres de cette espèce resteront d’ailleurs avec nous pour un an, dont Olga Kovalsky, l’équivalent du hiérarque dans son groupe. En tout cas, je le suppose. Nous avons eu, lors du dîner, des discussions très perturbantes sur la manière dont les humains fonctionnent avec leurs petits, entre eux, et pour leur reproduction. J’ai beaucoup de mal à me faire à leurs concepts, et les vidéos de leurs ébats me mettent mal à l’aise. C’est tellement plus simple chez nous, entre nos œufs et la laitance des mâles. Il n’y a pas d’envie, juste l’impératif biologique. Sans parler du fait de s’associer en clan à deux avec le même mâle pour s’occuper soi-même des petits. Que font les plus âgés chez eux, s’ils n’élèvent pas les enfants ? Comment font-ils pour évoluer avec un clan aussi minuscule ? Tant de questions que j’aurais encore à lui poser… Mais déjà, j’en ai fait des cauchemars la nuit qui a suivi.

Au moins, nous avons pu discuter, elle et moi. Ce fut bien plus compliqué au départ avec Ngumi Ya Kusimama, celui de mon espèce devenu commandant. J’ai vite compris qui il était : c’est par lui que l’opprobre a été jeté sur son clan, même si je ne sais pas de quoi il fut coupable. Que la Matriarche lui confie une telle responsabilité est intrigant, même si je respecte bien évidemment sa décision. Nos premiers échanges furent houleux : je voulais juste le connaître, il s’est emporté au-delà de ce qui est tolérable sur ma planète de la part des mâles. Heureusement que je suis progressiste. Mais je suis surprise par son rejet de nos hiérarchies ancestrales. Sans doute son long séjour parmi les humains a-t-il transformé sa vision du monde. Mais c’est aussi la raison pour laquelle il a toutes les compétences requises pour prendre en main le vaisseau spatial.

Nous avons fini par trouver un terrain neutre pour parler ensemble, avec l’idée d’installer un relai sur notre réseau planétaire, afin d’en récupérer informations, traditions, coutumes et langages. Une banque de données qui sera utile pour présenter notre peuple aux autres races présentes au Sénat. J’en ai profité pour lui proposer de venir nager dans nos océans doucereux. Le pauvre n’avait même pas eu l’occasion de le faire après 15 ans d’exil ! Je ne sais pas trop quoi penser de lui, malgré ses belles couleurs vives. Il a l’air d’avoir beaucoup souffert, il a fait souffrir son clan, et pourtant tous le reconnaissent comme hiérarque. Je me demande quelle faute fut commise.

Pour le moment, après deux jours passés à bord ou sur Bahari, notre planète, nous attendons encore deux clans. Et, bien sûr, la Matriarche elle-même, avant de s’élancer dans l’espace. J’en profite pour me familiariser avec les technologies et le plan du vaisseau que j’ai rapidement mentalisé. Mes quartiers sont confortables, même si je me retrouve seule. Olga a des branchies : son employeur a malheureusement touché à son corps pour le transformer. Elle m’a expliqué qu’elle a été forcée d’accepter pour travailler pour lui. Je suis inquiète que les humains soient si peu à l’écoute et dans le respect de la nature et de leur corps divin. Est-ce le prix à payer pour s’ouvrir à la technologie ? Je me sens partagée. J’ai encore tant de choses à découvrir : je suis heureuse de m’être portée volontaire pour ce voyage.

Fin d’enregistrement.

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