Déconnecté (1)
Vyrian se sentit peu à peu revenir à lui. La lumière l’éblouissait à travers ses paupières closes. Il gémit et se retourna pour y échapper. Il s’arrêta net. Il ne parvenait pas à cerner le problème, mais il en était désormais certain, quelque chose n’allait pas. Pourtant, tout lui paraissait ordinaire. La dureté du matelas sous son dos et la rugosité des draps contre sa peau, lui était familière. Mais, aucune voix ne venait hanter ses pensées. Pour la première fois depuis bien longtemps, il se sentit seul. L’absence des autres survivants et de Mère lui fit ouvrir les yeux.
La pièce était déserte. Sa fréquence cardiaque augmenta. Les mains moites, il repoussa les draps. La vue de ses membres frêles, le mit mal à l’aise. Tremblotant, il bascula ses jambes dans le vide et se laissa tomber. Ses pieds percutèrent le sol froid. Il frémit. Un pas après l’autre, il entreprit de découvrir la pièce dans laquelle il se trouvait. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu’elle différait de ses souvenirs, les murs poussiéreux avaient faits place à une peinture d’une blancheur immaculée.
Vyrian avisa à proximité du lit des appareils de monitoring comme il n’en avait jamais vu. Curieux, il s’en approcha et se surprit à se déplacer de manière de plus en plus fluide. Lorsqu’il arriva devant les instruments, il put voir sur l’écran principal une représentation de son corps. Le biologiste la regarda attentivement. S’il en croyait le schéma, une armature lui permettait de soutenir son corps, pourtant il ne voyait rien de tel.
Alors qu’il passait ses mains sur l’écran, il comprit qu’en cliquant sur les différentes parties de l’ossature, il pouvait avoir accès à un descriptif, il appuya sur chacun des composants jusqu’à ce qu’un point se mette à clignoter. Sceptique, il regarda ses mains, ce n’est qu’en touchant ses paumes décharnées qu’il rencontra une infime boursouflure. Après un nouveau regard sur l’écran, il exerça une légère pression et son corps se retrouva recouvert d’un alliage à la fois résistant et léger. Vyrian avait déjà vu ce genre de technologies, mais aucune ne rivalisait avec celle qu’il portait.
Estimant que le schéma ne pouvait plus rien lui apprendre, il s'intéressa au second appareil de surveillance. Il fit face à une nouvelle représentation de son corps, mais cette fois-ci en temps réel, lorsqu'il plia le bras, il put voir sur l'écran les rouages de l'armature s'agencer les uns avec les autres pour suppléer son manque de force.
Vyrian ne connaissait qu'une famille de technologies capable de faciliter les mouvements en ajoutant la force de moteurs électriques. Il s'agissait des exosquelettes. L'appareil couleur chair se fondait avec sa peau, sa texture y était identifique à s'y méprendre, mais lorqu'on y imposait un choc, elle l'amortissait et Vyrian ne percevait aucune douleur.
Quand il appuya une nouvelle fois sur le bouton, l’exosquelette disparut. Vyrian passa sa main sur ses membres et ne ressentit que le contact de sa peau. À l’œil nu, la structure était indétectable. Il s'agissait d'un camouflage optique.
Il n’y avait plus l’ombre d’un doute, il ne se trouvait plus dans son monde. L’absence des autres survivants s’expliquait. Alors que Vyrian prenait peu à peu conscience de sa condition, les souvenirs des derniers événements lui revinrent en mémoire. Il se rappelait du contact brûlant du sol sur sa peau, de la rupture de connexion avec Mère, de la perte de contact avec le Monde Mythique.
La douleur encore bien présente dans son esprit, n’avait laissé aucune trace sur son corps. Toutes ses plaies anciennes et récentes avaient disparu. La blouse qu'il portait, laissait supposer qu’il se trouvait dans un hôpital. Plus le scientifique prenait conscience de sa nouvelle réalité, plus les questions se pressaient dans son esprit.
Étourdit, il se rassit sur le lit, ferma les yeux et tenta de calmer les battements effrénés de son coeur. Il devait faire un point sur sa situation. Il espérait pouvoir visualiser les événements comme il l’avait fait pour comprendre l’arrivée de Feyna dans le Monde Mythique.
Le biologiste sentit tapis au fond de son cerveau une présence familière. Il se détendit quelque peu en reconnaissant sa connexion avec Mère. Il essaya de l’activer, mais rien ne se produisit. Il était seul, prisonnier de son ignorance et de sa solitude.
Le raclement d’une porte attira son attention, il ouvrit les yeux. Un homme se tenait face à lui. Vyrian sut son nom instinctivement : Rayec. Pour une raison que ne parvenait à s’expliquer le scientifique, Mère semblait lui avoir transmis ses connaissances. Néanmoins, curieux de la manière dont se présenterait le nouveau venu, il attendit.
— J’ai cru que tu ne te réveillerais pas.
Vyrian ne put s’empêcher de tressaillir à ces mots. Il n'y croyait pas lui-même. Les événements avaient pris une tournure inattendue et il devait s’y adapter, aussi, il posa la question qui lui brûlait les lèvres.
— Combien de temps ai-je dormi ?
En prononçant ses paroles, Vyrian ne s'était pas rendu compte à quel point sa gorge était asséchée. Rayec le rejoignit et lui tendit le verre qu'il tenait dans les mains.
— Buvez.
Le scientifique prit le verre que lui tendait son bienfaiteur et s'attarda quelques instants sur ce contact. Il se sentait comme un nouveau-né ayant tout à réapprendre, il avait oublié la sensation des objets contre sa peau et leur poids. Lorsqu'il porta le verre à ses lèvres, il en avala le contenu par réflexe, apprécia la fraîcheur du liquide, mais but trop vite et s'éttouffa. Une quinte de tout secoua son corps et Rayec attendit qu'il se calme avant de lui répondre.
— Deux jours.
— Deux jours ?!
Le scientifique n’osait imaginer le nombre d’informations qu’il avait pu manquer durant ce laps de temps, tout allait si vite.
— Vu l’état dans lequel je t’ai trouvé, ça aurait pu être bien pire.
Vyrian regarda son corps encore une fois, à la recherche de preuves de sa souffrance passée.
— Que s’est-il passé ?
— Je comptais sur toi pour me l’expliquer. Je t’ai trouvé non loin d’ici. Tu étais inconscient dans la cendre, ton corps à moitié enseveli. Je t’ai déterré, ramené et soigné. Après t’avoir fait passer un bilan complet, je t’ai installé cet exosquelette.
— Merci.
Vyrian ne savait comment réagir. Il était reconnaissant envers cet homme de l'avoir sauvé, mais il ne parvenait à croire qu'il l'avait fait par pure charité. De ce qu'il en savait l'installation d'une telle technologie était longue et difficile, les cernes sous les yeux de l'homme le confirmaient. De plus, Vyrian ne croyait pas au hasard, si cet homme l'avait trouvé et aidé, c'était pour une bonne raison. Convaincu de son raisonnement, mais se sentant irrespectueux, il interrogea son hôte.
— Pourquoi m’avoir aidé ?
— Parce que tu es comme elle.
Annotations