Depuis le dernier enregistrement, il s’est passé quelques faits notables. D’abord, les réparations nous ont donné l’occasion de se lier encore plus avec le peuple que nous avons sauvé. Je n’ai pas hésité à les laisser copier les plans du vaisseau : après tout, si leurs « alliés » humains et marchands ne sont pas capables de se mobiliser pour les aider, autant qu’ils aient les moyens de se sauver tout seul. Et dans le même esprit d’échange et de rapprochement de nos deux peuples, Mimba a obtenu les plans de leur super filtre à radioactivité. Bon, du peu que j’en ai vu, je n’en comprends pas grand’chose pour le moment. Mais je verrai cela plus tard – si on m’en laisse le temps, en tout cas. Mimba trouve que ce serait bien pour ôter la radioactivité d’une surface de notre planète qui est, de ce fait, inaccessible. Il faudra que je prenne le temps de travailler là-dessus.

Pour le moment, je fulmine. Comment expliquer cela… Alors, on a récupéré un journaliste humain. Apparemment, il y a deux clans de journalistes : ceux qui mentent et qui sont majoritaire (on les connaît bien) et ceux qui sont honnêtes (comme Clair, qui est maintenant à bord). Tout le monde l’a accueilli en sauveur, Olga parce qu’elle connaît sa réputation mais également notre capitaine Ngumi (il préfère peut-être les hommes humains aux femelles bahari, en fait). La Matriarche l’a jugé digne de confiance, donc je n’ai plus qu’à me taire et obéir. Obéir, ça veut dire lui donner accès à tout, tout lui raconter, lui faire confiance sans réserve. Parce qu’il va sauver notre réputation avant qu’on arrive à Prima. Je crois que ça m’agace qu’on doive s’en remettre à un humain pour l’issue du statut de notre peuple. Plus je vois les humains agir depuis que j’ai quitté ma planète, moins je les trouve digne de confiance ou tout simplement fiable. Lâches, couards, faibles, bornés, manipulateurs et menteurs, intéressés, cupides, oui. Il y a des exceptions, bien sûr, comme Olga. Mais ils sèment sur leur sillage plus de mal que de bien. Bon sang, ils pillent des planètes, ils laissent des « alliés » se faire dévorer par des méduses géantes sans même les évacuer, ils privilégient leur confort et leur besoin à toute dignité ou respect de la vie.

Ce journaliste, là, je trouve qu’on devrait s’en méfier. Il juge à travers son filtre humain. Contrairement à Olga, il ne cherche pas à comprendre notre fonctionnement : il nous range dans des cases humaines qui lui conviennent sans nous poser de question. Il tire des conclusions à la va-vite sans approfondir quoi que ce soit. Il tente même d’aller chercher lui-même des infos par piratage – merci Sauti de sa vigilance ! Il interroge mes équipes au lieu de venir me poser directement des questions. Il est fourbe. Je ne comprends pas pourquoi la Matriarche et le Capitaine se comportent comme ça avec lui. Toujours est-il, que du coup, il a toutes les infos sur absolument tout – à l’exception du cristal d’occultage. L’avantage, c’est que la vérité va peut-être être rétablie en ce qui concerne la porte stellaire détruite. J’attends de voir son fameux impact.

Les réparations finies et le journaliste embarqué, nous avons sauté vers le système des poissons. Trois vaisseaux-mondes mécalus en sont partis au moment où nous arrivions, alors qu’une planète explosait. Il aurait été facile de faire comme le journaliste et de sauter aux conclusions qui nous arrangent : les mécalus ont détruit une planète. Mais enquête réalisée : il semblerait qu’ils ne soient pas responsables de sa destruction mais qu’ils aient sauver les humains présents dans la station de forage. J’avoue que j’aurais préféré avoir des éléments supplémentaires contre eux. Mais OK.

Ils tentent d’amadouer les humains parce qu’on a sauvé un peuple et une planète ? C’est une compétition de bienveillance ?

Ho la la, je deviens aigrie. Et paranoïaque. Les travers humains déteignent sur moi… Plus je découvre le monde, plus je perds ma joie de vivre et mon innocence. Ma naïveté, dirait sans doute Ngumi. Je comprends mieux son caractère, après 15 ans passés dans ce monde.

Bref, on a récupéré le titatium de la mine abandonnée (après avoir détruit un mini engin mécalus) et nous avons sauté de nouveau pour… je ne sais même plus où on est. Je sais juste que c’est un repaire de contrebandiers et qu’il y avait une sonde mécalus qu’on a aussi détruite. Un système qui n’appliquent pas les lois du Gouvernement Central. Moi, j’aurais choisi une autre destination, mais je ne suis pas capitaine. Olga et Ngumi veulent reprendre de l’armement et de l’anti-matière (en mode « on n’attends pas une semaine à remplir nos cuves à un soleil »). Donc on prend ce risque. Mais l’avantage, c’est que les douanes n’ont pas pu jouer d’intimidation avec nous : on est gros, armés, avec une réputation construite par le clan des journalistes-menteurs pour qu’on fasse peur. Au final, on a acheté du matériel militaire volé. J’ai prévenu tout le monde, mais mes ordres sont d’installer tout cela, alors je le fais. Dans les trucs qui font qu’on sait qu’on se rapproche de Prima, c’est que plein de gens veulent causer avec nous. Comme l’ancien équipage de Nugmi par exemple. Et d’autres veulent nous attraper pour récupérer une… prime. Un truc encore en rapport avec l’argent. Vraiment, c’est le dieu des humains, cet argent. C’est lui qui rend les gens complètement barbares.

Nous en sommes là. Moi j’installe les ravitaillements énergétiques et l’armement, je remplis mes fonctions et je dois faire des courbettes à ce journaliste – à qui j’ai même montré le masque récupéré dans notre cimetière interdit de Bahari ! Vraiment, j’espère que les suites ne me montreront pas que j’avais raison. J’espère sincèrement qu’il est fiable. Lui aussi a une « prime » sur sa tête – parce qu’il est intègre, paraît-il. Entre primés, on doit se serrer les coudes, non ? En tout cas, il a trouvé la bonne planque vu notre armement, et un bon sujet pour faire parler de lui avec ses reportages à notre sujet.

J’attends les Bapa avec impatience : c’est le dernier élément qui doit être livré, ensuite, on pourra partir. Je ne sais pas trop si Olga verra réellement Heinz venir à bord d’ici là, puisque ce dernier l’a contactée. Je me demande bien ce qu’il veut lui dire.

Plus on se rapproche du Conseil Gouvernemental, plus je me demande si cela n’est pas plié d’avance pour nous. Les humains aiment tellement passer des vacances sur notre planète. Leur confort personnel passera-t-il avant la sauvegarde de notre peuple ? Rien n’est moins sûr.

Fin de l’enregistrement.