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Je sonne. Axel m’ouvre.
— Salut Léa ! Tu es bien matinale aujourd’hui. Entre, je t’en prie.
Le voir me fait oublier tous mes soucis. Enfin, presque tous.
— Comment vas-tu Axel ? À vrai dire, j’ai besoin de tes services. J’ai une fuite d’eau chez moi et tous les plombiers sont fermés…
Il me fait une grimace.
— Madame est trop lourde pour sa baignoire ? Je t’avais dit de perdre quelques kilos !
Je lui tire la langue en ricanant. Je renchéris.
— La faute à qui ? Avec tous les burgers que tu me fais manger !
Nous restons une petite minute sur le perron à nous raconter les dernières nouvelles. Je décide de garder le secret concernant mon héritage, mes rêves et impressions bizarres.
— Bon, je vais mettre mes chaussures, prendre mes outils et après on ira régler son compte à cette fuite d’eau, dit-il.
Une fois à l’extérieur, nous contemplons le ciel bleu, peuplé de quelques nuages çà et là qui ressemblent à des objets très loufoques ; je crois reconnaître une fourchette et un dragon avec des toutes petites ailes. Les arbres bordent les routes sous un soleil qui commence à nous réchauffer plus qu’il n’en faut. La journée s’annonce horriblement chaude !
Nous atteignons mon immeuble et grimpons au deuxième étage. J’ouvre. Une pellicule d’eau recouvre toute la surface au sol de mon appartement.
— Allons voir cette fuite d’eau. Le voisin du dessous risque de te créer des ennuis. Je pense qu’il te rendra une petite visite.
— Il n’y a personne qui habite le logement du dessous. Je verrai avec mon assurance pour la démarche.
Il se dirige directement dans la salle de bain et ouvre la trappe qui mène aux canalisations.
— Je vois, c’est pas grand-chose. Le siphon est mal positionné. D’ailleurs, je ne sais pas comment ça a pu arriver sans que quelqu’un n’y touche.
Je fais les gros yeux.
— Comment ça ? Je ne mets jamais mes mains là-dedans Axel, tu le sais très bien.
Tout en nettoyant le siphon et en s’assurant que les joints sont encore en bon état, il m’explique :
— Je sais très bien que tu n’es pas bricoleuse. Simplement, je n’ai jamais vu quelque chose comme ça.
Axel replace le siphon et vérifie que tout soit rentré dans l’ordre.
— Tout fonctionne correctement. Problème résolu ma belle !
Mon cœur bondit dans ma poitrine.
— Attends, répète ça ?
— De quoi ? Tout fonctionne correctement ?
Je hausse le ton.
— Me prends pas pour une idiote ! Ce que tu as dit après.
Il place ses mains face à lui, comme un voleur pris en flagrant délit.
— Léa, qu’est-ce qui t’arrive ? Calme-toi.
Je souris nerveusement.
— Que je me calme ? Pourquoi tu me dis ça ? D’abord ce cauchemar, ensuite toi qui me dis que la fuite d’eau n’est pas due au hasard et…
Je baisse la tête. Une pensée m’intrigue. Je réalise. Une conviction. Je fixe avec un regard noir son visage ressemblant à un chien battu. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. J’explose :
— C’était donc toi cette nuit ! Tout à l’heure, quand je t’ai annoncé ma fuite d’eau, tu as immédiatement parlé de baignoire. Ça aurait très bien pu être l’évier de la cuisine ou de la salle de bain. Seul toi sait que je suis mauvaise bricoleuse. Pourquoi tu t’es infiltré chez moi cette nuit ! Dans quel but ? Tu es complètement fêlé !
— Je ne comprends rien ! Mais qu’est-ce que j’ai fait ou dit à la fin ? Je t’ai parlé de baignoire parce que c’est le premier truc auquel j’ai pensé. Et je t’interdis de me traiter de fêlé !
Je baisse le ton et, après avoir rejoint le salon, ouvre la porte d’entrée.
— Je te prierai de sortir de chez moi.
Il souffle en me toisant du regard.
— Comme tu voudras. Ciao.
Il embarque ses outils sous le bras et emprunte les escaliers.
Je m’affaisse contre la porte et pleure à chaudes larmes. Je pensais que c’était un ami, un vrai. C’est un fou comme tous les autres ! Seules les gouttes salées qui s’échappent de mes yeux m’aident à surmonter mon mal-être.
Le silence est la pire des tristesses.
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