Je suis revenue au vaisseau escortée par les Novas. J’étais alors toujours hors de moi. Je n’avais qu’une envie, me réfugier auprès de mes moteurs et qu’on me foute la paix. Mais bien sûr, vu le bordel sans nom dans lequel on est plongé, cela ne s’est pas avéré possible…

Bon, premier point positif (oui, je suis capable d’en trouver même quand je suis en colère) : Mimba est sortie du coma. Et mieux, elle a répondu à mes questions à propos de son attaque sur Ngumi. Je suis soulagée de voir que ma supposition du log 20.04-11/13 était la bonne. Mais cela va encore plus loin : le cri du Capitaine a causé un véritable électrochoc à Mimba. Cela semble avoir tellement chamboulé sa vision du monde que j’ai même trouvé ça suspicieux dans un premier temps… Elle semble vénérer (non, le mot n’est pas exagéré) Ngumi et sa vision égalitaire du monde, rejette la vision du Matriarcat, parle de partir de Prima pour monter notre propre civilisation, limite devenir pirates. Avec une statut à la gloire de notre Capitaine ? Surtout qu’elle a demandé, en le faisant savoir de tous les Baharis du vaisseau, qu’elle voulait changer de couleurs pour adopter celle du clan de Ngumi ! En tout cas, l’effet secondaire de tout ça est que cela a redescendu ma colère d’un gros cran tellement c’était inattendu !

Sinon, Olga nous a rapporté des éléments suite à son enquête sur Ulkien. Des mouchards, entre autre, avec une boîte. Pour faire court après avoir décortiqué ça : il enregistre depuis le début de notre voyage nos conversations. Pour les transmettre à qui ? Des conversations que j’ai eu avec lui, clairement pas à la Matriarche conservatrice qui essaye de nous damer le pion au Sénat. Là encore, vu les moyens mis en œuvre (ici, le nombre de mouchards et leur technologie d’enregistrement, du matos humain), je ne comprends pas les enjeux ni qui pilotait Ulkien. Surtout qu’il avait volé toutes les recherches à mon sujet. Nos cousins ? Comment auraient-ils été en contact ? Des humains ? Pour quoi faire ?

Il y a eu de longues tractations internes pour savoir la suite de la conduite à tenir. Je suis finalement sortie de ma réserve. Bon sang, je ne peux pas m’empêcher de me mêler de tout ça ! J’avais prévu de bouder dans mon coin, auprès de mon moteur, et surtout pas de réendosser ce foutu rôle de Capitaine. Pour ce qu’on m’écoute ! Et surtout si ce dernier est, comme je l’espère tellement, et comme en est convaincu son propre clan qui a planifié de se barrer du vaisseau (pour aller où ? avec quels moyens ?), Ngumi est vivant. Cela m’a fait chaud au cœur d’entendre sa voix dans les enregistrements… Donc, nos discussions pour savoir quoi faire : laisser la nouvelle Grande Matriarche se présenter au Sénat ? On a découvert qu’elle est soutenue par le Triumvirat (sans surprise). Au départ, Mimba était à fond pour cette solution : on part, on demande au fraals un bout de terrain, et on monte un truc économique compliqué avec nos œufs que je n’ai pas compris, mais elle semblait très sûre de son fait, s’appuyant sur des éléments appris auprès de Ngumi sur l’argent. Saun Du a proposé qu’on fasse une demande de départ, pour voir si on nous laisserait faire ou si cela serait refusé. Dont acte, et du côté des autorités portuaires, ça semblait bon. Même si nous restons là pour le moment.

Et puis, parce que je ne peux pas m’empêcher de l’ouvrir, j’ai proposé, au contraire, qu’on aille au Sénat à 18h avec Mimba en représentante. Après tout, selon les traditions Baharis, la suivante après Kitty sur le vaisseau, c’est Mimba. C’est donc elle, dans notre délégation officielle, qui est la nouvelle Matriarche représentante. Pourquoi ai-je suggéré cela alors que je voulais laisser tomber tout et tout le monde, et notre planète aussi ? Aucune idée. Parce que j’en ai marre de subir, de me faire trahir et entuber (je reste polie), et que ça m’amuse de pouvoir retourner à la pareille à un de nos (nombreux) ennemis. Nous tablons donc sur une allocution visio de Mimba, expliquant sa souffrance de la perte de la Grande Matriarche Kitty, et que c’est un honneur pour elle de reprendre le flambeau et de se présenter au Sénat, tout ça… Et pour que le peuple et les sénateurs la voient, elle, physiquement.

Deuxième point positif, Saun Du a beaucoup (beaucoup) insisté pour qu’on ne fasse pas comme si de rien n’était, mais qu’on parle de l’usurpatrice, celle qui indique sa présence dans le message d’infos parlant de la disparition de la Matriarche (message qui dit que ce serait de la faute de l’Empereur ? hein ? c’est quoi le rapport ?). Je n’étais pas pour, vraiment pas, mais stratégiquement, Mimba va tourner ça de manière intelligente pour que, si elle veut nous contrer, ce soit à elle de se justifier et non à nous. Notamment sur le trajet pour venir à Prima (le nôtre est archi-connu pas à pas, merci les réseaux), condition sine qua non pour se présenter. Donc, OK, Saun Du a bien fait d’insister.

Nous en sommes donc là : l’enregistrement de la vidéo avec Mimba, qu’elle doit relayer à Clair pour diffusion. Ce dernier furète du côté du Sénat et m’a envoyé la photo d’une Bahari prise à la sauvette. Bah tiens, c’est celle qui s’était vite dépêchée de remplacer Kitty avant notre départ de la planète et qui est ultra conservatrice ! Troisième point positif, au moins, on a un nom et un visage.

Donc le bordel est total et nous avons des ennemis à « nous en faire tout le tour de la ceinture », comme disent les humains : les Matriarches conservatrices et le Trumvirat, Ulkien et ceux derrière lui, les Méchalus, nos cousins, et peut-être d’autres encore tant tout cela est complexe… Et le tout avec des moyens technologiques et financiers astronomiques !

Et je ne parle même pas de mon fameux don pour parler aux machines, qui selon Olga est la clef de ce puzzle. Mouais. Tout ça, autant de morts et autant de moyens juste pour ma petite personne, je n’y crois pas trop. C’est juste un fil parmi les autres. Sauf que je pige rien au motif tissé.

D’ailleurs en parlant de mon talent si spécial… je ne suis pas seule, là. Je ressens la présence. On monopolise mes sens. C’est en douceur, mais je n’aime pas ça.

Fin de l’enregistrement.