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J’ai presque envie de lâcher prise. Je suis à bout.
Soudain, une mélodie que je connais parfaitement se joue de façon étouffée. Ma tête se redresse. Je me relève avec difficulté sans penser à mon épaule qui me fait un mal de chien. Le son s’éclaircit à mesure que je me rapproche. Les secondes s’égrènent. Vite !
J’ouvre ma chambre. La chanson est pratiquement terminée. Sous le lit !
La petite lumière qui se dégage de mon téléphone me réchauffe le cœur. Je réponds, presque en larmes.
— Madame Feuillet ? C’est le notaire. J’ai effectué plusieurs recherches concernant votre requête. C’est pour le moins inquiétant. Êtes-vous prêtes à entendre ce que je vais vous dire ?
Je ne sais pas comment réagir. Faut-il que je le supplie d’appeler la police, ou attendre qu’il ait fini pour l’avertir. C’est une chance de survie, je ne dois pas la gâcher. Mais, peut-être aura-t-il des réponses à propos de mon agresseur invisible ? Je tente de me détendre, tant bien que mal.
— Je suis là. Dites-moi tout.
Le contact extérieur me procure un bien fou.
— D’accord. Commençons. Tout d’abord, je n’ai découvert que très peu d’informations sur votre grand-mère. J’ai alors demandé à un ami policier de regarder pour moi et, c’est extrêmement bluffant. Votre mamie faisait partie d’une sorte de secte satanique qui existe depuis de nombreuses années. Selon ses membres, invoquer Satan porterait bonheur.
Je cogite, puis lui demande :
— Je ne vois pas très bien le rapport avec l’argent ?
— J’y viens, reprend-il. Suite à ses premières séances, votre grand-mère a remporté une énorme somme d’argent dans une loterie internationale avant ses quarante ans. Elle est donc devenue la pionnière du groupe et allait toujours plus loin dans l’expérimentation. Mais ce qui m’a le plus troublé, c’est la façon dont elle est décédée.
Mon cerveau n’intègre pas correctement ces informations. Je n’ai jamais vraiment cru aux esprits, à l’enfer, au paradis. N’empêche, ces cauchemars, cette voix que j’entends, et si l’origine de mes tourments n’était due qu’à la folie d’une entité ? Je secoue la tête. Cela n’existe pas. Mais sinon, quoi d’autres ?
Je me sens épiée. Ma gorge est sèche. Mes tremblements se font plus intenses. Que m’arrive-t-il ?
J’invite le notaire à continuer d’une voix faiblarde.
— Allez-y.
Il poursuit ses explications.
— C’est dur à entendre, mais votre grand-mère n’est pas morte de vieillesse. Elle s’est suicidée. Plusieurs marques à vie ont été retrouvées sur son corps. Des traces de scarifications et de bleus la recouvraient des pieds à la tête. La folie l’avait rongée de l’intérieur. Résultat de ses appels à Satan ? Personne ne le saura. Chacun est en droit d’y croire ou non. Je vous donnerai simplement un conseil, et là, ce n’est plus le notaire qui vous parle. Ne vous approchez pas de cette maison. Des choses peuvent l’habiter. Dans le doute, on ne sait jamais.
Je chute lourdement sur le sol. Je me sens partir. Mon téléphone reste allumé à côté de moi. Le notaire s’inquiète :
— Madame Feuillet ? J’ai entendu un bruit sourd. Est-ce que tout va bien ?
Dans un dernier souffle, j’arrive à prononcer ces mots :
— Je suis dans la maison. Aidez-moi.
La ligne se coupe. Mes yeux se révulsent. Une partie de moi s’envole. Le notaire a raison.
Satan existe bel et bien.
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